Connaissez-vous Henri Coeffier de Ruzé d’Effiat ?
Non ? Vous êtes sûrs ? Et si l’on vous dit qu’il était Grand-Ecuyer de France – « Monsieur le Grand » – favori de Louis XIII, introduit auprès de lui par le Cardinal de Richelieu ?
Peu avant sa propre mort, ce grand ministre lui fit cependant couper la tête sur la place des Terreaux à Lyon alors qu’il n’avait que 22 ans, car il avait participé à une conspiration contre lui avec Gaston d’Orléans, l’oncle du roi, et son ami François Auguste de Thou. Henri était mécontent en fait de se voir refuser un duché et la main de Marie de Gonzague-Nevers, celle-là même qui devint Reine de Pologne.
Ca y est, vous y êtes : c’est le fameux Cinq-Mars !
Il était le fils cadet d’Antoine Coeffier, Surintendant des Finances, ambassadeur, maréchal de France, marquis d’Effiat en Auvergne, de Longjumeau et de Chilly, et seigneur de bien d’autres lieux. Ces terres et titres marquaient la faveur du Roi pour ce grand serviteur issu d’une lignée bourgeoise qui comptait plusieurs maires de Tours. Les Coeffier, originaires d’Aigueperse, portaient : «De gueules, au chevron fascé-ondé d’argent et d’azur de six pièces, acc. de trois lions d’or », des armes reprises de leurs ancêtres Ruzé, de Touraine, éteints.
Henri quant à lui ne fit pas bon usage de la faveur royale. Il mena une existence dissolue, subissant l’influence de sa maîtresse, la trop fameuse Marion de Lorme, et se laissa entraîner par vanité dans cette aventure dissidente sans autre issue que le billot.
Fort bien, me direz-vous, mais que vient faire ici le marquis de Cinq-Mars ?
C’est qu’il était seigneur en Donziais. Il y détenait le fief dit « de la Rivière d’Yonne », que son père avait dû recevoir ou acquérir au tout début du siècle. Le bassin de cette belle rivière ne reçoit-il pas les eaux de Druyes-les-Belles-Fontaines et celles du Sauzay. Il s’agissait d’une construction féodale originale comprenant un ensemble de droits sur la rivière : haute, moyenne et basse justice, ainsi que l’exclusivité de la pêche. Cela devait représenter de beaux revenus – affermés par lots sans doute – si l’on en juge par la qualité des détenteurs successifs avant les Coeffier : Dreux de Mello au début du XIVème siècle, Jean de Bourgogne-Nevers lui-même au XVème, Louis de Sainte-Maure, connu comme comte de Laval, au XVIème. La dévolution précise du fief reste cependant à établir…
Pour des raisons difficiles à identifier, son titulaire devait hommage au comte de Saint-Fargeau, au titre de la baronnie de Perreuse, située en Donziais. Peut-être cet improbable fief aquatique venait-il des barons de Toucy du Moyen-Age, détenteurs de Saint-Fargeau et Perreuse, dont une descendante directe avait épousé Dreux de Mello ? Pour Cinq-Mars en tout cas le suzerain était une suzeraine : Marie de Bourbon-Montpensier, comtesse de Saint-Fargeau – petite-fille de la fameuse Princesse de Montpensier de Mme de La Fayette, et mère de la Grande Mademoiselle -, duchesse d’Orléans par son mariage avec Gaston, le mentor de notre Grand-Ecuyer pour le meilleur et pour le pire.
Cinq-Mars n’eut pas le temps de se marier et de procréer. Ses biens, dont les droits sur la Rivière, passèrent à sa sœur Marie, qui avait épousé Charles de La Porte, duc de la Meilleraye, Grand-Maître de l’Artillerie, Maréchal de France – dont ont peut voir l’appartement reconstitué à l’Arsenal -. L’Yonne et ses poissons étaient en bonnes mains. Leur fils Armand-Charles fut duc de Mazarin et de Mayenne par son mariage avec la belle et riche Hortense Mancini, nièce du Cardinal, qui le fit donc beau-frère du nouveau duc de Nevers.
Ensuite notre fief subit le sort commun et fut plusieurs fois revendu à de riches parlementaires et à un fermier général : Etienne Pierre Masson de Maison-Rouge, dont le père avait acquis de grandes terres dans les environs de Cosne : Buranlure en Sancerrois, Montchevreau et Mocques.
Les derniers seigneurs de la Rivière d’Yonne furent à l’image du système finissant : un magistrat auxerrois issu d’une vieille famille donziaise, Joseph Le Muet, sgr de Bellombre, et un négociant en vins, maire d’Auxerre, Edme-Germain Villetard.
Sic transit….