Archives de catégorie : 10 – Châtellenie de Chateuneuf

Un paysagiste nivernais

(Illustration : A. Drachkovitch, le château de Villiers, à Ménestreau)

On a appris récemment le décès d’Albert Drachkovitch-Thomas (1928-2025), peintre paysagiste nivernais, très reconnu, qui était établi de longue date à Garchy.

Le « Dictionnaire des peintres, sculpteurs et graveurs nivernais, du XVème au XXème siècle », par M. Bardin (Nevers, 2002), lui consacre un article : « Son père est serbe et sa mère française. Il vient en France peu de temps après sa naissance et fréquente l’école communale de Garchy dans la Nièvre. Il repart en Yougoslavie puis revient à Marseille, Chambéry, Cusset. En 1941, la famille, poursuivie par la Gestapo, se réfugie en Suisse. Ses études secondaires terminées, après des passages dans différentes académies, il devient peintre à part entière et s’installe à Garchy. Dès 1954, il fait suivre son nom de Thomas en hommage à sa grand-mère maternelle, veuve du grand socialiste français (ami de Jean Jaurès) Albert Thomas, ancien ministre et créateur du Bureau International du travail, à Genève.     Figurative, sa peinture est réaliste et décrit des paysages minutieusement observés à la manière flamande. Il fait ses débuts à Paris, à l’ancienne galerie Duncan. Puis suivent les galeries Bernheim, Charpentier. Il obtient le prix de la Critique en 1961. Albert Drachkovitch est un peintre de renommée internationale. Les musées de Marzy et de Nevers possèdent des œuvres de ce peintre, ainsi que la Préfecture de la Nièvre ». (Voir Bénézit, 1999, t4 p. 721).

Passy-les-Tours

Drachkovitch est un paysagiste rermarquable. Centrées sur une ferme, un manoir, un hameau entouré de prairies, un ruisseau, avec une prédilection particulière pour les arbres dégarnis, les paysages enneigés et les ciels tourmentés de l’hiver, ses toiles sont touchantes de pureté. Son style est classique, mais en rejoignant la peinture flamande ancienne – où la neige est aussi très présente – son œuvre, empreinte de nostalgie, est un cri d’amour à son terroir d’adoption.

Il était aussi un pêcheur émérite et l’inventeur de techniques et d’engins de pêche très réputés. Son décès a été relevé avec émotion dans ce milieu.

Il avait vécu étant enfant dans la propriété acquise par ses grands-parents Thomas en 1930 « le domaine ou la métairie des Planches », surplombant l’Asvins dans le bourg de Garchy, aujourd’hui un  centre de vacances de la Ville de Nanterre. Cette belle demeure avait été construite vers 1850, sans doute par Jean Millet, notaire, maire de Garchy, qui avait épousé l’héritière du vieux château de La Barre et des vastes domaines qui l’entouraient, ou par son gendre Ernest Durand, lui aussi maire et conseiller général.

Le domaine des Planches, à Garchy

Le grand-père d’Albert Drachkovitch, devenu garchisois d’adoption, était Albert Thomas (1878-1932), fils d’un boulanger républicain de la Vienne, normalien, agrégé d’histoire, militant socialiste (SFIO) et dirigeant politique de la IIIème République. Il fut maire de Champigny-sur-Marne, député de la Seine, et ministre de l’Armement à l’efficacité reconnue pendant la Grande Guerre, puis député du Tarn. Très attaché au progrès social mais partisan du dialogue, il consacra la deuxième partie de sa vie au Bureau International du Travail qu’il fonda et dirigea. Il profita peu de cette retraite de campagne mais sa présence et celle de sa famille marqua le village, dont la rue principale porte son nom.

Les toiles de Drachkovitch, assez cotées, sont très présentes dans des maisons des environs et passent parfois dans des ventes aux enchères.

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La forge d’un duc, à Champlemy

Une lectrice nous avait interrogés il y quelque temps sur « les ruines d’un petit château au bord d’un étang », au sud de l’ancienne abbaye de Bourras, dont elle ignorait le nom et l’histoire. S’agissait-il d’un domaine de l’abbaye ?

On est là sur la commune de Champlemy, aux confins de la châtellenie de Châteauneuf et donc du Donziais.

Une visite sur place nous a permis d’apprécier cet espace anciennement aménagé, au cœur de la haute vallée de la Nièvre de Champlemy, en lisière de la forêt de Charnouveau. On y arrive par un simple chemin ; le monument lui-même est modeste – les restes d’une petite tour envahie par le lierre, accostant un corps de bâtiment – mais le charme du grand étang cerné par les bois agit vite sur le promeneur qui s’attarde. Ce site conservait son mystère ; tout au plus pouvait-on supposer que l’étang alimentait un moulin, aujourd’hui disparu.

Par chance, une étude sur « Les moulins de la Nièvre de Champlemy » (par Ph. Landry, in « Bulletin de l’Association des Moulins du Morvan et de la Nièvre« ) est tombée sous nos yeux récemment, qui nous permet d’éclairer un peu l’histoire de la Ferrauderie, puisque tel est son nom, confirmant la présence d’une forge.

Cette Nièvre-là prend sa source aux pieds même du vieux château des sires de La Rivière à Champlemy. Son cours sinueux au milieu des prairies et des bois est jalonné d’anciens moulins à forge alimentés par des retenues. La Ferrauderie était l’un d’eux, entre celui de L’Etang du Bois en amont, et celui de Barbeleine en aval, juste avant le confluent avec la Nièvre de Bourras. Le débit de la rivière y paraît modeste, mais on l’augmentait par des lâchers d’eau saisonniers, comme on peut l’observer sur la Talvanne, l’Accotin, ou le Mazou.

Peut-être cette ruine est-elle celle de la maison du maître de forge, ou bien l’ultime trace d’un équipement industriel, alors que les installations hydrauliques elles-mêmes ont presqu’intégralement disparu. Le site comprenait une forge avec deux roues ; un fourneau produisant jusqu’à 400 tonnes de fer par an, un gros martinet ; et un bocard à laitier, avec une roue, pour broyer les résidus.

Selon la remarquable revue « La Nièvre, le Royaume des Forges » (Musée de la Nièvre, Etudes et documents n°2, 2006), la Ferrauderie, fondée sans doute à la fin du XVIIème siècle, employait 28 ouvriers et 80 bucherons en 1809, et fonctionnait encore en 1818. Elle appartenait alors, comme l’installation voisine de l’Etang du Bois, au marquis de Tourzel, puis au duc de Lorge, son gendre, qui devaient l’affermer.

Emeric de Durfort-Civrac, 5ème duc de Lorge – né en émigration en 1802, et mort à Paris en 1879 – avait épousé la fille de Charles du Bouchet de Sourches, mis de Tourzel (1768-1815), Grand Prévôt de France, dont la mère était la fameuse « Madame de Tourzel », courageuse Gouvernante des Enfants de France pendant la Révolution.

Pourquoi ces représentants de la haute aristocratie, étrangers à la région, détenaient-ils ces petites forges nivernaises, vous demandez-vous in petto ?

Tout simplement parce qu’ils étaient les héritiers des derniers seigneurs de Champlemy, une terre considérable dont nous avons étudié la dévolution. A l’extinction de cette branche de la maison de La Rivière, elle fut rachetée vers 1650 par Anne de La Guiche, veuve du maréchal de Schomberg, dont les marquis de Tourzel descendaient.

C’était un exemple de continuité au travers des troubles révolutionnaires. Ces biens n’avaient sans doute pas été saisis par la Nation, peut-être parce-que Madame de Tourzel, veuve, détenue après la mort du roi et de la reine mais épargnée par l’échafaud, n’avait pas émigré. Ou bien parce qu’ils avaient été achetés par des intermédiaires amis et rétrocédés aux anciens seigneurs, comme ce fut parfois le cas.

Les moulins de la Ferrauderie et de l’Etang du Bois avaient dû être fondés par un de leurs ancêtres, seigneur de Champlemy, et leur exploitation affermée à de petits maîtres de forge. Ces sites furent vendus vers 1860 au sieur Ferrand, maître de forge au moulin de la Vache à Raveau ; l’activité métallurgique aurait cessé peu après, et ils auraient été exploités comme moulin à blé jusqu’au début du XXème siècle.

La Nièvre, renforcée par ses affluents – qui ne faisait que longer notre baronnie au sud sur quelques kilomètres – alimentait en aval des installations plus puissantes, à Dompierre, à La Celle, et à Beaumont-la-Ferrière, avant d’atteindre Guérigny…

Question contemporaine et iconoclaste : pourquoi cette énergie propre, durable et gratuite est-elle perdue aujourd’hui ?

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Le domaine du Crot-Ravard, à Châteauneuf

(Illustration : verre filé de Nevers, XVIIème)

Le Crot-Ravard (ou Ravart) est un domaine ancien situé dans la vallée de la Nièvre, à Châteauneuf-Val-de-Bargis, aux confins des terres de l’abbaye cistercienne de Bourras , à laquelle il a sans doute appartenu avant d’être cédé.

On le trouve vers 1650 aux mains d’Edmé Picquet, d’une famille originaire de Troyes – son grand-père, Claude Picquet, mathématicien, astronome, graveur en taille douce -, établie en Nivernais par des fonctions administratives dans les Manufactures royales de verrerie de Nevers, qui les mirent en rapport avec des familles de gentilshommes verriers : Castellan, Borniol…etc.

Le Crot-Ravard passe ensuite par alliance à une branche cadette des Charry, de Giverdy, puis aux Caffard, bourgeois de Nevers et de Saint-Bonnot.

Il reste à trouver des traces de l’histoire plus ancienne de ce domaine, mais la documentation sur l’Abbaye de Bourras est très fragmentaire…

Merci aux Cahiers du Val-de-Bargis qui fournissent une inépuisable documentation sur cette petite région ! 

Crot-Ravart  (V2 du 3 nov 2023)

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Les Couez, à Champlemy

Champlemy était un fief historique du Donziais dont témoigne son vieux château en ruine. Il a été détenu notamment par les sires de La Rivière, et comprenait plusieurs arrière-fiefs dans le voisinage, dont Rosay et Thouez, toujours associés au fief principal, et les Couez, détenu de façon autonome pendant deux siècles, d’où l’attention particulière que ce site discret mérite.

Ce fief des Couez (ou des Couées), cité par Marolles mais sans référence à des actes spécifiques, a été détenu par une famille « du Chaffaut » – qui paraît établie dans la région de Champlemy dès le début du XVIème siècle, et dont Villenaut donne une rapide généalogie -. On ne sait rien des origines de l’implantation de cette famille dans ce fief. Proche du bourg, le fief avait-il été détaché de Champlemy et inféodé, ce qui paraît conforme au mouvement de dissociation progressive qui marquait le régime féodal, ou avait-il été autonome dès l’origine ?

Quoiqu’il en soit, il fut vendu en 1619 à Marguerite de La Magdeleine de Ragny, dame de Champlemy, Rosay et Thouez, veuve de Ludovic de La Rivière, et ainsi réuni à cette terre, sans doute par retour à son ensemble féodal d’origine – voir la notice sur Champlemy -. Champlemy passa ensuite par cession aux Rabutin puis dans d’autres mains.

Une longue ferme-manoir accostée d’une tour et entourée de jardins témoigne de l’ancienneté du domaine des Couez.

Voyez ci-dessous une notice résumant la dévolution de ce fief, associée à Champlemy à partir du XVIIème siècle  :

Les Couez (V1 du 6 oct 2023)

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Le Pressoir de Châteauneuf

Le fief du Pressour à Châteauneuf, tout proche de l’ancien château des évêques d’Auxerre – passé aux comtes de Nevers dès le XIIème siècle, aujourd’hui disparu – doit tenir son nom du « pressoir banal » de la seigneurie.

Il n’y a pas trace d’un ancien manoir dans ce hameau un peu isolé à l’ouest de Châteauneuf, seul un colombier – attribut seigneurial – retient l’attention.

Ce fief est cité dans la table de l’Inventaire de Marolles, mais aucun acte le concernant n’y figure, peut-être parce qu’il s’agissait d’un arrière-fief (cf. infra). Il est difficile de savoir s’il s’agissait d’un fief foncier classique (doté d’un pressoir), ou du pressoir banal lui-même, mis à disposition des viticulteurs de ces coteaux par le seigneur moyennant versement de droits.

Un acte de 1694 cité par les « Cahiers du Val de Bargis » indique qu’il était alors aux mains des Gascoing de la branche de Demeurs à Urzy, au moins en partie, car les seigneurs de Fonfaye paraissaient en détenir une autre partie. Cela suggère que le Pressour pouvait être un arrière-fief de Fonfaye, passé en partie aux Gascoing par une alliance avec une fille de Guillaume Tenon, à la fin du XVIème siècle.

Mais une origine plus lointaine encore est possible pour ce fief, à partir de la succession des Le Muet, sgr de Nanvignes (Menou), qui étaient originaires de Châteauneuf.

Voyez ci-dessous une notice qui pose ces différentes hypothèses de dévolution du Pressour. Merci de nous apporter votre aide pour en éclaircir les zones d’ombre…

Le Pressour (V1 du 12 fev 2022)

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