Archives de catégorie : Nièvre

La « pôté d’Asnois »

(Illustration : les armes des Blanchefort, sgrs d’Asnois)

« Pourquoi ne traitez-vous pas de l’histoire d’Asnois, qui est pourtant cité dans l’Inventaire des Titres de Nevers comme appartenant à la baronnie de Donzy ? », nous demande un visiteur documenté.

On lit en effet dans cet irremplaçable ouvrage : « 1403, mardi 5 juin. – Noble seigneur Jean de Saint-Verain, ecr, sgr d’Asnois, en la baronnie de Donzy, vend à Jean du Coulombier la châtellenie d’Asnois….etc. » (p. 687)

Pourtant ce modeste village, dont le château reconstruit au XVIIème siècle domine la vallée de l’Yonne en amont de Clamecy, est situé assez loin des limites traditionnellement admises de notre baronnie. Voyez notre article à ce sujet : Les limites de l’ancien Donziais. D’autre part, plusieurs actes rappellent que le fief d’Asnois était « mouvant de Saint-Verain ». Il en avait été détaché au XIIème siècle avec plusieurs arrière-fiefs, comme apanage d’un cadet de cette antique maison. Voyez à ce sujet la page consacrée à La baronnie de Saint-Verain. Le notaire du comte de Nevers ou son maître des comptes auraient-ils fait une erreur dans cet acte en plaçant Asnois en Donziais, à moins que ce ne soit le transcripteur de l’abbé de Marolles ?

Il est vrai que l’étude système féodal n’a rien d’une science exacte : certains de ses mécanismes et les traces qu’ils ont laissées peuvent échapper à notre compréhension moderne et rationnelle. Saint-Verain, dont le territoire jouxtait Cosne et la Puisaye donziaise, et dont les arrière-fiefs s’entremêlaient avec ceux de Donzy aux portes même de la cité, relevait féodalement de l’évêque d’Auxerre, mais n’appartenait pas comme Donzy aux comtes de Nevers. Ils voulurent y remédier. Profitant d’une indivision complexe de la baronnie, aggravée par la Guerre de Cent ans, peut-être avaient-ils obtenu du roi son rattachement, avant d’en acquérir successivement les morceaux épars au XVème siècle.

Quoiqu’il en soit, pour donner suite à cette intéressante question, nous n’avons pas résisté au plaisir d’étudier la dévolution d’Asnois au fil des siècles. Elle nous fait retrouver des lignées familières : les Saint-Verain bien sûr, singularisés par le surnom guerrier de « Rongefer », mais aussi les vieux Damas, les bâtards de Clèves, les Salazar venus d’Espagne, les Blanchefort pendant deux siècles, et une branche des Le Muet enfin, à la veille de la Révolution.

Asnois a été séparé en deux sous-ensembles pendant deux siècles par la vente de sa majeure partie à un seigneur étranger à la région. Le vieux château quant à lui et une partie du fief – « Asnois-le-Château » – se sont transmis fidèlement par héritage sur 19 générations des Rongefer aux Blanchefort. L’autre partie – « Asnois-le-Bourg » – et ses arrière-fiefs alentour, avec son propre logis seigneurial dans le village, fut revendue et finalement réunie à la première par une alliance, permettant l’érection d’Asnois en baronnie en 1606.

A l’instar de Suilly-la-Tour – voyez notre article sur « La Pôté de Suilly » – Asnois et ses arrière-fiefs constituaient une « pôté », du latin « potestas », c’est-à-dire un ensemble territorial comprenant plusieurs fiefs et villages, dont le seigneur exerçait son pouvoir sur des habitants restés de condition serve. Des actes tardifs mentionnent encore la « baronnie et posté d’Asnois » comme si cet objet féodal mal identifié conservait une existence, alors que le sire d’Asnois avait affranchi ses serfs en 1304. La pôté comprenait notamment Asnois, Amazy, Saligny (Amazy), Bidon (Amazy), St-Germain-des-Bois et Thurigny (St-Germain), soit une bande d’une dizaine de kilomètres d’est en ouest.

A Suilly, Bossuat avait repéré les droits des habitants de la pôté sur des bois, subsistant jusqu’à la Révolution. Sans doute des traces de cette ancienne structure féodale existaient-elles également à Asnois.

On ne connaît qu’un troisième exemple de pôté : celle de la Madeleine de Vézelay, appartenant à la grande abbaye.

Ce statut hérité de temps immémoriaux pouvait être lié à l’existence dans les sites en question d’une villa gallo-romaine à laquelle un établissement religieux avait succédé. C’était sans doute le cas à Suilly : Vergers – un domaine familial de Saint Germain où la présence d’une église primitive est attestée par la Geste des Evêques d’Auxerre – apparaissait bien comme le centre de la pôté.

L’origine d’Asnois remonte effectivement à la fondation d’un prieuré dépendant de Saint-Martin-de-Nevers établi à l’emplacement d’une ancienne villa. Les seigneurs d’Asnois-le-Château et d’Asnois-le-Bourg, du temps de leur séparation, se partageaient les honneurs de la belle église Saint-Loup qui a succédé à l’édifice primitif : on appelait l’un le « seigneur de la messe », et l’autre le « seigneur des vêpres ».

L’histoire d’Asnois est très bien documentée par un manuscrit relié du XVIIIème siècle intitulé : « Histoire généalogique et chronologique des sires d’Asnois depuis l’an 1258 jusqu’en 1737, dressée sur les titres du thrésor du château d’Asnois et autres preuves tirées de l’histoire et des anciens manuscrits ». Il est dédié au dernier marquis de Blanchefort et illustré en frontispice de ses armes : « D’or à deux léopards de gueules, l’un sur l’autre ». Il développe abondamment la généalogie de cette famille issue des anciens vicomtes de Comborn en Auvergne, mais traite aussi de tous les seigneurs d’Asnois successifs et de leurs alliances, le tout agrémenté de belles illustrations héraldiques. Il a été acheté par les Archives départementales de la Nièvre et est accessible en ligne (lien ci-dessus).

Voyez dans la notice ci-dessous qui furent les seigneurs puis les barons d’Asnois et ne manquez pas de nous faire part de vos remarques.

Asnois (V1 du 4 mai 2024)

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Villiers-le-Sec, mouvant de Varzy

(Illustration : Auxerre, cathédrale Saint-Etienne)

Villiers-le-Sec, entre Varzy et Clamecy, est aujourd’hui un petit village où aucune trace castrale n’est là pour rappeler qu’il a été un fief très ancien, relevant de la Tour de Varzy des évêques d’Auxerre. Pour cette raison il ne figure pas dans l’Inventaire des Titres de Nevers.

Château épiscopal de Varzy (vers 1900)

Villiers-le-Sec aurait été donné au chapitre de sa cathédrale, à l’époque de Charlemagne, par Maurin, 33ème évêque d’Auxerre de 771 à 799. « …A l’imitation de son prédécesseur de bonne mémoire (ndlr : Aidulf), il donna de ses biens propres à Saint-Etienne (ndlr : sa cathédrale et son chapitre) pour satisfaire les besoins des pauvres. Ces biens se trouvent dans le pagus de Tonnerre, dans la villa appelée Fontenay. Il y ajouta, pour l’entretien des chanoines, une petite terre dont il était propriétaire, appelée Villiers, non loin de Varzy, qu’il avait reçue d’une matrone appelée Rocla« . (Extrait de sa notice dans les « Gestes des Evêques d’Auxerre » (Tome I, Les Belles Lettres, Paris, 2006)

Ce fief a été détenu, dans des conditions qui restent obscures, soit par inféodation du châpitre d’Auxerre, soit par usurpation aux premiers temps de la féodalité, par les sires de Saint-Verain, à l’instar de Saint-Pierre-du-Mont tout proche , ce qui explique notre intérêt, bien qu’il soit hors de notre périmètre. D’autres familles implantées en Donziais leur ont succédé.

Vendu en 1320 à Pierre Anceau, premier connu d’une lignée bourgeoise de Varzy, Villiers-le-Sec s’est transmis à ses descendants sur 15 générations jusqu’à Jacques Gabriel de La Ferté-Meung, officier général et diplomate, dont nous avons rencontré la famille, éteinte au XIXème siècle, en plusieurs sites – voir sa généalogie dans la page familles  -.

Les deniers titulaires de Villiers-le-Sec auraient eu un petit château à Cuncy-les-Varzy, tout proche, dont ils étaient également les seigneurs. Cette terre fut vendue comme « Bien de la Nation ».

Cuncy-les-Varzy, église Saint-Martin

Voyez ci-dessous une notice décrivant la dévolution de ce fief épiscopal.

Villiers-le-Sec. (V1 du 6 nov 2023)

 

 

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La belle dame de la Motte-Josserand (1650-1685)

(Portrait : Hortense Mancini, duchesse de Mazarin et de La Meilleraye)

Depuis 1447, date de son acquisition par le Chancelier Jean Jouvenel des Ursins, la Motte-Josserand, forteresse mythique du Donziais au bord du Nohain à Perroy, dont nous avons souvent parlé, passait par héritage de famille en famille.

Mais vers 1650 elle fut vendue par son dernier héritier, le maréchal de Vitry, au duc de Villars. Ce fut la première d’une série de cessions qui fit de ce haut lieu de la Guerre de Cent Ans un simple objet de spéculation. Les seigneurs n’y résidaient généralement pas : le château était solide – n’est-il pas toujours debout ? – mais inconfortable pour ces habitués des beaux hôtel parisiens.

Le duc de Villars fit don de La Motte-Josserand à Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles, lieutenant général, frère de sa première épouse. Cette grande famille lorraine avait donné un siècle plus tôt deux prieurs de La Charité : Robert de Lenoncourt (1510-1561), archevêque de Toulouse et cardinal, mort au prieuré où il s’était retiré, et son neveu Philippe de Lenoncourt (1527-1592), évêque d’Auxerre, lui aussi cardinal et surtout proche conseiller du roi Henri III.

Lenoncourt, en Lorraine : « D’argent à la croix engrêlée de gueules »

La fille de Joachim, Marie Sidonie de Lenoncourt, (1650-1685), encore enfant, resta seule héritière de ses grands biens, dont la Motte-Josserand. Devenue marquise de Courcelles  par son mariage avec Charles de Champlais, lieutenant général de l’Artillerie, neveu du maréchal-duc de Villeroy, elle eut une vie mouvementée. Son incorrigible galanterie et l’éternelle convoitise des hommes, la perdirent. Ses Mémoires donnent un récit édifiant des passions et des malheurs de cette ravissante jeune femme, dans les premières années du règne de Louis XIV.

Sidonie de Lenoncourt, marquise de Courcelles, dame de La Motte-Josserand

Soustraite très tôt à l’influence jugée néfaste de sa mère, une princesse allemande qui menait une vie déréglée, elle fut élevée par une tante austère, abbesse de St-Loup d’Orléans. Mais elle fut retirée à l’autorité de l’abbesse par Colbert qui convoitait son nom et sa fortune pour son frère Maulévrier. Elle fut donc confiée par lui à la garde de Marie de Bourbon-Condé, princesse de Carignan et subit auprès d’elle à l’hôtel de Soissons, haut-lieu de l’intrigue, l’influence déplorable de sa belle-fille, Olympe Mancini, nièce du cardinal Mazarin, dont la vie ne fut que scandales.

Prise dans un maelström de débauche et de pouvoir, elle fut mariée à 16 ans au marquis de Courcelles par les sœurs de ce dernier dont l’objectif était de la pousser dans le lit de Louvois, qui se consumait d’admiration pour elle. Malgré l’aversion qu’il lui inspirait, elle fut contrainte de devenir la maîtresse du puissant ministre à 18 ans.

Elle entama peu après avec François de Neufville, duc de Villeroy, maréchal de France, un cousin de son mari, une carrière amoureuse pleine de rebondissements. Villeroy, qui avait d’autres attachements, l’abandonna à la colère de son mari trompé, qui l’exila à Courcelles chez sa belle-mère. Elle y rencontra un certain sieur de la Ferrière dont elle eut une fille qui ne vécut pas.

Le marquis de Courcelles, excédé, la fit alors enfermer au couvent des Filles de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine – dont seule l’église subsiste, devenue un temple protestant – . Elle y retrouva Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, sœur d’Olympe, aussi jolie et délurée qu’elle et que leur sœur Marie, le premier amour du jeune Louis XIV. Toutes trois étaient soeurs de Philippe Mancini, duc de Nivernais, suzerain de la Motte-Josserand à cause de Donzy. Le mari d’Hortense, duc de la Meilleraye, Grand-Maître de l’Artillerie, avait placé sa femme dans ce couvent pour les mêmes raisons. Sidonie s’en échappa après quelques mois, mais les jalousies additionnées de son mari et de Louvois lui valurent d’être enfermée à la Conciergerie, et condamnée en 1672 au cloître et à la confiscation de ses biens.

Mme de Sévigné s’en amusait : « L’affaire de Mme de Courcelles réjouit fort le parterre ; les charges de la Tournelle sont enchéries depuis qu’elle doit être sur la sellette. Elle est plus belle que jamais, elle boit, et mange, et rit, et ne se plaint que de n’avoir point encore trouvé d’amants à la Conciergerie. »

Grâce à quelque complicité, elle parvint à nouveau à échapper à ses gardiens et gagna la Franche-Comté puis Genève, Annecy, et Avignon, non sans de nouvelles aventures. Elle rejoignit alors Hortense à Londres, où elle était devenue la maîtresse du roi Charles II. Revenue à Paris et enfin veuve, Sidonie fut à nouveau arrêtée en 1678, car son beau-frère avait repris les charges contre elle. Elle ne fut libérée qu’en 1680 et épousa cette fois un obscur capitaine de dragons, Jacques Gaultier. Elle mourut 5 ans plus tard, sans descendance .

Il est probable que ses passions, ses enfermements et ses exils ne lui laissèrent pas l’occasion de venir à la Motte-Josserand, dont ses hommes de loi s’occupaient et qui fut vendue sur saisie après sa mort. Un acte de 1694 conservé aux archives de l’Yonne évoque : « les droits des sieurs François Le Boultz de Chaumot et Gaspard Brayer, conseiller au Parlement, adjudicataire au prix de 30.000 L. de la terre et seigneurie de La Motte-Josserand, saisie réellement sur les successions de Marie-Sidonie de Lenoncourt, épouse de Jacques Gaultier, sgr du Tilleul…etc. »

En ce siècle de tous les débordements, la beauté et la richesse, privées des remparts de la vertu, avaient valu bien des déboires à cette belle « dame de la Motte-Josserand ».

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La forteresse de Giry

(Illustration : armes des Veilhan)

Nous poursuivons la découverte de sites médiévaux proches du Donziais avec le château de Giry, dans la haute vallée de la Nièvre d’Arzembouy, qui est l’une des belles forteresses du Nivernais.

Le fief relevait de Montenoison et des sires de Giry sont cités depuis les temps les plus reculés de la féodalité. Il avait des arrière-fiefs dans le voisinage, dont Montigny et Gipy, dans la même paroisse.

Le seigneur de Giry étant entré au monastère de Seyr (La Charité) le fief revint aux comtes de Nevers au XIème siècle. Le comte Guillaume II le donna à Hugues de Thil, son fameux Sénéchal, compagnon de ses expéditions en Terre Sainte, en 1146.

On trouve Giry au début du XIIIème aux mains des puissants sires de Thianges qui détenaient également Rosemont et bien d’autres lieux, pendant plusieurs générations.

Il passe par acquisition aux sires de la Rivière (branche de Champlemy) au XVème, divisé alors en deux parties, puis aux Veilhan qui s’identifieront au site pendant 200 ans avant de le vendre aux Choiseul-Chevigny, sgrs de La Rivière à Couloutre.

C’est dire combien la dévolution de Giry, proche géographiquement du Donziais, nous intéresse.

                             

Le château lui-même, des XIVème-XVème et XVIème siècles, est un monument imposant, qui surplombe la vallée depuis un escarpement, avec des éléments architecturaux originaux. De plan barlong il était entouré de quatre tours rondes, dont seules deux subsistent, avec un porche fortifié. Le corps de logis du XVIème siècle au décor gothique, dû aux Veilhan, comprend une tourelle hexagonale accostée d’une magnifique galerie couverte en encorbellement, unique dans la région.

Voyez ci-dessous une notice qui décrit la succession des seigneurs de Giry. Merci de nous aider à en éclairer les zones d’ombre…

Giry (V1 du 4/1/23)

 

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Bruère, aux portes de Cosne

(Illustration : Cosne, gravure ancienne)

Un jeune internaute passionné par la région s’est étonné il y a quelque temps que le site des Bruyères, au sud de Cosne, commune de Saint-Martin-sur-Nohain, ne soit pas évoqué ici. Merci à lui !

Il se souvient avoir entendu ses grands-parents dire que les domaines en question avaient appartenu aux évêques d’Auxerre, ce qui lui paraissait bizarre.

C’est pourtant exact ! Rappelons que la vallée du Nohain et l’ensemble du Donziais appartenaient à ce diocèse avant la Révolution. A Cosne même, les successeurs du grand Saint Germain et d’Hugues de Chalon avaient leur palais épiscopal, parfaitement conservé au cœur de la ville, le château de Villechaud au sud, dont seule subsiste la chapelle Sainte-Brigitte, et de nombreux biens aux alentours. N’étaient-ils pas désignés dans certains actes comme « seigneurs de Cosne et de Villechaud » ?

S’agissant des Bruyères nous avions renoncé à publier nos maigres connaissances, mais il nous faut répondre, même tardivement, à cette demande.

Dans ce site connu autrefois sous le nom de Bruère, on peut voir aujourd’hui une belle propriété au milieu d’un vaste espace cultivé : les Grandes et les Petites Bruyères. Le petit château du XIXème a dû succéder à une maison plus ancienne. Il est devenu, après la Révolution la propriété de Louis Voille de Villarnou (1780-1825) – qui portait le nom d’un domaine situé dans l’ancienne paroisse de Bagneaux à Donzy, – voyez la notice concernant cette famille : Voille de Villarnou –. Son père, Jean-Baptiste Voille de Villarnou, avocat et magistrat, avait accueilli le dernier duc de Nevers à Donzy en 1769. Son cousin Jean Louis Voille était un portraitiste apprécié, notamment à la cour de Saint-Pétersbourg.

Dans son « Essai historique et archéologique » sur Cosne A. Faivre évoque le domaine des Bruyères dans ces termes : « En allant de Villechaud à St-Laurent, on laisse sur sa droite le hameau de Bruère qui ne présente plus aujourd’hui aucun vestige archéologique et où l’on remarque seulement une élégante maison de campagne enfouie sous les arbres. C’est cependant une localité fort ancienne : au XIIème siècle, c’était une grange en exploitation rurale que l’évêque d’Auxerre, Guillaume de Toucy (1167-1181), acheta à l’abbaye de Chalivoy, près Sancerre, moyennant 80 livres provinoises ».

L’abbé Lebeuf, dans son histoire du diocèse d’Auxerre, confirme que Guillaume de Toucy (56ème évêque) : « …acheta à Cône, des moines de Chalivoy, la métairie de La Bruyère, située proche Villechaud, et plusieurs autres biens. »

Qui était ce Guillaume de Toucy ? Comme son nom l’indique il appartenait à la grande famille baronniale de Toucy qui régnait sur la Puisaye et relevait, au même titre que Donzy et Saint-Verain, des évêques d’Auxerre. Son père, Ithier III était mort en Terre Sainte et sa mère était la fille du comte de Joigny. Son frère Narjot était le baron en titre, et son autre frère Hugues, Archevêque de Sens. Une famille puissante, établie dans cette baronnie vers l’an Mil par l’évêque Hugues de Chalon (cf. supra), un parent.

D’abord Archidiacre de Sens aux côtés de son frère, où il se fit remarquer par son soutien au pape contesté Alexandre III, puis Trésorier du chapitre d’Auxerre, Guillaume accéda à l’épiscopat en 1167. Il fut un prélat actif et prodigue, tant pour les monastères de son diocèse que pour sa cathédrale, dont il contribua beaucoup à l’embellissement. Il participa au Troisième Concile de Latran en 1179, et assista au sacre de Philippe-Auguste à Reims, la même année.

Il semble que la métairie de Bruère, qu’il avait acquise pour étendre les possessions du diocèse à Cosne, au voisinage de Villechaud, et se renforcer face aux comtes de Nevers, était assez vaste. Elle comprenait la propriété dite des Petites-Bruyères aujourd’hui, le domaine voisin des Grandes Bruyères, et le hameau des Etangs des Granges. On trouve un « Plan des Gâtines de Cosne » dans les archives du diocèse (AD 89, Diocèse d’Auxerre, Temporel, Domaines, G-1695-1 et 2), qui correspond à cet espace.

Bruère paraît avoir été conservé – et sans doute affermé – par le diocèse jusqu’à la Révolution, qui confisqua les « biens du clergé » et les fit vendre.

Louis Voille de Villarnou l’aurait racheté peu après. Il mourut « dans sa maison de campagne de Bruère », suivant les termes du registre d’Etat-Civil de Saint-Martin-sur-Nohain, après avoir été secrétaire à la Sous-Préfecture de Cosne, puis conseiller à la Cour de Bourges.

Nous serions bien sûr intéressés par toute information qui permettrait d’éclairer davantage l’histoire de ce site.

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