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La Charité en Donziais ?

Il y a quelque temps un internaute s’interrogeait  : La Charité, située autrefois dans le diocèse d’Auxerre et co-fondée par l’évêque Geoffroy de Champallement, était-elle en Donziais ? Relevait-elle de l’évêque, du comte de Nevers ou du baron de Donzy ?

Une réponse institutionnelle simple s’impose dès l’abord : du point de vue ecclésial le monastère, clunisien dès sa refondation en 1059, releva d’abord de sa maison-mère de Cluny, et bénéficia également du « privilège d’exemption »,  c’est-à-dire d’une totale autonomie par rapport à l’évêque d’Auxerre  – confirmée par le Pape.

Re-fondé et re-baptisé au moment même où la seigneurie de Donzy s’affirmait, Seyr – son nom originel – se trouvait aux marges occidentales de l’espace contrôlé par la maison de Chalon-Semur.

Immédiatement au sud, le château de la Marche et ses seigneurs, donateurs initiaux puis adversaires du prieuré, étaient des vassaux des comtes de Nevers. Immédiatement au nord et à l’est se trouvaient des fiefs soumis à la suzeraineté de Donzy (châtellenies de Donzy et de Chateauneuf).

Son autonomie  s’étendait à son emprise foncière sur les paroisses environnantes : Bulcy, Mesves, Pouilly, Saint-Andelain, Narcy, Raveau, Dompierre-sur-Nièvre, Saint-Bonnot, y inclus la grande forêt des Bertranges.

Sa fondation par le comte de Nevers Guillaume Ier, peut suggérer que Seyr-La Charité était plutôt du côté de Nevers. Les successeurs de Guillaume se déclarèrent d’ailleurs constamment « protecteurs » de La Charité. La Marche devint le chef-lieu d’une châtellenie du comté.

Bref, le Prieuré Notre-Dame de La Charité, dont le territoire était intercalé entre les deux grands fiefs ensuite réunis, n’était pas en Donziais, et c’est pourquoi nous ne l’avons pas inclus dans notre périmètre.

L’extension rapide de son temporel par acquisitions et donations des seigneurs voisins, se fit certes au détriment du territoire contrôlé par les barons de Donzy : voir par exemple le cas de Pouilly. Nous avons proposé dans cet article récent, une petite étude sur les Prieurs de La Charité, qui en furent les « seigneurs ».

Quoiqu’il en soit, les grandes abbatiales de Vézelay au levant et de La Charité au couchant étendent toujours leurs ombres bienfaitrices sur notre petite contrée, avec laquelle les liens ont été constamment étroits. 

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Pouilly, le vin des moines

Pouilly-sur-Loire, gros bourg d’origine médiévale, doit son développement et sa prospérité à son vignoble (Pouilly). Son histoire propre est largement méconnue car la cité vécut dans l’ombre du grand monastère clunisien de La Charité dont elle dépendait – qui n’était pas quant à lui en Donziais -. Elle n’a fait l’objet d’aucune véritable étude et la configuration ancienne du château et de la ville n’a pas été représentée.

Née de La Rochelle et Lebeuf rappellent que cette Pauliaca villa appartenait au VIIème siècle, à Saint Vigile, évêque d’Auxerre, qui la légua au monastère de Notre-Dame-La-d’Hors qu’il avait fondé hors des murs de la ville.

On ne sait dans quelles circonstances – violentes sans doute et avant l’an mil – elle passa aux mains de seigneurs laïcs. On sait par contre que cette famille la céda au monastère clunisien naissant à la fin du XIème siècle.

Yves Sassier dans son travail sur le comté d’Auxerre, décrit cet épisode fondateur : «  Très caractéristique nous paraît, à cet égard, l’exemple de la villa de Pouilly-sur-Loire : dans la seconde moitié du XIème siècle, elle était aux mains d’une famille chevaleresque, les Bonvassal, attachée au château de Huban-en-Nivernais. En 1084, Ancel Bonvassal et ses trois frères, Hugues, Humbaud et Aganon, ont fait à La Charité l’aumône de la moitié de la potestas du lieu et des manants qui en relevaient, tam viros quam mulieres ubicumque abeantur ; en outre Ancel a concédé au prieuré une grange avec sa curtis, le champart de la réserve qui en dépendait, et plusieurs familles de paysans. Ancel et son puîné Hugues, ont dû trépasser quelque temps plus tard : en 1089 un placitum réuni à Dompierre-sur-Nièvre a permis la passation d’une convention entre le monastère et les deux survivants, Humbaud et Aganon. Aux termes de cet accord, chaque partie a reconnu devoir partager avec l’autre tout ce que, dans le futur, elle acquerrait au sein de la poesté, tam in casatis, quam in terris sive redditibus diversis. Mais on a aussi été plus loin. En effet l’aîné, Humbaud, a accepté qu’à la mort d’Aganon son cadet, la moitié de ce que celui-ci possédait en propre à Pouilly entre dans le dominium des moines. Très probablement ces derniers ont pu obtenir une telle clause en arguant que ce n’était là, somme toute, qu’une application du principe du partage égal ; une application qui en réalité, devait provoquer à terme un appauvrissement du lignage des Bonvassal et brisait donc, au profit du prieuré, l’équilibre défini plus haut. Aganon dut mourir quelque temps après, et La Charité toucher sa part d’héritage. La croisade fit le reste : Humbaud le Blanc, en partance pour Jérusalem et à court d’argent, donna au prieuré ses terres de Pouilly et de Charant, et quicquid omnino habeao in terra absque retentione ulla, non sans, il est vrai, se réserver expressément la faculté de rachat à son retour de Terre Sainte. Vraisemblablement il n’en revint pas, et le lignage fut éliminé du domaine de Pouilly, entièrement acquis au monastère…. »

Les prieurs de La Charité furent donc « seigneurs de Pouilly » es-qualité du XIème siècle à la Révolution. Ils administrèrent la cité et eurent à cœur d’en développer le vignoble.

D’abord réguliers puis « commendataires », ils furent pour la plupart des dignitaires de l’Eglise issus de puissantes familles, tant étaient grands le prestige et l’influence de la « fille aînée de Cluny », antichambre de l’abbatiat, d’un siège épiscopal ou même du chapeau de cardinal. Firent-ils seulement arrêt à leur château de Pouilly au cours de leurs voyages d’un « bénéfice » à l’autre ou vers Rome, pour y goûter le vin de leurs vignes ?

Veuillez trouver ici une étude – à compléter – sur les  Prieurs de La Charité

La petite cité prit une certaine extension autour du château, réputé datant de l’époque carolingienne ; une enceinte quadrangulaire l’entoura et sa vie s’écoula au fil des vendanges, troublée par les guerres mais sous la puissante protection des moines.

De l’édifice castral ancien reconstruit au XIIIème siècle, ne subsistent que les fondations. Il avait subi les assauts de la Guerre de Cent ans et fut reconstruit par Jean de La Magdeleine, dernier prieur régulier au début du XVIème siècle. Abîmé par les guerres de religion, il fut à nouveau rebâti en 1651 par le prieur Pierre Payen, dans le goût classique, ouvrant par de hautes fenêtres sur le Val de Loire. C’est cet édifice tout en hauteur qu’on voit aujourd’hui.

                                       

A la Révolution, comme tous les biens de l’abbaye, le fief et le château furent vendus par la Nation. Ce dernier fut acquis par Etienne Lafond (1756-1828), négociant en vins parisien, qui allait se rendre maître également du Nozet en 1798, un ancien domaine des moines. Ce patrimoine prestigieux appartient à ses descendants.

Le vignoble quant à lui entra dans une nouvelle ère, marquée par l’essor de petites propriétés familiales qui le caractérisent toujours aujourd’hui – à l’exception du Nozet et de Tracy, ces vieux fiefs que nous connaissons -.

Cette façade viticole du Donziais, entre Cosne et La Charité, est riante et prospère. Elle nous rappelle que si l’ancienne baronnie était bourguignonne, son terroir occidental appartenait à l’espace ligérien et bénéficiait des bienfaits du grand fleuve.

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Auxerre, Cluny, Citeaux…

Le Donziais, comme l’ensemble du pays auxerrois, était dans l’aire d’influence de la prestigieuse abbaye de Saint Germain à Auxerre ; Cluny, fondée en 909 par Guillaume le Pieux, étendit rapidement son influence en Bourgogne et bien au-delà ; au début du XIIème siècle enfin, la nouvelle austérité portée par Citeaux toucha également le Donziais.

Quelle fut dès lors l’influence de ces trois pôles monastiques ?

Le territoire donziais était fortement marqué par son appartenance au diocèse d’Auxerre, dont les limites étaient celles de l’ancien pagus. L’existence même de la baronnie était liée à sa structuration féodale par l’évêque-comte Hugues après l’an Mil. On considère généralement que ce terroir correspondait, au moins en partie, aux possessions de la puissante famille gallo-romaine de Saint Germain, dont il avait fait don à son évêché. Dès lors, le rayonnement de l’abbaye qu’il avait fondée au Vème siècle sous la forme d’un oratoire dédié à Saint Maurice d’Agaune, et qui devint sa basilique funéraire, s’étendait naturellement à l’ouest jusqu’à la vallée du Nohain.

                                                      

   Crypte et tombeau de Saint Germain (Auxerre)

Nous avons montré comment un très ancien établissement monastique niché dans la forêt donziaise : Cessy, placé sous l’invocation de Saint Baudile, avait été rapidement rattaché à Saint Germain tout en conservant le statut d’abbaye et une certaine autonomie. C’était également le cas des prieurés de Saint Verain, siège d’une autre baronnie, et de Moutiers, étape des pèlerins bretons vers Rome, en Puisaye.

Bref, cette appartenance auxerroise, sous la suzeraineté de l’évêque et sous l’influence spirituelle de l’abbaye, identifiait le Donziais et le différenciait du Nivernais voisin et de l’Avallonais.

Cluny, au comté de Mâcon, était une fondation bourguignonne et aquitaine, étrangère à l’origine à notre baronnie. Son expansion s’étendit toutefois rapidement et l’Ordre fut représenté brillamment au contact immédiat du Donziais dès 1050 par le grand Prieuré Notre-Dame de La Charité. C’était l’une des filles ainées de Cluny, au même titre que Souvigny, Sauxillanges, St-Martin-des-Champs à Paris et Lewes en Grande-Bretagne. Son influence s’exerçait dans toute la région, y compris en Donziais avec par exemple une dépendance à Cosne : le prieuré de Saint Agnan, et une possession terrienne à Pouilly : Le Nozet.

                            

                                            Abbatiale de Cluny III

Les barons de Donzy appartenant à la lignée de Semur-Chalon, bien qu’établis en Auxerrois, avaient des attaches anciennes en Bourgogne. C’est cette proximité et leur parenté avec le grand abbé Saint Hugues (Hugues de Semur) qui les conduisit à faire don à Cluny de l’église de Donzy-le-Vieux, pour la création du Prieuré de N.-D.-du-Pré, au tout début du XIIème siècle. C’était un acte hautement symbolique puisqu’il s’agissait de l’église même des origines de Donzy, à quelques centaines de mètres du château. Cluny, par le truchement de ce petit prieuré directement rattaché, se trouvait donc au cœur même de la vallée du Nohain. Certaines de ses possessions aux alentours, aliénées à des seigneurs particuliers au fil du temps, nous sont familières : Boisrond, Brétignelles, Molesme ou Le Vaudoisy

L’abbaye d’Auxerre n’était pas restée à l’écart de la rénovation monastique portée par Cluny à l’exemple de Saint Benoît d’Aniane, que l’empereur Louis le Pieux avait encouragée. C’est le duc de Bourgogne Henri, protecteur de Saint Germain, qui sollicita Saint Maïeul pour y promouvoir la réforme. Cet infatigable abbé d’origine provençale, et la petite équipe de moines qui l’accompagnaient, séjournèrent à Auxerre et mirent fin aux « déviances » qui, là comme ailleurs, minaient la pureté monastique. Il restaura l’autorité pleine et entière de l’abbé et passa rapidement la main à son disciple Heldric, qui en fut le grand réformateur. Saint-Germain ne fut cependant jamais affiliée à Cluny. Elle conserva son indépendance, sa liberté de choisir son abbé et son réseau propre. Elle bénéficia à son tour de « l’exemption »  qui la libérait de la tutelle diocésaine. A la naissance de la seigneurie de Donzy, l’abbaye était certes d’obédience clunisienne, mais elle rayonnait en toute indépendance sur le pays.

Pourtant, à peine un siècle plus tard, une nouvelle entreprise de rénovation s’affirmait à son tour, en réaction contre l’extrême richesse des abbayes bénédictines et les désordres qu’elle suscitait. L’Ordre cistercien, sa spiritualité et son architecture épurées, étaient nés, qui s’implantèrent vite, surclassant les établissements anciens pour capter la générosité des seigneurs. 

                                       

                                                Abbatiale de Pontigny (89)

Sous la houlette de Pontigny, une des quatre premières filles de Citeaux, il s’établit ainsi ex nihilo dans la haute vallée de la Nièvre, à Bourras, aux confins du Donziais, dès 1119, à l’initiative d’un seigneur nivernais ; et dans la vallée de la Loire à Roches vers 1133, à l’initiative de Gibaud de Saint-Verain. Par le truchement de l’abbaye cistercienne du Val-des-Choues, le baron de Donzy devenu comte de Nevers fit construire avec la comtesse Mahaut, l’Epeau, une fondation mythique aux portes de Donzy, en 1214.

Ainsi coexistaient au Moyen-âge les dépendances de trois grandes abbayes – ainsi que d'autres monastères relevant d'autres ordres – différentes dans leur fonctionnement mais toutes vulnérables face à la cupidité des puissants qui les mirent en « commende » dès le XVème siècle. Leurs arcs en plein cintre et leurs croisées d’ogives ne résistèrent pas aux assauts de leurs ennemis au XVIème siècle, et les exactions révolutionnaires achevèrent leur perte. Aucune ne put renaître en Donziais…

 

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Saint Agnan, fille de La Charité

(Illustration : l'abside romane de Saint Agnan)

Le prieuré Saint-Agnan de Cosne et son église furent élevés sur l’emplacement d’un oratoire du VIe siècle dédié à Saint Front, sous l’impulsion d’Hugues, abbé de Cluny. Il fut terminé au début du XIIème siècle et placé sous la dépendance de La Charité-sur-Loire toute proche, l'une des filles aînées de Cluny. De cette époque restent le portail roman de l'église, bien conservé grâce au clocher-porche, l’abside, le chevet et quelques éléments de murs. Un bâtiment prieural du XVIIème siècle a été également conservé.

L'histoire de cet établissement religieux n'est guère connue. Incendie et effondrements détruisirent une partie de l’église qui fut refaite au XVIIIe siècle. Après la 2e guerre mondiale, des vitraux modernes furent installés.

Voyez ci-dessous une notice complémentaire, et le site touristique du prieuré :

Le prieuré Saint Agnan

Site touristique du "Prieuré Saint Agnan(Maison d'hôtes)

D enluminé

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Notre-Dame du Pré, de Saint Germain à Cluny

(Illustration : tympan du portail nord de Donzy-le-Pré)

Les toutes premières mentions d’une église à Donzy (le Pré) datent de la fin du VIè siècle dans le règlement de Saint Aunaire (vers 596) évêque d’Auxerre de 572 à 603, et dans celui de Saint Tétrice, l’un de ses successeurs de 691 à 706. Un édifice  primitif fut probablement construit à cette époque, remplacé ensuite par une seconde église, détruite par les raids normands au IXè siècle, lors de leurs incursions dans la région, et dont on aurait trouvé quelques indices alentours.

Un prieuré rattaché à Saint-Germain d’Auxerre y aurait alors été fondé au XIIè siècle, rattaché ensuite à Cluny par les soins d’Hervé II, baron de Donzy (voir cette fiche) ; c’est de cette époque que dateraient les ruines actuelles.

L’établissement, enrichi par les libéralités d’Hugues de Montaigu, évêque d’Auxerre à partir de 1115, eut à souffrir au XIVè siècle de la guerre franco-anglaise. Puis, il fut de nouveau ravagé par les troupes royales de Charles VII en 1434, et par les protestants en 1569, qui, de surcroît, brûlèrent également papiers, contrats et terriers.

Abîmé et épuisé par ces attaques, au XVIIIè siècle, l’édifice tombait en ruine. La Révolution en aura raison : il sera alors démoli, les matériaux vendus. Ce n’est que grâce à la mobilisation des habitants de Donzy-le-Pré que la destruction complète sera stoppée.

Les ruines visibles de nos jours seraient donc celles de la troisième église dont il ne reste que deux grandes arcades du vaisseau central, l’avant-nef, avec son portail sculpté, la tour supportant le clocher, et le logis du prieur, détaché de l’église

C’est le portail qui présente le plus d’intérêt. Son tympan met Donzy-le-Pré au premier rang de la sculpture romane. Composé de trois dalles assemblées, il porte trois figures en haut-relief : au centre, la Vierge en majesté présentant l’Enfant, à sa droite un ange thuriféraire et à sa gauche un homme tenant une palme que l’on s’accorde à reconnaître comme le prophète Isaïe. Fait remarquable : malgré toutes les attaques et dégradations qu’a subi le bâtiment, le tympan de Donzy-le-Pré n’a, pour ainsi dire, jamais souffert d’une quelconque mutilation. Ce tympan était à l’origine peint ; il en reste encore quelques traces. C’est vers 1875 que le Ministère des Beaux-Arts fit exécuter le plâtre du portail : il est exposé dans la galerie des moulages de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine au Palais de Chaillot à Paris.

L’excellent site « Cahiers du Val de Bargis » propose une étude très intéressante sur le Prieuré réalisée par Nicolas Meslin (Oct. 2024), avec des illustrations et des références bibliographiques.

Cahiers du Val-de-Bargis – Histoire du Prieuré de Donzy-le-Pré

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