Les ecclésiastiques ont été de tous temps des historiens émérites.
Préparés par des « humanités classiques » dans lesquelles l’histoire tenait une large place, impliqués dans la conservation du patrimoine religieux, et baignés de l’amour du terroir qu’ils arpentaient, certains d’entre eux se sont beaucoup investis. On ne compte plus les ouvrages qu’ils ont publiés.
Le premier grand historien du Donziais n’est-il pas le chanoine Jean Lebeuf (1687-1760), avec ses « Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse » (Auxerre, Perriquet, 1743) auquel nous nous référons souvent ?
Le XIXème siècle et les débuts du XXème ont été l’âge d’or de ces travaux érudits, dont certains font toujours référence, même s’ils ne sont pas exempts d’approximations ou d’erreurs. Un mouvement contemporain de réédition et le succès des versions numérisées, confirment l’intérêt qu’ils suscitent.
Cette source s’est progressivement tarie au rythme de la diminution du nombre de prêtres, du déclin du monde rural et de l’évolution profonde de la science historique elle-même. Ils n’ont pas été remplacés, mais de nouvelles approches se font jour : les universitaires s’intéressent à l’histoire régionale, comme illustrant un mouvement plus général (cf. Georges Duby et le Mâconnais) ; les moyens techniques actuels offrent aux amateurs des opportunités nouvelles de publication et d’échange. Ce site en est un modeste exemple.
Quoiqu’il en soit, nous voulons vous faire découvrir ou mieux connaître trois inlassables prêtres, dont les travaux ont largement contribué à éclairer notre histoire locale : Mgr Augustin Crosnier, le chanoine Jacques Baudiau, et l’abbé Lucien Charrault.
Mgr Augustin Crosnier (1803-1880)
Augustin Crosnier, fils de commerçants de Nevers, fit ses études à Autun puis à Nevers et y fut ordonné en 1828. Il fut notamment curé de St-Parize-le-Chatel et doyen de Donzy, où il s’employa à faire restaurer l’église Saint-Caradeuc (voyez sa notice historique pour l’inauguration en 1842, grâce à l’excellent site « Cahiers-du-Val-de-Bargis« )
Il fut à partir de 1850 Vicaire général du diocèse, avec le titre d’Archidiacre de Bethléem qui rappelait cet évêché symbolique. Le pape Pie IX lui accorda en 1855 le titre de Protonotaire apostolique. II ne cessa de remplir ces fonctions auprès des évêques successifs, montrant une grande compétence juridique et administrative.
Animé d’une passion pour l’histoire locale et le patrimoine religieux, Mgr Crosnier a multiplié les articles et les publications et peut être considéré comme l’historien du catholicisme dans la région. Il fonda la « Société nivernaise des lettres, sciences et arts » en 1851, dont le Bulletin est une source inépuisable, et en fut le président jusqu’à sa mort.
Dans son œuvre abondante, consacrée au Nivernais en général, à l’histoire religieuse et à Nevers en particulier, relevons tout spécialement en ce qui nous concerne : « Tableau synoptique de l’histoire du Nivernais et du Donziais » (Nevers, Fay, 1841) ; et ses travaux sur les congrégations religieuses qui éclairent l’histoire des principaux monastères de la région : « Congrégations religieuses d’hommes dans le diocèse de Nevers » (Nevers, Michot, 1877) et « Congrégations religieuses de femmes dans le diocèse de Nevers » (id. 1881).
Le Chanoine Jacques-F. Baudiau (1809-1880)
Né dans une famille de cultivateurs de Planchez, en Morvan ; ordonné prêtre en 1833, Jacques-François Baudiau, fut notamment curé de Montigny-sur-Canne, de Dun-les-Places, et enfin d’Entrains-sur-Nohain, en Donziais.
Il est l’auteur de deux ouvrages d’histoire et de géographie locales, imprégnés d’une grande érudition et d’un vif attachement à ces terroirs : « Le Morvand, ou essai géographique, topographique et historique sur cette contrée » (1854, 2 tomes, chez Fay à Nevers ; réédité en 1865, 3 tomes) reste un ouvrage de référence, qui porte un œil curieux et précis sur l’histoire de cette contrée, à cheval sur quatre départements, et sur ses nombreux sites historiques. On y trouve des indications précieuses sur les implantations d’anciennes lignées rencontrées au long de nos pérégrinations. Il a été réédité récemment par la librairie Voillot d’Avallon (1990, 3 tomes).
Nous concernant plus directement, son « Histoire d’Entrains depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. » (1879, Nevers, Vallières), est riche en renseignements sur l’histoire de cette ancienne cité gallo-romaine, dotée au moyen-âge d’un vicomte, et dont les environs recèlent de très nombreux sites castraux dans cette haute vallée du Nohain.
L’abbé Lucien Charrault (1870-1953)
Né dans une famille d’artisans à Châteauneuf-Val-de-Bargis, Lucien Charrault fut ordonné prêtre du diocèse de Nevers en 1895. Il fut notamment curé d’Alligny-en-Morvan puis doyen de Montsauche-Les Settons, et se retira à Colméry.
Il publia plusieurs ouvrages relatifs à l’histoire du Morvan, et, en ce qui nous concerne ici : une « Histoire de Châteauneuf-Val-de-Bargis et de la chartreuse de Bellary » (1908), sous l’égide de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts dont il était membre.
Il y affiche un positionnement personnel franchement hostile à la Révolution française, comme c’était souvent le cas du clergé de ce temps-là – en particulier au lendemain de la Séparation de 1905 – stigmatisant les exactions commises vis-à-vis des pauvres moines subsistants à Bellary et la vente de leurs biens.
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Le style de ces bons prêtres est un peu démodé et leur histoire parfois microscopique, mais leurs travaux sont uniques et donc précieux, et leur compagnie très agréable. Merci à eux !