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Auxerre, Cluny, Citeaux…

Le Donziais, comme l’ensemble du pays auxerrois, était dans l’aire d’influence de la prestigieuse abbaye de Saint Germain à Auxerre ; Cluny, fondée en 909 par Guillaume le Pieux, étendit rapidement son influence en Bourgogne et bien au-delà ; au début du XIIème siècle enfin, la nouvelle austérité portée par Citeaux toucha également le Donziais.

Quelle fut dès lors l’influence de ces trois pôles monastiques ?

Le territoire donziais était fortement marqué par son appartenance au diocèse d’Auxerre, dont les limites étaient celles de l’ancien pagus. L’existence même de la baronnie était liée à sa structuration féodale par l’évêque-comte Hugues après l’an Mil. On considère généralement que ce terroir correspondait, au moins en partie, aux possessions de la puissante famille gallo-romaine de Saint Germain, dont il avait fait don à son évêché. Dès lors, le rayonnement de l’abbaye qu’il avait fondée au Vème siècle sous la forme d’un oratoire dédié à Saint Maurice d’Agaune, et qui devint sa basilique funéraire, s’étendait naturellement à l’ouest jusqu’à la vallée du Nohain.

                                                      

   Crypte et tombeau de Saint Germain (Auxerre)

Nous avons montré comment un très ancien établissement monastique niché dans la forêt donziaise : Cessy, placé sous l’invocation de Saint Baudile, avait été rapidement rattaché à Saint Germain tout en conservant le statut d’abbaye et une certaine autonomie. C’était également le cas des prieurés de Saint Verain, siège d’une autre baronnie, et de Moutiers, étape des pèlerins bretons vers Rome, en Puisaye.

Bref, cette appartenance auxerroise, sous la suzeraineté de l’évêque et sous l’influence spirituelle de l’abbaye, identifiait le Donziais et le différenciait du Nivernais voisin et de l’Avallonais.

Cluny, au comté de Mâcon, était une fondation bourguignonne et aquitaine, étrangère à l’origine à notre baronnie. Son expansion s’étendit toutefois rapidement et l’Ordre fut représenté brillamment au contact immédiat du Donziais dès 1050 par le grand Prieuré Notre-Dame de La Charité. C’était l’une des filles ainées de Cluny, au même titre que Souvigny, Sauxillanges, St-Martin-des-Champs à Paris et Lewes en Grande-Bretagne. Son influence s’exerçait dans toute la région, y compris en Donziais avec par exemple une dépendance à Cosne : le prieuré de Saint Agnan, et une possession terrienne à Pouilly : Le Nozet.

                            

                                            Abbatiale de Cluny III

Les barons de Donzy appartenant à la lignée de Semur-Chalon, bien qu’établis en Auxerrois, avaient des attaches anciennes en Bourgogne. C’est cette proximité et leur parenté avec le grand abbé Saint Hugues (Hugues de Semur) qui les conduisit à faire don à Cluny de l’église de Donzy-le-Vieux, pour la création du Prieuré de N.-D.-du-Pré, au tout début du XIIème siècle. C’était un acte hautement symbolique puisqu’il s’agissait de l’église même des origines de Donzy, à quelques centaines de mètres du château. Cluny, par le truchement de ce petit prieuré directement rattaché, se trouvait donc au cœur même de la vallée du Nohain. Certaines de ses possessions aux alentours, aliénées à des seigneurs particuliers au fil du temps, nous sont familières : Boisrond, Brétignelles, Molesme ou Le Vaudoisy

L’abbaye d’Auxerre n’était pas restée à l’écart de la rénovation monastique portée par Cluny à l’exemple de Saint Benoît d’Aniane, que l’empereur Louis le Pieux avait encouragée. C’est le duc de Bourgogne Henri, protecteur de Saint Germain, qui sollicita Saint Maïeul pour y promouvoir la réforme. Cet infatigable abbé d’origine provençale, et la petite équipe de moines qui l’accompagnaient, séjournèrent à Auxerre et mirent fin aux « déviances » qui, là comme ailleurs, minaient la pureté monastique. Il restaura l’autorité pleine et entière de l’abbé et passa rapidement la main à son disciple Heldric, qui en fut le grand réformateur. Saint-Germain ne fut cependant jamais affiliée à Cluny. Elle conserva son indépendance, sa liberté de choisir son abbé et son réseau propre. Elle bénéficia à son tour de « l’exemption »  qui la libérait de la tutelle diocésaine. A la naissance de la seigneurie de Donzy, l’abbaye était certes d’obédience clunisienne, mais elle rayonnait en toute indépendance sur le pays.

Pourtant, à peine un siècle plus tard, une nouvelle entreprise de rénovation s’affirmait à son tour, en réaction contre l’extrême richesse des abbayes bénédictines et les désordres qu’elle suscitait. L’Ordre cistercien, sa spiritualité et son architecture épurées, étaient nés, qui s’implantèrent vite, surclassant les établissements anciens pour capter la générosité des seigneurs. 

                                       

                                                Abbatiale de Pontigny (89)

Sous la houlette de Pontigny, une des quatre premières filles de Citeaux, il s’établit ainsi ex nihilo dans la haute vallée de la Nièvre, à Bourras, aux confins du Donziais, dès 1119, à l’initiative d’un seigneur nivernais ; et dans la vallée de la Loire à Roches vers 1133, à l’initiative de Gibaud de Saint-Verain. Par le truchement de l’abbaye cistercienne du Val-des-Choues, le baron de Donzy devenu comte de Nevers fit construire avec la comtesse Mahaut, l’Epeau, une fondation mythique aux portes de Donzy, en 1214.

Ainsi coexistaient au Moyen-âge les dépendances de trois grandes abbayes – ainsi que d'autres monastères relevant d'autres ordres – différentes dans leur fonctionnement mais toutes vulnérables face à la cupidité des puissants qui les mirent en « commende » dès le XVème siècle. Leurs arcs en plein cintre et leurs croisées d’ogives ne résistèrent pas aux assauts de leurs ennemis au XVIème siècle, et les exactions révolutionnaires achevèrent leur perte. Aucune ne put renaître en Donziais…

 

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Bourras, les cisterciens à l’oeuvre

(Illustration : Bourras, l’ancien logis abbatial)

Fondée au début du XIIème siècle par Hugues de Thil, seigneur de Champlemy et Alix de Montenoison son épouse, l’abbaye cistercienne N.-D. de Bourras, à Saint-Malo-en-Donziais, était la première fille de Pontigny, qui envoya des moines pour cette nouvelle fondation. Elle relevait de l’évèché d’Auxerre, et on doit considérer le territoire autour de Chateauneuf comme partie intégrante du Donziais, même si le chef-lieu appartenait au comte de Nevers.

Elle fut un établissement prestigieux, à la tête de domaines considérables dans cette vallée où les moines aménagèrent de grandes exploitations agricoles à la place des marais, apportant des techniques nouvelles. La liste de ses prieurs commendataires à partir du XVIème siècle, confirme que Bourras, à défaut d’un rayonnement religieux maintenu, devait procurer un revenu significatif.

Il ne reste presque rien des bâtiments d’origine : l’église a été détruite, et seules subsistent quelques arcatures de l’ancien cloître roman, derniers témoins de la gloire passée de Bourras. 

Un abbé commendataire a fait construire au XVIIIè siècle une véritable gentilhommière, qui veille toujours, au coeur de cette vallée isolée, sur le souvenir des valeureux moines qui l’avaient animée de leurs chants des siècles durant.

Voyez ci-dessous une notice largement inspirée par le travail de l’abbé L. Charrault, dans son petit livre sur Chateauneuf au Val-de-Bargis (complétée le 24 déc 2021) :

N.-D. de Bourras

D enluminé

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Roches, nécropole des sires de Saint-Verain

(En illustration : abbatiale de Pontigny)

Aujourd’hui, on distingue à peine de pauvres ruines abandonnées au fond d’un vallon en amont de Myennes. Pourtant, pendant de longs siècles, l’Abbaye cistercienne de Roches, dépendant de Pontigny, était un haut lieu de la région.

Elle fut fondée en 1133-1134 par Gibaud de Saint-Verain (voir cette fiche), ainsi que par l’évêque d’Auxerre Hugues de Montaiguancien moine de Cluny et neveu du grand abbé Saint Hugues, qui favorisait néanmoins l’ordre cistercien naissant. Ils firent venir dix religieux de Pontigny et instituèrent Godefroy de Toucy, issu des premiers barons de Puisaye (voir fiche Toucy), comme abbé. 

Dès 1140 les chanoines de Saint-Augustin de l’abbaye Ste-Marie de Villegondon toute proche (à Saint-Loup), vinrent, sous l’impulsion de l’abbé Aimeric, se réunir aux moines de Roches.

L’abbé Godefroy obtint en 1142 et 1165 des bulles pontificales « d’exemption » qui plaçaient Roches directement sous la protection du Saint-Siège. Riche abbaye, elle possédait de nombreuses fermes qui assuraient de très bons revenus. Elle possédait à Cosne les « Moulins aux moines », ainsi qu’un étang très poissonneux.

De grands seigneurs de la région et leur famille se firent inhumer dans l’abbaye : ainsi Marguerite de Rochechouart, deuxième épouse d’Hugues d’Amboise, seigneur de la Maison-Fort (fils d’Hugues, sgr de Chaumont et de Jeanne, dame de Saint-Verain…etc.) en 1375. Plusieurs sires de Saint-Verain reposaient à Roches, qu’on peut considérer comme leur « nécropole ».

L’abbaye fut ravagée par les Calvinistes peu après 1550, date à laquelle elle avait été donnée à Jacques Aymot, abbé commendatairequi y renonça lorsqu’il fut nommé à l’évêché d’Auxerre. Elle passa ensuite à son neveu, Jean de Bourneaux, un « enragé ligueur » qui refusait de reconnaître le nouveau roi Henri IV. Ce dernier plaça finalement à la tête de l’abbaye un de ses fidèles qui put vivre des bénéfices.

A l’instar de ses homologues elle ne cessa alors de décliner et en 1789, il ne restait que deux ou trois religieux à Roches.

Seul subsiste aujourd’hui un modeste logis prieural (XVIIè-XVIIIè) qui a servi de ferme, et quelques pans de murs de l’église abbatiale et des bâtiments monastiques, adossés à une sorte de basse-cour. 

Voyez ci-dessous une notice qui fournit des indications plus précises sur l’histoire de l’abbaye :

Abbaye N.-D. de Roches    (V2 du 9/1/17)

D enluminé

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