(Illustration : armes de Montmirail)
La notoriété d’Hervé IV, qui avait uni par son mariage Donzy et Nevers, a occulté la personnalité de son père : Hervé III, seigneur de Donzy, Cosne et Saint-Aignan, comte de Gien, un puissant seigneur, brillamment allié, et dont la famille paya un lourd tribu à la reconquête de la Terre Sainte (troisième et quatrième croisades).
On ne connaît pas l’année de sa naissance, mais il succéda à son père Geoffroy IV, vers 1158. (Voyez la notice consacrée à l’histoire de la baronnie de Donzy…).
Il fit un mariage prestigieux en épousant en 1169, Mathilde Gouët, fille du baron du Perche-Gouët, Guillaume IV, et petite-fille du roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc. Elle lui apportait le sang de Guillaume le Conquérant et cette importante baronnie, qui comprenait notamment les châteaux de Montmirail, Alluyes, Brou, Authon et La Bazoche, aux confins des départements actuels de l’Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher et de la Sarthe. Ancienne possession des évêques de Chartres, le Perche-Gouet avait consolidé son unité en luttant sous la direction des Gouët contre les comtes du Perche. Hervé et Mathilde eurent au moins sept enfants.
Il épousa en secondes noces une capétienne : Clémence de Bourgogne, fille du duc Hugues II Borel et de Mahaut de Mayenne, dont il eut une fille.
Il avait hérité de la maison de Semur un caractère farouche et entendait gouverner son fief de façon indépendante. Il s’employait aussi à le protéger des ambitions de son puissant voisin le comte de Nevers, Guy, qui tenait également Auxerre et le prenait en tenaille.
A la mort de son beau-père, Hervé eut à lutter contre le comte de Champagne qui occupait le Perche-Gouet. Il fit appel à l’aide du roi Henri II Plantagenêt, cousin de sa femme, qui lui accorda sa protection contre la promesse d’un abandon de ces terres du Perche, mais ne lui fut finalement pas d’un grand secours. Le roi Louis VII redoutait une telle implantation anglaise et considérait cette alliance comme une trahison. Suivant les habitudes de cette époque plus guerrière que diplomatique, il assiégea donc Donzy avec l’aide du comte de Nevers, rasa sa puissante forteresse et détruisit la collégiale et la ville, en 1170.
Hervé dut faire sa soumission pour obtenir le droit de rebâtir un château, ce à quoi il s’employa jusqu’à sa mort en 1187.
Son fils aîné Guillaume de Gien, devenu baron de Donzy, mourut au siège d’Acre en 1191 au cours de la troisième croisade de Philippe Auguste et Richard Cœur-de-Lion, avant même d’avoir été marié.
Le titre baronnial passa à Philippe, le cadet, qui mourut dès 1194 sans enfants d’Alix de Cours-les-Barres. Il échut alors à Hervé IV, troisième fils, qui n’alla pas en Terre Sainte mais fut de l’expédition de Simon de Montfort contre les Albigeois (1208) ainsi qu’à Bouvines.
Geoffroy, le quatrième, fut quant à lui moine de La Charité. Il en fut élu Prieur en 1209. Le cartulaire du prieuré nous indique qu’ayant contesté l’autorité de l’abbé de Cluny venu extirper une hérésie, il fut déposé et excommunié comme « rebelle, dilapidateur et contumace… ».
Renaud de Montmirail, cinquième fils d’Hervé III, partit à son tour en Orient (quatrième croisade), en 1202. Il succomba comme tant d’autres au siège d’Andrinople(1205). Villehardouin confirme sa présence au siège, en compagnie notamment de Louis, comte de Blois, duc de Nicée (1171-1205). Il mourut comme lui quelques jours plus tard, lors de la poursuite des troupes de Kaloyan, tsar des Bulgares de la dynastie Asenide. Pour commémorer son engagement le blason de Montmirail « Burelé d’argent et de sable ; au lion de gueules brochant sur le tout » figure dans la Grande Salle des Croisades à Versailles.
Renaud avait épousé Alix, fille du sire de Beaujeu, Guichard le Grand et de Sybille de Hainaut, mais n’en eut pas d’enfant. Le Perche-Gouet fit alors retour à Hervé IV, devenu comte de Nevers et resta pendant trois générations associé à ce comté…(voyez la notice consacrée à la succession des barons du Perche-Gouet).
Bernard de Donzy, sixième fils d’Hervé III, qui avait accompagné son frère, fut fait prisonnier en 1204 à l’attaque de Constantinople par les francs lors de cette même expédition, et mourut l’année suivante des suites des mauvais traitements subis en captivité.
Cette litanie d’exploits et de drames confirme à la fois l’importance féodale de Donzy au XIIème siècle, à l’égal des plus grands fiefs, avec des alliances princières, et la participation active de ses seigneurs à la grande épopée des Croisades, où leur bannière s’illustra.
Bonjour,
Tout d’abord bravo pour votre site remarquablement bien renseigné et illustré qui m’aide beaucoup pour ma généalogie.
EN croisant mes différentes information, j’ai un doute sur le fait qu’Hervé II ai épousé en seconde noce Clémence de Bourgogne. En effet, il semble que Mathilde soit décédée après Hervé, autour de 1200. De plus il semble que la fille d’Hervé et Clémence, prénommée Mahaut Félicité soit née en 1160 soit avant le mariage d’Hervé et Mathilde. Hervé ne se serait-il pas marié avec Clémence en 1ère noce plutôt qu’en seconde ? Qu’en pensez-vous ?
Merci, Hervé (sans numéro 🙂
Merci pour votre appréciation.
Vous posez une question difficile car la filiation des premiers barons de Donzy est assez mal documentée, mais je vais me pencher sur ce problème et vous répondre dès que possible.
Bien cordialement
Après un rapide examen, je pense que votre objection est fondée d’un point de vue chronologique : les enfants d’Hervé et Mathilde Goeth sont manifestement postérieurs à cette Mahaut-Félicité, fille de Clémence.
Le problème est que cette Clémence, fille du duc Hugues Borel et de Mathilde de Mayenne, dont elle était la 11ème et avant-dernière enfant, est bien mal connue et peu citée. Mais des sources sérieuses se posent comme vous la question.
Une autre réponse est parfois apportée qui lui donne pour époux Geoffroy (III ou IV, les numéros sont variables…), le père d’Hervé, dont elle aurait été la seconde épouse.
Kerrebrouck, dans son ouvrage sur les Capétiens qui est la meilleure source contemporaine, écrit que Clémence « épousa un sire de Donzy, Geoffroy III ou son fils Hervé III ».
Faute de sources primaires, on reste dans un registre spéculatif dans lequel les dates orientent le choix mais ne le garantissent pas.
Quoiqu’il en soit, je vous remercie pour cette intéressante intervention qui va m’amener à adapter mon texte pour ouvrir les différentes possibilités, à défaut de pouvoir trancher.
Bien cordialement