Archives de catégorie : Sainte-Colombe-des-Bois

Promenade au long de l’Accotin

(Illustration : carte postale, le confluent de l’Accotin et du Nohain à Suilly)

L’Accotin est une petite rivière chère à l’auteur de ces pages, qui en a épuisé consciencieusement la faune piscicole dans son enfance, passée précisément à son confluent avec le puissant Nohain, à l’ombre des saules pleureurs.

Long d’une dizaine de kilomètres, il prend sa source à Couthion dans la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, au fond d’un vallon niché entre les grandes forêts de Donzy et de Bellary. Il rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. A deux encablures de la source de l’Accotin, de l’autre côté de la colline se trouve celle de la Talvanne, qui contourne quant à elle le massif forestier par le nord et rejoint le Nohain à Donzy. Le débit de l’Accotin est modeste en été, mais cela n’a pas empêché les maîtres des territoires traversés de l’exploiter à fond pendant des siècles, en démultipliant et en régulant sa force modeste par des retenues et des chutes.

Nous vous proposons de descendre le cours de l’Accotin en faisant halte dans quelques sites marquants qu’il a unis au fil du temps, discret mais efficace axe de vie, comme nous l’avions fait pour sa grande sœur la Talvanne. Les liens vous permettront d’accéder à des informations détaillées sur chacun d’eux…

A Couthion la source est bien visible au creux du vallon où il démarre rapidement son parcours. Il est parfois appelé « l’Accotion ». Accotion, Couthion : c’est le même mot qui a donné son nom à un fief. Jean Coquille – de la famille du fameux jurisconsulte nivernais Guy Coquille est cité comme « sgr de l’Accotion » au XVème siècle. Il en aurait hérité des Guesdat, sgrs de Chailloy. Jehan Guesdat, son grand-père, maître des requêtes et procureur du duc, était le gendre du fameux Chancelier Leclerc, sgr de Luzarches et de Cours-les-Barres, du parti bourguignon. Couthion, Sainte-Colombe, Chailloy, Vergers, Suilly, étaient le cœur de la « Pôté de Suilly », cette structure féodale très ancienne dont la trace a longtemps survécu sous la forme « d’usages forestiers ».

La rivière traverse la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, en passant à quelque distance du village. Cet ancien fief très largement boisé et cette paroisse tiennent leur nom d’une martyre de Sens du IIIème siècle. Il était associé à Vergers et fut donc détenu par les sires d’Armes puis par les Chabannes, avant d’être cédé aux moines de Bellary au XVIIIème. Une petite église gothique éponyme (XIIIème-XVIème) donne son âme à ce minuscule village, à coté de laquelle un tilleul de Sully bien fatigué veille.

Sur un minuscule ruisseau en amont de Ste-Colombe le moulin de La Berlière était affermé par les moines de Bellary, comme en atteste un bail de 1786, que l’excellent site des « Cahiers du Val-de-Bargis » nous propose. Il était passé « ….moyenant trois boisseaux mouture valant seigle bien vannés, nettoyés et rendus conduits chacune semaine sur les greniers du dit Bellary ce qui fait pour chacun an cent cinquante-six ( ?) boisseaux et en outre la somme de soixante livres…. ».

Le site métallurgique de Champdoux en aval était soigneusement aménagé avec une retenue qui permettait d’optimiser le potentiel de la rivière, un haut-fourneau et une forge. C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordé par un vaste étang, avec un charmant gué que le marcheur peut aussi traverser à sec par un mince pont de pierre. Des traces importantes de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle, subsistent. Lié à l’Eminence et à Bailly (Donzy), Champdoux appartenait également au duc de Nevers. Le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler les potentialités de ce massif forestier et du sous-sol ferrugineux de la région à son maître Mazarin, acheteur du duché des Gonzague en 1681, au nom de qui furent fondées ces usines. Le hameau voisin de Ferrières, un nom répandu dans la région et pour cause, nous rappelle cette richesse passée.

Voici peu après au sud de la rivière le petit manoir de la Montoise, connu depuis le XIVème siècle. Des Bussy aux Lavenne, en passant par les familles de La Barre, et de Quinquet, ce fief n’a jamais été vendu de ses origines connues à la Révolution.

Après être entré dans la commune de Suilly-la-Tour, nous atteignons Chailloy, un site dont nous avons soigneusement étudié l’histoire. La belle maison Renaissance construite par la famille du théologien protestant Théodore de Bèze, est parfaitement conservée. Le site est connu comme un fief ancien – appelé parfois Chaillenoy – et comme une forge importante alimentée par une belle chute depuis la chaussée du grand étang. Sa dévolution a connu bien des avatars. Il a finalement été acquis avant la Révolution par les Chambrun-Mousseaux, maîtres de forges expérimentés en Berry et en Nivernais. Chailloy a aussi abrité la jeunesse orpheline d’un militant républicain socialiste attachant : Ferdinand Gambon (1820-1887), député de la Nièvre en 1848, condamné, puis retiré en Sancerrois – où se tint le fameux épisode de « la vache à Gambon » -, député de la Seine en 1871, communard, exilé, puis retiré à Cosne.

Notre rivière contourne enfin le village de Champcelée et le bourg de Suilly. Son cours est constellé de petits moulins au fil de l’eau, qui traitaient sur place la production céréalière du vaste plateau cultivé au sud en direction du Magny et de Garchy : le Gué de Félin, Suillyseau, Le Foulon, Presle.

Les eaux un peu troubles de l’Accotin se mêlent alors en nuage flottant au courant vif et clair du Nohain, vite barré par un nouveau moulin, au long des prairies du domaine des Granges.

La rivière et ses abords sont bien paisibles aujourd’hui et on peine à imaginer qu’elle fut l’artère d’activités fébriles. Les roues se sont arrêtées il y a bien longtemps, le bruit des martinets a cessé, plus aucun charroi ne va et ne vient de toutes ces ruches, et l’eau reste claire dans les lavoirs désertés.

 

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Champdoux, fief et forge à Sainte-Colombe-des-Bois

Nous avons déjà évoqué Sainte-Colombe, paroisse et fief avant la Révolution (auj. com. de Ste-Colombe-des-Bois), qui fut associé à Vergers dès le XVème siècle. Dans cette même paroisse nous avons vu La Montoise et son vieux manoir.

Au coeur des collines boisées qui surplombent le Val de Bargis, l’Accotin prend sa source au hameau de Couthion, serpente au milieu d’une verte vallée et rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. Malgré son modeste débit il a été équipé de moulins à forge (ou à grains) alimentés par des retenues : chaque kilowatt était précieux pour traiter le minerai de fer, le fondre et le forger. Nous connaissons déjà l’un des sites : Chailloy – parfois appelé Chaillenoy dans des actes anciens – avec sa belle maison de maître Renaissance. La famille du théologien protestant Théodore de Bèze y avait exercé ses talents industrieux au XVIème siècle, avant de se voir confisquer ses biens et de quitter la France pour Genève. Avant eux des seigneurs de Chailloy – les Guesdat, de Nevers – paraissent avoir détenu aussi un fief dit de l’Accotion – dont le nom suggère une éponymie entre le village-source et la rivière – et qui consistait peut-être en droits sur la rivière.

Découvrons aujourd’hui un autre site de la paroisse de Sainte-Colombe, juste en amont de Chailloy, dont les traces féodales sont ténues mais qui eut une grande importance dans le réseau métallurgique donziais : Champdoux.

C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordant un vaste étang, avec un charmant gué de l’Accotin, que le marcheur peut aussi traverser à sec par un vieux pont de pierre jouxtant un lavoir. Le site hydraulique et bâti de la forge y est visible, mais les traces de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle sont largement effacées.

                                           

« L’Inventaire des forges et fourneaux de la Nièvre XVIIème-XXème siècles » (in Etudes et documents des Musées de la Nièvre, n°8, 2006) décrit ainsi le site de Champdoux

« Le fourneau appartenait au duc de Nevers. Il est affermé par Le Vau lors de la création de la manufacture de Beaumont-la-Ferrière en 1685. Il produisait 500 tonnes de fonte par an, à partir de minerai de Villate, de la Ronce, de Bulcy et de Mézières. Il possédait aussi une petite forge en complément. Son vaste étang faisait tourner l’usine de 7 à 10 mois par an. Le premier octobre 1682, Jean Lombard, 1er fondeur des canons du roi en la province de Nivernois l’afferme pour y couler des tuyaux de fonte pour la conduite des eaux des fontaines de Versailles, marché qu’il ne peut finalement honorer mais qui sera poursuivi jusqu’en 1683. L’usine appartient en l’an IX à la duchesse de Cossé-Brissac fille du dernier duc de Nivernais (ndlr : Diane-Hortense Mancini (1742-1808), puis sous l’Empire à Caroillon-Destillères (ndlr : Claude-Xavier Carvillon des Tillères (1748-1814). Les productions sont très importantes : entre 750 tonnes de fonte en 1794 et 450 tonnes en 1809. En 1812, Destillères, qui continue son activité, ne produit finalement plus que 250 tonnes de fonte car il se consacre en partie à la vente de bois vers Paris. Le fourneau est reconstruit à neuf en 1830. En 1839, le comte d’Osmond (ndlr : Rainulphe d’Osmond (1788-1862) gendre de Caroillon et frère de la fameuse comtesse de Boigne) l’équipe d’une soufflerie à cylindre. L’entreprise se compose du haut fourneau, d’un lavoir à bras, d’une soufflerie et d’un bocard à laitier. Elle est alors l’une des plus grosses usines de la Nièvre….Le site a été transformé en habitation et ferme…».

Champdoux, lié à l’Eminence et à Bailly en aval de Donzy sur le Nohain, faisait donc partie d’un complexe industriel, au coeur du filon de minerai et de vastes forêts, dont le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler le potentiel à son maître Mazarin, acheteur du Duché en 1681.

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Mais avant d’être un moulin Champdoux était un fief ancien, associé à Favray dans des circonstances qui n’ont pas laissé de traces. L’Inventaire de Marolles (p. 441) signale un hommage en 1335 de « Perrin de Chanoy (ndlr : Chasnay) eyr, tuteur de Robert et de Jean, enfants de Philippon Cheureaux, sgr de Faveroy (ndlr : Favray), pour ses maisons de Champdo, Villiers (ndlr : à St-Martin-sur-Nohain) et Faveroy, à cause de Donzy ». Ce Perrin de Chasnay était avec sa femme Perrone un bienfaiteur de la chartreuse de Bellary, à laquelle il avait donné des bois en 1324, comme le mentionne l’abbé Charrault, historien de l’abbaye.

Autre hommage en 1369 (p. 287) de « Etienne du Pré, eyr, sgr en partie de Faveroy, en son nom et au nom de Philippe sa femme, fille de feu Robert Cheureau, pour les villes de Villers et Faveron, et pour sa terre de Champdau ».

Ces Cheureaux – ou Chevraux – n’ont pas laissé d’autres traces, mais ils semblent avoir détenu des terres importantes autour de Suilly-la-Tour. Champdoux n’apparaît plus ensuite chez les seigneurs de Favray des familles de Courvol puis de Reugny, et son destin féodal postérieur est peu documenté.

On le retrouve associé à Sainte-Colombe et uni à Vergers par la famille d’Armes au XVème siècle – Jean II d’Armes est cité comme « sgr de Champdoux » – sans qu’on puisse déterminer les modalités de cette dévolution. L’ensemble passa par alliance aux Chabannes. Voici donc la branche de Vergers de cette vieille lignée chevaleresque du Limousin (la Maison de Chabannes), portant « de gueules au lion d’hermines, armé, lampassé et couronné d’or », établie dans la vallée de l’Accotin. François de Chabannes, cité à son tour comme « sgr de Champdoux », épousa en 1645 à Suilly-la-Tour, Antoinette Monnot, fille d’un Commissaire des Guerres, nouveau seigneur de Chailloy et maître de forge.

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Blasons d’Armes et de Chabannes

Pourtant la forge, activité généralement associée à un fief, est répertoriée comme appartenant au duc de Nevers au XVIIème siècle. Peut-être ce dernier, maître de la Forêt de Bellefaye voisine qui alimentait ses forges de Donzy, reprit-il ce fief ou celui dit « de l’Accotion » pour y faire aménager le moulin ? Quoiqu’il en soit ce grand massif forestier fut acquis par l’Etat vers 1930 auprès des descendants du marquis d’Osmond (cf. supra) qui l’avaient conservé après la Révolution avec les forges de Donzy, et peut-être Champdoux ?. Augmenté d’autres possessions, dont celles de l’ancienne Chartreuse de Bellary dont les ruines affrontent douloureusement le temps, il constitue aujourd’hui la magnifique Forêt domaniale de Bellary.

Nous aimerions compléter avec votre aide l’histoire de Champdoux, où une promenade s’impose…

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Sainte-Colombe, entre deux forêts

(Illustration : représentation de Sainte Colombe de Sens, Rimini)

Un internaute s’étonne : pourquoi l’histoire du fief de Sainte-Colombe, proche de Donzy et de Suilly-la-Tour, n’est-elle pas évoquée sur le site ?

C’est qu’elle est étroitement associée à celle de Vergers, tout proche, qui est très largement décrite. Les seigneurs successifs de Vergers furent également seigneurs de Sainte Colombe, tout au moins à partir du début du XVIème siècle.

Mais en effet ce joli village, qui tient son nom d’une jeune martyre espagnole du IIIème siècle à Sens, vénérée au moyen-âge et qui donna son nom à un grand monastère : Sainte-Colombe de Sens, mérite une attention particulière. Au cœur de la minuscule vallée de l’Accotin, qui serpente entre les massifs forestiers de Donzy et de Bellary, une petite église gothique rappelle l’ancienneté de cette paroisse. La terre et le manoir de la Montoise, complètement indépendants et qui ont été traités par ailleurs, sont situés dans cette même commune.

Sainte-Colombe relevait au moyen-âge de la baronnie de Saint-Verain, qui contrôlait de nombreux fiefs aux environs de Donzy, ce qui accrédite la thèse d’une liaison étroite entre entre les deux lignées baronniales. Il figurait en effet dans la liste des fiefs ayant fait l’objet du partage de la baronnie en 1460, alors que les héritiers se déchiraient dans un long procès, sous le regard attentif du comte de Nevers qui finit par reprendre Saint-Verain. Certains fiefs avaient été cédés par tel ou tel héritier, d'autres furent inféodés par le comte de Nevers.

On ne sait ce qui se passa dans le cas précis de Sainte-Colombe, mais on trouve cette seigneurie peu après aux mains des sires d’Armes qui tenaient alors Vergers. Elle est mentionnée pour la première fois en 1535, entre les mains de Charles d’Armes, fils aîné de Louis et d’Anne Berthier de Bizy, qui mourut sans postérité. Elle revint à son frère cadet.

On la voit ensuite passer avec Vergers à la famille de Chabannes par le mariage de Valentine d’Armes avec François, comte de Saignes, fils du grand Joachim de Chabannes, dit « Curton », Sénéchal de Toulouse :

– Edme, son fils cadet, fut seigneur de Sainte-Colombe et moine capucin ;

– puis Joachim, en 1662, fils de Jacques de Chabannes, mort sans alliance ;

Henri-Gaston, fils d’un autre François, détint Sainte-Colombe à la fin du XVIIème siècle ; il avait épousé Françoise de Bar, dame de Montclavin près de Garchy, dont il n’eut pas de postérité (elle n’en avait pas eu non plus de sa première alliance avec : François de Thibaut – voir la fiche Vieux-Moulin -)

– son frère aîné Hubert (1652-1692) et le fils de celui-ci Paul de Chabannes (1686-1739), dernier seigneur de Vergers et de Sainte-Colombe de cette lignée, en furent à leur tour maîtres.

On perd alors la trace. Sainte-Colombe eut probablement le même destin que Vergers : vendue par les Chabannes en 1700 à un maître de forges d’origine charitoise, Augustin de Lespinasse – voir la fiche sur Chailloy, tout proche également – et revendue en 1714 aux moines de Bellary, qui en furent sans doute les derniers « seigneurs ». Si elle n'avait été cédée séparément auparavant, elle dut connaître alors le sort de tous leurs biens, dispersés à la Révolution comme Biens de la Nation.

Nous aimerions pouvoir compléter cette brève histoire, pour ses débuts comme pour sa fin, avec votre aide…

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La Montoise, bien cachée

Voyez dans la notice ci-dessous la succession des seigneurs de la Montoise, petit fief avec son vieux manoir bien caché du XVè siècle, à Sainte-Colombe-des-Bois, en lisière du grand massif forestier de Bellary.

La Montoise    (V. du 28 déc 2021)

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D enluminé

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