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Le martyr de Bouhy

Bouhy, modeste village au nord d’Entrains – une terre de la châtellenie de Saint-Verain au moyen-âge que nous avons déjà visitée (Bouhy et Cosme) – est un site fondateur pour l’Eglise d’Auxerre : c’est là qu’en 303 ou 304 le premier évêque envoyé par Rome, Pèlerin (Peregrinus), fut martyrisé par l’armée romaine. Une église fut établie en ce lieu avant le VIème siècle.

Une fontaine rappelle ce triste événement. A cet endroit, selon la légende, un serpent paré d’un collier de perles avait révélé la cache de l’évêque au centurion, en s’enroulant autour d’un arbre. Cette bête monstrueuse apparait toujours le 16 mai au petit matin, jour de la Saint Pélerin, mais il est recommandé par la même légende de… ne pas chercher à la voir.

                       

L’église de Bouhy, simple et beau monument gothique du XIIIème siècle qui a dû remplacer l’édifice primitif, est dédiée au saint évêque.

L’action de Pèlerin, l’un des premiers évangélisateurs des Gaules, s’inscrit dans le temps tout juste après saint Denis, à Paris, saint Martial, à Limoges, ou saint Saturnin, à Toulouse. Cette ancienneté – le diocèse de Nevers ne fut fondé que deux siècles plus tard – l’origine romaine du fondateur et son martyr, ont donné une aura particulière à l’Eglise d’Auxerre. La haute figure de Saint Germain, au Vème siècle, alors que l’Empire romain s’effondre, achèvera de faire d’Auxerre un siège épiscopal prestigieux.

L’épopée de Pèlerin a été décrite par la « Geste des évêques d’Auxerre ».

L’abbé Lebeuf reprend ainsi cette histoire (extraits) : « Malgré les persécutions, la foi se propageait donc en secret, et bientôt les chrétiens de l’Auxerrois firent parvenir jusqu’à Rome leurs vœux ardents pour avoir au milieu d’eux un évêque et des prêtres ; Saint Sixte II occupait alors la chaire de saint Pierre ; il ne put se refuser aux désirs trop légitimes des peuples de l’Auxerrois, et il jeta les yeux sur Pèlerin ou Pérégrin, compagnon de saint Laurent, pour remplir cette importante mission. Après lui avoir imposé les mains, il lui ordonna de partir pour les Gaules…. »

 Saint Laurent, un des diacres du pape Sixte II, fut martyrisé sur un gril à Rome en 258. L’Empereur Constantin fit construire hors les murs, sur le site supposé de son sacrifice, l’exceptionnelle basilique qui porte son nom.

 Lebeuf poursuit : « Ce fut vers l’an 258 ou 259 que Pèlerin se mit en route, ayant pour compagnons Marse, prêtre ; Corcodome diacre ; Jovinien et Alexandre, sous-diacres, et un autre Jovinien, lecteur. Ils débarquèrent à Marseille, puis se rendirent à Lyon, laissant partout sur leur passage des marques non équivoques de leur zèle et de leur sainteté. De là ils pénétrèrent jusque sur les rives de l’Yonne, c’est-à-dire dans le pays des Gaules où l’idolâtrie avait jeté de plus profondes racines. L’Yonne, source de l’abondance et de la prospérité du pays, était adorée comme une déesse, sous le nom d’Icauna…L’éloquence, la sainteté et les miracles de Pèlerin convertirent les principaux habitants d’Auxerre ; bientôt il put construire une petite église sur les bords de l’Yonne, à la source de quelques fontaines ….»

Cet édifice primitif construit hors les murs de la cité doit être considéré comme la première « cathédrale » d’Auxerre. C’est Amâtre, le sixième évêque, qui établit la cathédrale sur son emplacement actuel au cœur de la cité. Devenue une paroisse et reconstruite en style gothique, la chapelle saint Pèlerin a été largement transformée : sa nef abrite aujourd’hui des logements et son chœur un temple protestant. Le puits dit « de Saint-Jovinien », dans lequel l’évêque baptisait, se trouvait dans une vaste cave voutée qu’on peut toujours voir sous le choeur.

                                                                  

Lebeuf reprend : «…Il y avait, à dix lieues d’Auxerre, un pays montagneux, couvert de bois qui environnaient les lacs formés dans les vallées ; la position de ce pays favorisait le culte des païens ; c’était la Puisaye, dont une partie forma le Donziais.

Entrains, Interanum, était la capitale de ce pays, ville puissante, au milieu de laquelle s’élevait le palais du préfet romain, qui ne craignait pas de prendre le titre de césar. Elle renfermait plusieurs temples dans ses murs, et, à l’exemple de Rome, elle avait admis les divinités grecques et romaines, auxquelles elle avait associé les monstrueuses idoles de l’Orient. Un Aulerque venait d’élever un nouveau temple en l’honneur de Jupiter hospitalier ; il n’avait rien négligé dans la construction de ce temple, et la richesse des décors égalait la beauté de l’architecture. On accourait de toutes parts pour le visiter. Pèlerin crut que la circonstance était favorable, et qu’il devait en profiter pour déployer tout son zèle; il s’avança donc avec courage au milieu de ce peuple, et entreprit de le détourner de ses erreurs.

                                                                                                      

 Mais à peine eut-il commencé à parler, qu’on se jeta sur lui avec fureur pour le conduire devant le juge, qui le fit provisoirement mettre en prison.

Le lieu où il fut renfermé était un souterrain proche de Bouhy, à sept kilomètres d’Entrains ; il y resta enchaîné jusqu’au moment où on l’en re­tira, pour le faire paraître devant le préfet romain. La prison ne put ralentir son zèle ; il semblait dire, avec l’apôtre saint Paul, qu’on peut bien jeter dans les fers un disciple du Christ, mais qu’il n’est point de force humaine qui puisse enchaîner la parole de Dieu ; il prêchait le vrai Dieu à ses geôliers et à tous ceux qui l’approchaient. Quand on l’eut conduit en pré­sence du préfet, il ne parut aucunement épouvanté par ses menaces, comme il ne se laissa pas gagner par ses promesses….

 Le juge, irrité, ordonna à ses soldats de le livrer entre les mains du bourreau, et aussitôt les soldats l’entraînèrent en le chargeant de coups. Epuisé par les mauvais traitements et par les rigueurs auxquelles il avait été auparavant soumis dans la prison, notre Saint était sur le point de succomber, quand un des soldats, voyant que les forces allaient l’aban­donner, lui trancha la tête de son épée. Son martyr eut lieu le 16 mai 303 ou 304, sous la grande persécution de Dioclétien. »

Sous Dioclétien (244-312) en effet, la persécution contre les chrétiens reprend. Quatre édits (303-304) sont affichés dans les villes pour désorganiser les communautés : les églises et les livres sacrés doivent être brûlés ; les évêques emprisonnés et les chrétiens qui occupent des fonctions officielles radiés, les esclaves ne peuvent plus être affranchis ; les repentis doivent être libérés ; la peine de mort est appliquée contre tous ceux qui refusent les sacrifices.

 Lebeuf : « Après le martyre de saint Pèlerin, quelques chrétiens inhumèrent avec respect ses restes précieux à Bouhy, lieu de son supplice. Son corps y reposait encore au temps de saint Germain, et bientôt on éleva une église sur son tombeau. Plus tard, le corps du saint apôtre de l’Auxerrois fut transporté à Saint-Denis, proche Paris, et il ne resta à Bouhy que sa tête et les vertèbres. »

Comme toujours les reliques du saint furent démultipliées et dispersées, mais le reliquaire de Bouhy subsiste, présenté chaque année lors de la fête votive du 16 mai.

                                                                  

Le souvenir de Pèlerin, premier évêque venu achever son périple près d’Entrains, marque le lien profond du futur Donziais avec le siège épiscopal auxerrois dès son origine. Germain le renforcera en donnant à son diocèse les grands biens de sa famille dans cette même région.

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Des Landes mystérieuses à Bouhy…

L’ancien fief des Landes de Bouhy paraît n’avoir laissé aucune trace.

Il faisait partie de l’ensemble territorial de Saint-Verain, et un des nombreux héritiers de cette baronnie au XVème siècle, Guillaume d’Argenton, fit hommage au comte de Nevers pour les Landes en 1405.

Cette terre – sur laquelle aucun château ou manoir ne paraît avoir été construit – fut acquise en 1488 par Jean de Morogues, qui occupait d’importantes fonctions auprès des comtes et établit par ailleurs sa famille à Sauvage (Beaumont-la-Ferrière). Elle passa ensuite à ses descendants : Bochetel, Rochechouart, Chaludet…

On perd la trace de sa possession à la fin du XVIIème siècle.

Aucune trace n’est visible à Bouhy, et le lieu même des Landes, qu’une monographie sur Bouhy situe au sud du village, ne figure sur aucune carte ancienne.

A vos bibliothèques et tablettes ! Qui pourra nous éclairer sur la position exacte de ce fief et sur ses derniers détenteurs avant la Révolution ?

  Les Landes-de-Bouhy  (V2 du 26-0-21)

 

 

 

 

 

 

 


[1] Rééditée par « Le Livre d’Histoire » en 2006

 

 

 

 

 

 

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Bouhy et Cosme, aux sires de Saint-Verain

(illustration : la fontaine Saint Pélerin à Bouhy)

Il n’y a plus de trace à Bouhy ou à Cosme d’anciens châteaux. Ce dernier village paraît cependant avoir été le siège de la seigneurie, dont le château se serait trouvé proche de la Chapelle Sainte Anne,  très bien conservée, qui était sans doute une chapelle castrale. Il est cité par Marolles : un acte rapporte qu’en 1360 Arnaud de Cervoles, surnommé l’Archiprêtre (voir notice La Motte-Josserand), s’en serait emparé. Mais il dut finalement le remettre, avec d’autres places, au comte de Tancarville, dont la comtesse de Nevers était débitrice. Il dut ensuite subir le même sort que celui de Saint-Verain au XVème siècle.

Car l’histoire des fiefs de Bouhy et Cosme est étroitement associée à celle de la baronnie de Saint-Verain (voir cette page), dont ils étaient partie intégrante.

Lors des partages de succession très difficiles entre les nombreux héritiers des derniers barons de Saint-Verain de la famille d’Amboise-Chaumont, Cosme et Bouhy étaient échus aux d’Argenton, héritiers de Marie d’Amboise. Mais Louise d’Argenton, parente de Pierre d’Aigreville, les vendit aussitôt au comte de Nevers, qui exerçait une forte pression pour récupérer cet ensemble foncier considérable et stratégique, au nord du comté. Les comtes reprirent alors le titre de « seigneur ou dame de Saint-Verain-des-Bois », et par conséquent de Bouhy et Cosme.

A l’instar d’autres terres en Donziais et en Nivernais, ces fiefs furent vendus en 1604 à Antoine de Thiboutot, sgr de Ligny-Godard,  Gouverneur de St-Fargeau et des Pays de Puisaye, car le duché était très endetté (voir notice Druyes). Mais deux ans plus tard, Charles de Gonzague  les reprit.

Ils furent à nouveau cédés, cette fois définitivement, à François de Guibert, un seigneur du Berry, en 1648, puis à nouveau par ses héritiers en 1700, aux Masin, également acquéreurs de la terre d’Arquian, qui en furent les derniers seigneurs.

Voyez ci-dessous la notice qui leur est consacrée, et qui porte pour l’essentiel sur les XVIIème et XVIIIème siècles.

Bouhy et Cosme (V5 complétée 27-9-21)

D enluminé

 

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