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Châteauneuf-Val-de-Bargis, en Donziais ?

Nous avons souvent évoqué le statut féodal original de la baronnie de Donzy – grand fief épiscopal auxerrois détenu par les comtes de Nevers à partir du XIIIème siècle – .

Il pose la question de l’aire géographique à laquelle s’appliquait cette singularité. Elle impliquait en effet une hiérarchie féodale spécifique : les comtes devaient hommage au roi pour le comté et à l’évêque pour la baronnie ; les vassaux locaux leur rendaient hommage « à cause de Donzy », suivant l’expression consacrée, dès lors que leur fief en était « mouvant ».

Nous avons déjà évoqué la question des limites de l’ancien Donziais dans un article. Mais un correspondant s’étonne non sans raisons : vous traitez de Chateauneuf, des fiefs de cette châtellenie (Champlemy, Fonfaye…etc.), et des abbayes qui s’y trouvaient (Bellary, Bourras…etc.), mais elle ne figure ni parmi celles qui composaient la baronnie à l’origine, ni parmi celles qui lui furent rattachées au début du XIIIème siècle. Pourquoi ?

C’est une bonne question, qui plonge au cœur d’une histoire féodale écartelée entre Auxerre et Nevers, à laquelle il n’y a pas de réponse simple.

Nous avons en fait suivi l’analyse des historiens nivernais L. Mirot et A. Bossuat formulée dans leur étude sur « Les limites et la réunion du Nivernais et du Donziais », mais cela mérite explication.

Avant d’aborder cette question de statut, attardons-nous un instant sur l’étendue de la châtellenie de Châteauneuf.

La carte proposée par Soultrait dans son édition de l’Inventaire des Titres de Nevers, indique qu’elle comprenait les paroisses de Garchy, Vielmanay – où se trouvait la Chartreuse de Bellary – Chasnay, Nannay, Arbourse, Champlemy et Saint-Malo – où se trouvait l’abbaye cistercienne de Bourras -. Ces coteaux boisés dont les vallons forment le bassin du Mazou et de ses affluents, jouxtaient au nord la châtellenie de Donzy et au sud celles de La Marche (avec les possessions du Prieuré de La Charité), et de Montenoison, appartenant toutes deux au comté de Nevers. On se trouve donc en limite.

Dans la layette cotée « Châteauneuf » (col. 295 à 300) l’Inventaire mentionne des fiefs que nous avons presque tous explorés : Etaules, Fonfaye et Chamery (à Chateauneuf) ; Mannay(Vielmanay) ; Chasnay ; Nannay, Pernay et Guichy (par. de Nannay) ; Garchy  et Arbourse. On trouve Champlemy notamment dans le dossier dit des « Titres de La Rivière ». Ces pages évoquent aussi des fiefs extérieurs à notre périmètre comme Villate, Varennes-les-Narcy, Dompierre-sur-Nièvre, qui relevaient de La Marche.

Mais un certain désordre régnait au XVIIème siècle dans les titres de Nevers qui représentaient une masse considérable de parchemins et de papiers conservés à la diable et ardus à déchiffrer pour l’équipe de l’abbé de Marolles. Des paléographes contemporains auraient sans doute une approche plus rationnelle et exacte, mais ce n’est plus possible puisque la plupart des titres originaux ont disparu pendant et après la Révolution.

Le statut féodal de Châteauneuf paraît effectivement incertain ; il a donné lieu à l’une de ces contestations dont le système féodal avait le secret.

Les comtes de Nevers se considéraient comme les suzerains de Châteauneuf au titre du comté. De fait, les paroisses d’Arbourse, Champlemy, Chasnay, Garchy, Nannay et Vielmanay figuraient dans le ressort du Bailliage royal de St-Pierre-le-Moutier, qui couvrait le comté de Nevers, d’après l’étude sur les Bailliages de MM. Duminy et Meunier (Nevers, Imp. G. Vallière, 1894). Châteauneuf et Saint-Malo ne sont pas cités.

Le même ouvrage précise que les fiefs et justices de Chateauneuf (et Fonfaye), Chasnay, Champlemy, Garchy (avec Puisac, Vesvres, Montclavin, et Maizières), Nannay, Arbourse ; mais aussi La Celle-sur-Nièvre, Villaines, Varennes-les-Narcy, Narcy (avec Rue-des-Fourneaux), Dompierre-sur-Nièvre, et Montifault, relevaient du bailliage comtal de Nevers. C’est un périmètre plus large, mais cela suggère en tout cas l’appartenance de la châtellenie au comté.

Dans cette conception Châteauneuf appartenait donc à la frange méridionale du diocèse d’Auxerre, de Clamecy à la Loire en passant par Varzy, qui relevait féodalement de Nevers.

Les évêques d’Auxerre quant à eux considéraient que Châteauneuf relevait non seulement de leur autorité spirituelle, ce qui n’était pas contesté, mais aussi de leur suzeraineté temporelle. Ils n’avaient conservé qu’un droit de gîte occasionnel dans le château qu’ils avaient remis très tôt aux comtes de Nevers, comme celui de Cosne. Ses ruines aujourd’hui disparues ont été représentées dans l’Album « Le Nivernois » (cf. illustration en tête). Mais les prélats et leurs juristes entendaient défendre pleinement les droits féodaux et les revenus associés à la baronnie de Donzy, comme ils le faisaient pour Saint-Verain et pour la Puisaye. Le ressort du Bailliage royal d’Auxerre qui couvrait toute l’étendue du diocèse et le champ d’application de la Coutume de l’Auxerrois étaient impliqués dans cette défense (voir l’article consacré à « l’Affaire du bailliage »).

Des actes de foi et hommage rendus aux comtes « à cause de Donzy » pour des fiefs du Val de Bargis, confirment cette mouvance épiscopale auxerroise. Le dossier coté Châteauneuf évoqué ci-dessus est d’ailleurs placé dans l’Inventaire au milieu de ceux des autres châtellenies donziaises. Tous les actes ne font cependant pas référence à Donzy, tout au moins dans les résumés proposés, comme si la jurisprudence n’était pas fixée. Il y eut sans doute des variations dans la compréhension des traditions féodales, en fonction des contextes historiques, des fiefs et de la personnalité des protagonistes, sans parler des transcriptions hasardeuses des auteurs de l’Inventaire.

A l’occasion des procès interminables suscités par l’affaire du Bailliage, les avocats des puissants évêques d’Auxerre prétendirent même que leur suzeraineté s’appliquait aux châtellenies de Clamecy et de Montenoison, pour faire bonne mesure. Il est vrai que les comtes avaient prêté le flanc à cette revendication en établissant à Clamecy l’administration de la baronnie.

Ces deux positions rivales s’affrontèrent devant les instances judiciaires jusqu’au début du XVIIIème siècle. Le Parlement de Paris y mit fin en faisant droit aux évêques pour Châteauneuf, comme Mirot et Bossuat le relatent. Clamecy et Montenoison restèrent des terres du comté de Nevers, où s’exerçait seulement l’autorité spirituelle des évêques.

Nous sommes heureux que ces dignes magistrats parisiens nous aient ainsi ouvert la voie, il y trois cents ans, pour inclure ces terroirs familiers dans notre champ d’étude. Sainte-Colombe et Cessy sont bien proches de Châteauneuf à travers bois…

Une suggestion pratique enfin : si vous cherchez des informations précises sur l’histoire de Châteauneuf et des villages avoisinants, rendez-vous sans tarder sur le site « Cahiers du Val-de-Bargis », magnifiquement documenté et illustré, qui traite justement de l’ « Histoire ancienne de la région de Donzy ».

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L’abbé Lebeuf, historien de l’Auxerrois

(Illustration : cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre, lutrin)

Les travaux de l’abbé Jean Lebeuf (1687-1760), historien originaire d’Auxerre, sont une source inépuisable pour l’histoire du Donziais, partie intégrante de ce diocèse avant la Révolution. Dugenne donne, dans son Dictionnaire, une notice biographique très détaillée de cet infatigable érudit (voir Bibliographie).

                                                          Lebeuf 1

Fils d’un « commis aux recettes et consignations » demeurant paroisse Saint-Régnobert, Lebeuf fit des études classiques à Auxerre puis à Paris (Sorbonne). Il fut ordonné par Mgr de Caylus (1711) et nommé peu après chanoine honoraire de la cathédrale, en raison de ses titres universitaires, dignité qu’il conservera jusqu’en 1753. Il fut incontestablement un disciple de cet évêque connu pour son adhésion au Jansénisme.

Passionné par la recherche historique, il s’attacha d’abord à éclairer l’histoire religieuse de son pays et fit paraître, en 1716, la Vie de Saint Pèlerin, premier évêque d’Auxerre, puis en 1722 l’Histoire de la vie de Saint Vigile, évêque d’Auxerre. L’année suivante parut son Histoire de la prise d’Auxerre par les huguenots, récit épique d’une époque très troublée et violente (voyez à ce sujet la notice consacrée au fief de Maisonblanche qui s’y réfère). Mais ces travaux n’étaient qu’une préparation à L’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre, publiée vingt ans plus tard (cf. infra).

Il aborda cependant bien d’autres sujets. En 1734, il était couronné par l’Institut, pour son Discours sur l’état des sciences dans l’étendue de la monarchie française, depuis la mort de Charlemagne jusqu’à celle de Robert, paru d’abord dans le Mercure de France. Il publia ensuite de nombreux ouvrages historiques et fut nommé membre associé de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Géographie de la Gaule et de la France au Moyen Âge, archéologie gallo-romaine, numismatique, histoire des rois, des villes…etc., Lebeuf traite de tout avec une égale érudition. On peut le considérer comme un des fondateurs de l’étude de la géographie nationale aux époques mérovingienne et carolingienne, même si certaines de ses approches, discutables, ont été ensuite remises en cause.

                                                         Lebeuf 2

Au XVIIIe siècle l’archéologie était encore balbutiante, mais Lebeuf savait déjà beaucoup de choses sur les monuments, comme en témoignent les Antiquités de Paris et de ses environs. C’est finalement à la capitale et à son diocèse, où il réside à partir de 1738, qu’il a consacré son plus grand ouvrage : l’Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris (15 vol. 1754-1758), d’une incomparable richesse de détails.

Entièrement absorbé par ses travaux, l’abbé Lebeuf vécut de la manière la plus modeste et généreuse. Le pape, informé de ses mérites, voulut l’attirer à Rome ; mais sa mauvaise santé l’en empêcha. Bien que disposant d’un revenu tès limité, il fit avant sa mort des legs à divers établissements de sa ville natale.

L’histoire du Donziais est largement éclairée par les Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse, (par l’abbé Lebeuf, Chanoine et Sous-Chantre de l’église cathédrale de la même ville, de l’Académie des Inscritions et Belles Lettres, Auxerre, 1747), qui est une véritable mine de renseignements, depuis les temps les plus reculés jusqu’au XVIIème siècle. 

Cet ouvrage fut réédité, annoté et augmenté par MM. Challe et Quantin au XIXème (chez Perriquet, Auxerre, 1847, dédicace des éditeurs à M. Chaillou des Barres  – Les Barres, à Sainpuits, voir cette notice Président de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne). Cette édition donne une biographie et une bibliographie très complètes de l’abbé Lebeuf. Elle a été réimprimée en 1978 par les Editions Jeanne Laffitte (4 tomes) (voir Bibliographie).

Dans les deux premiers tomes (édition de 1978), l’ouvrage développe une histoire chronologique très complète des évêques d’Auxerre, des origines (258, Saint Pélerin) jusqu’en 1676, ainsi que des différentes dignités écclésiastiques, des églises et des abbayes de la ville. Il aborde dans le troisième tome l’histoire civile de la Ville et du Comté, avant de fournir dans le quatrième une importante documentation. 

Nombreux sont ceux parmi ces prélats qui prirent des initiatives importantes pour le Donziais, qu’il s’agisse de la création de paroisses ou d’abbayes (voyez par exemple la notice consacrée à Vergers, qui se réfère au grand Saint Germain et à Saint Pallade ; celles consacrées aux prieurés de Cessy-les-Bois. ou de Saint-Verain) ou de sa structuration féodale elle-même par l’évêque Hugues de Chalon (voyez la page consacrée à l’histoire de la baronnie). Lebeuf est donc une référence absolue, fréquemment citée dans nos articles, qui rappelle l’ancrage auxerrois du Donziais.

D enluminé

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