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Longrets : la « Terre aux Poitevins »

(Illustration : chevet de Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers)

En évoquant l’ancienne abbaye de Saint-Laurent, nous avons rappelé qu’elle avait été fondée sur une terre appartenant à l’église Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers qu’on appelait Longrets : un nom totalement disparu des cartes.

Cette seigneurie, qu’on appelait aussi la « Terre aux Poitevins », appartenait aux chanoines de Saint-Hilaire depuis les temps les plus reculés. Clovis, roi des Francs, en aurait fait don à cette église historique de Poitiers en 524 – excusez du peu ! -. Attribution confirmée en 889, lorsque le roi Eudes officialisa sa transmission aux chanoines, et en 942, par le roi Louis IV d’Outremer.

Le monastère de Saint Laurent fut fondé peu après. Au XIème siècle il fut confié aux Chanoines réguliers de Saint Augustin. Des dispositions furent prises au fil du temps pour assurer la coexistence sur le terrain entre cette abbaye, dotée de biens aux alentours, et Saint-Hilaire qui détenait Longrets dans sa globalité.

Une seigneurie ecclésiastique très vaste puisqu’elle englobait outre Saint-Laurent : la paroisse de Saint-Quentin-sur-Nohain en totalité, et une partie des paroisses de Saint-Andelain, Garchy, Pouilly-sur-Loire, et Saint-Martin-du-Tronsec. Un terrier de 1526 énumère les lieux-dits qui la composaient : La Chaume, Les Prébandes, le Bois Pigné, le Chambeau, le Bois de l’Aulne, Congy, Maubochet, Les Caves, Sommard, Saint-Quentin, Chevroux, Saint-Laurent, La Brosse, Villiers…

Cette énumération implique une superficie considérable : plusieurs milliers d’hectares. Du Nohain aux portes de Pouilly, jouxtant au sud-ouest le domaine du prieuré de La Charité, et au nord-est Mocques, Favray et la baronnie de St-Verain, au nord-ouest la châtellenie de Cosne et au sud celle de Donzy, le grand fief des chanoines structura ce territoire vallonné jusqu’à la Révolution.

L’histoire de Longrets est documentée par des titres conservés aux Archives de la Vienne, dont l’inventaire a été publié (AD 86 – série G, Chapitre de Saint-Hilaire – accessible en ligne).

A Poitiers, l’exceptionnelle église romane Saint-Hilaire-le-Grand, témoigne de l’importance de cette fondation.

Originaire de Poitiers, Hilaire en fut évêque au IVème siècle. Il fut le grand défenseur de la foi chrétienne orthodoxe contre l’arianisme. Il avait fait construire dans un cimetière au sud de la ville une chapelle dédiée aux saints Paul et Jean, martyrs. Il y fut enterré et un complexe funéraire et religieux s’y développa, comprenant une basilique.

Après sa destruction par les invasions une nouvelle basilique fut construite, autour de laquelle la légende de la bataille de Vouillé s’est construite : une lumière provenant de cette église aurait averti Clovis d’aller combattre et vaincre les troupes d’Alaric, roi wisigoth arien. Dans son « Histoire ecclésiastique des Francs« , Grégoire de Tours (538-594) reprend cette vision d’une « boule de feu ». Le roi aurait alors doté l’église Saint-Hilaire de biens de son fisc en témoignage de reconnaissance.

L’ensemble basilical devint une collégiale de chanoines réguliers au VIIIème siècle et fut dévasté à deux reprises par les musulmans en 732 et par les vikings vers 860, entrainant le transfert des reliques du saint au Puy-en-Velay.

En 935, les comtes de Poitou, ducs d’Aquitaine, en devinrent « abbés laïcs », c’est-à-dire protecteurs officiels. Ce titre fut transmis aux rois de France, qui s’y rendirent régulièrement. Henri IV, Louis XIII et Louis XIV notamment, abbés laïcs titulaires, y furent reçus.

L’édifice roman actuel date des XIème et XIIème siècles pour l’essentiel, complété par un portail gothique au XVème. Elle a subi de graves dommages pendant les guerres de religion, mais a été rétablie à l’identique.

Le chapitre de Saint-Hilaire était donc un grand propriétaire foncier.

L’enclave de Longrets en Donziais était, malgré la distance, partie intégrante de son patrimoine. Les chanoines l’administraient soigneusement ; les abbés de Saint-Laurent leur devaient une visite annuelle, dont les rois durent leur rappeler l’obligation, car ils s’en affranchissaient volontiers. Le statut royal du chapitre fut rappelé en diverses occasions : par exemple par des vitraux aux armes de France et du Saint-Siège, installés à l’église de Saint-Laurent au XVIIème siècle, pour que nul n’en ignore. Des conflits pouvaient naître, ils furent arbitrés par les évêques ou même par les Papes.

Indépendamment du domaine de l’abbaye de Saint-Laurent, qui incluait le Moulin de la Rousse sur le Nohain, la seigneurie de Longrets, dont le siège se trouvait en un lieu dit « le Terroir-des-Poitevins » aujourd’hui oublié, était affermée.

Certains domaines furent inféodés à partir du XVIème siècle : Chevroux – que nous avons déjà présenté – ; Bois-Regnault (vieux domaine agricole au sud de St-Andelain) ; la Brosse-de-Chinard et Congie. Leurs seigneurs particuliers faisaient hommage au doyen du chapitre de Saint-Hilaire, suzerain ecclésiastique.

Le chapitre y entretenait l’appareillage habituel de l’administration des grandes seigneuries : baillis, procureurs, sergents, prévôt, notaires…etc. Ainsi Claude Bouchet, avocat à Cosne, que nous avons déjà rencontré comme seigneur du Jarrier (à La Celle) était « Sénéchal de Longrets » vers 1680, un titre qui fleure bon le Moyen-Age…A Saint-Laurent une maison ancienne est connue comme étant celle du « Bailli de Longrets ».

Tout cela prit bien sûr fin en 1789. Les biens de Saint-Hilaire et ceux de Saint-Laurent furent vendus, au plus grand bonheur des notables locaux qui s’en emparèrent.

L’histoire de cette « Terre aux Poitevins » en Donziais illustre l’extrême complexité de l’organisation féodale et l’implication profonde de l’Eglise dans le dispositif territorial. Elle mériterait d’être approfondie.

 

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Donziais roman

(Illustration : le tympan de Donzy-le-Pré)

Même s’il ne pouvait bénéficier pour lui seul d’un volume de l’irremplaçable collection Zodiaque, fondée par Dom Angelico Surchamp à l’abbaye de La Pierre-qui-Vire, le Donziais est bien pourvu en églises romanes.

N’est-il pas encadré au levant par Vézelay et au couchant par La Charité-sur-Loire ?

Dans nos présentations des anciens monastères qui animaient la région de leurs chants, nous avons évoqué des monuments romans remarquables, dans les sites clunisiens de Notre-Dame-du-Pré, à Donzy, avec son exceptionnel tympan, et de Saint-Agnan à Cosne, avec sa belle abside, ; à Saint-Verain, relevant de Saint Germain d’Auxerre ; à Saint-Laurent, l’abbaye augustinienne, dont les ruines témoignent ; à la Commanderie de Villemoison ; sans oublier les quelques arcades du cloître de Bourras, derniers témoignages cisterciens,  et le chevet du prieuré grandmontain de Saint-Marc de Fontenay.

Mais de petites églises paroissiales, émouvantes par leur simplicité et leur grand âge, doivent aussi retenir notre attention. Leur histoire est souvent mal connue, mais le volume « Nivernais-Bourbonnais roman » de Zodiaque, l’ouvrage de C. Arnaud sur « Les églises de l’ancien diocèse d’Auxerre » (SSHNY, Auxerre, 2009) et la somme de M. Anfray sur « L’architecture religieuse du Nivernais au Moyen-Âge – Les églises romanes – » (Picard, Paris, 1951), fournissent une excellente documentation.

Evoquons ces sanctuaires du XIIème siècle, qui ont accueilli les seigneurs qui peuplent ce site et parfois leurs sépultures, au fil du temps.

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A tout seigneur tout honneur : là même où commença notre histoire, au village de Donzy-le-Pré, non loin de l’ancien prieuré, la petite église paroissiale Saint Martin est là, presque intacte, avec sa nef simple. Elle a remplacé vers 1100 un édifice qui remontait sans doute aux premiers siècles du christianisme (voir l’article sur les origines de Donzy). Elle a été agrandie d’un chœur plus étroit au XIIIème siècle.

                                                 

On y entre par un portail avancé en plein cintre dont l’archivolte torique, accompagnée d’un rang de perles et de quelques moulures, retombait sur deux colonnettes dont l’une a disparu, et l’autre conserve un chapiteau sculpté d’un aigle.

Cette paroisse avait sous sa dépendance Donzy-le-Pré, Lyot, Bailly, Saint Jean, et les forges de l’Eminence.

L’église abrite des sépultures, dont la dalle funéraire, dressée maintenant contre un mur, de Françoise de La Rivière, dame de Favray, dame d’honneur de la reine Margot (Marguerite de Valois), morte à l’âge de 20 ans, en 1606. Elle y est figurée en tenue de Cour, entourée des armes de La Rivière et de Reugny (son mari).

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A quelques kilomètres au sud, le beau village de Garchy a la chance d’avoir conservé intacte son église romane, complètement restaurée.

                                

Elle avait été donnée par Humbaud, évêque d’Auxerre (1087-1114) à l’église Saint-Eusèbe à la suite de l’installation d’une communauté de chanoines de Saint-Laurent, près de Cosne, au début du XIIème siècle. Une bulle papale de 1147 nous apprend que l’évêque Hugues (Hugues de Mâcon, 1137-1151) avait finalement réuni Saint-Eusèbe et ses dépendances, dont Garchy, à l’abbaye augustinienne.

Du mobilier et des vestiges antiques ainsi qu’une nécropole mérovingienne au lieu-dit  » Le Champ-Blanc « , avec des sarcophages, ont été retrouvés sur le territoire de la commune, mais il n’y a aucun vestige antérieur à la construction actuelle, dans l’église.

Ce village s’est vraisemblablement installé au passage d’un gué sur l’Asvins. Nous avons rencontré les seigneurs de Garchy – où on peut voir les traces d’un petit château – à Vieux-Moulin, en amont sur la rivière. Le château de La Barre est tout proche, ainsi que l’ancien fief de Boisrond, plus isolé.

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L’église paroissiale Saint-Martin de Myennes apparaît dans les textes à partir du milieu du XIIème siècle comme une dépendance du Prieuré de La Charité, qui a sans doute ordonné la reconstruction d’un édifice plus ancien. Divers travaux ont en effet permis de découvrir des éléments architecturaux et du mobilier d’un habitat gallo-romain.

                                                          

L’église a été très remaniée – ajout d’une chapelle seigneuriale au XVIème siècle – voir l’article consacré à Myennes – et restauration du XIXème siècle. Mais elle conserve, pour le chœur, sa structure romane : une abside en hémicycle précédée d’une travée droite, ainsi qu’une fenêtre.

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On sait seulement qu’un lieu de culte existait à Druyes-les-Belles-Fontaines à la fin du VIe siècle. L’église Saint-Romain – du nom d’un compagnon de Saint-Benoit de Nursie, venu fonder là un monastère, transféré ensuite à Andryes – est un exemple très pur de roman bourguignon du milieu du XIIe siècle (sauf la sacristie moderne, qui défigure le chevet roman, la chapelle Notre-Dame-de-Pitié et la tour fortifiée à l’angle de la façade, qui datent du XVème siècle).

                                                   

Druyes a eu une certaine importance aux XIIème et XIIIème siècles : le château de Druyes comptait parmi les résidences des comtes de Nevers, qui y entretenaient une garnison et y avaient leur propre chapelle, qu’on peut toujours y voir. La comtesse Mahaut de Courtenay y fit plusieurs séjours et a dû admirer le travail des sculpteurs des chapiteaux de l’église.

Par un très beau portail en léger retrait, on entre directement dans une nef aveugle de trois travées, couverte en berceau brisé et flanquée de collatéraux. Les chapiteaux de la nef présentent une simple ornementation végétale, ceux du transept, remarquables, sont historiés ou présentent un décor animalier.

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L’ancienne église paroissiale de Corbelin est placée sous le vocable de Notre-Dame de Septembre. Elle fut bâtie au XIIIème siècle et servit de chapelle au château.

                                                                    

Elle est à chevet plat, de type cistercien, percé de trois fenêtres en lancette sans meneaux, comprend une nef voûtée et un clocher carré renforcé par de puissants contreforts. Le culte y fut célébré jusqu’au XVIIIème siècle, mais elle fut ensuite abandonnée puis utilisée comme bâtiment agricole jusqu’à la fin du XXe siècle. Elle a été restaurée par la Camosine dans les années 1990.

Bonnes découvertes !

 

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