Archives de catégorie : 2 – Châtellenie de Donzy

Le « fief de Lamoignon » à Donzy

(Illustration : les armes des Lamoignon)

Le nom de Lamoignon est connu : les membres de cette grande famille parlementaire se sont illustrés dans les plus hautes charges du royaume. Ainsi le célèbre « Basville » – Nicolas de Lamoignon – Intendant à Montpellier : il a laissé  un souvenir mitigé tant il fut implacable dans la répression des protestants après la révocation de l’Edit de Nantes. Ou encore le grand Malesherbes – Chrétien Guillaume de Lamoignon – homme sage et érudit, ministre et avocat de Louis XVI, qui périt avec toute sa famille sur l’échafaud en 1794. On ne compte plus les « Présidents à mortier » ou « Maître des requêtes » de cette lignée, qui a légué à Paris l’Hôtel de Lamoignon, reconstruit par Robert de Cotte, aujourd’hui Bibliothèque historique de la ville.

Mais quel rapport avec Donzy ?

Ces grands serviteurs de l’Etat  se prétendaient issus d’une famille d’ancienne extraction chevaleresque de ce nom, connue en Donziais depuis la fin du XIVème siècle, dont le fief aurait été situé dans les faubourgs de la cité. Il y a effectivement un « Pré de Lamoignon » au bord de la Talvanne, mentionné sur les anciens plans de la ville. Une « porte de Lamoignon » (ou « de la Poterne ») de l’ancienne enceinte du coté du Levant, dont ce fief était réputé proche, a également existé.

Pourtant, les sources probantes indiquent que ces parlementaires étaient issus de Charles Lamoignon, fils d’un juriste de Nevers au service du Duc (Clèves), venu à Paris en 1544 à son instigation, après de brillantes études à Bourges et en Italie.

Des éclaircissements s’imposent.

Le nom d’abord. Villenaut, dans son « Nobiliaire de Nivernois », rappelle avec bon sens que Lamoignon était à l’origine un surnom donné à différents personnages venus des Amognes à la ville : « l’Amognon » ou « l’Amoignon », suivant l’usage du temps. C’est sous ce patronyme, utilisé avec différentes orthographes, que ces petits seigneurs sont constamment nommés dans l’Inventaire de Marolles. Il n’est donc pas douteux que le lieu dénommé Lamoignon à Donzy n’a pas donné son nom à une famille mais qu’une famille le lui a donné. Sur ce sujet le débat paraît clos.

Les familles. Il y eut semble-t-il plusieurs lignées de ce nom. Bien que certains généalogistes l’aient fait, on ne peut rattacher les parlementaires parisiens aux Lamoignon du Donziais, malgré une certaine communauté de prénoms.

Ce sont ces derniers qu’on trouvera dans nos pages. Marolles les mentionne à plusieurs reprises pour les hommages qu’ils rendent au comte ou en raison de leur présence au ban des gentilshommes nivernais. On les retrouve dans bien des seigneuries du Donziais : ainsi à Chasnay et dans d’autres petits fiefs de la châtellenie de Chateauneuf, leur premier enracinement local ; en 1424 Pierre Lamoignon, sgr de Mannay, élit sépulture en l’abbaye de l’Epeau ; en 1520, Jeanne Lamoignon est « dame de Champromain ». Par des alliances ils s’implantent à La Brosse, à Brétignelles et Villargeau, ou à Rivière en Puisaye. Ils s’allient aux familles de Pernay (le Magny), de La Tournelle-Maisoncomte (La Motte-Josserand), de Champs (Pesselières), de Vieilbourg (Mocques), ou encore de Mullot (Le Colombier), rayonnant ainsi largement au sein de la noblesse locale, alors même que ceux de Nevers évoluaient dans la bourgeoisie de la ville.

Le lieu enfin. La branche parisienne, devenue riche et célèbre, revendiqua à la fin du XVIIème siècle une origine donziaise qui l’aurait enracinée dans un terroir et surtout dans la noblesse d’épée.

Il y avait effectivement un fief ancien de ce nom à Donzy ; sans doute un « fief urbain » ou une « maison de ville » des Lamoignon de la région. L’Inventaire des Titres de Nevers mentionne son existence, mais ne cite aucun acte le concernant. Cependant des références existent dans l’histoire de certaines familles qui permettent de reconstituer dans la notice ci-dessous la dévolution du Fief de Lamoignon, du XVème siècle à la Révolution.

Le Fief Lamoignon (nouvelle notice, nov. 2024)

Chrétien de Lamoignon, marquis de Basville, l’oncle de Malesherbes, acheta une terre à Donzy vers 1720, tout ou partie de l’ancien fief, pour renouer avec ses origines ou…accréditer ses prétentions. Des généalogistes patentés, se copiant les uns les autres – mais largement contestés depuis – firent alors des membres de la lignée ainsi réunifiée des « seigneurs de Lamoignon ».

Gardons-nous de conclure, car les spécialistes en débattent toujours. Lamoignon est un nom du Nivernais et du Donziais qu’on retrouve fréquemment sur ce site, et si des acteurs de la Grande Histoire qui le portaient revendiquent cette même origine, ne boudons pas notre satisfaction…

Nous proposons ci-dessous une généalogie des Lamoignon nivernais, dont certains points restent à confirmer et à compléter :

Famille Lamoignon (oct 2024)

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les sites ou documents suivants, qui sont parfois discordants :

– Famille de Lamoignon (Wiki)

– Cahiers du Val de Bargis (page Donzy)

– Base Pierfit (généalogie Lamoignon)

– Etude de C. Lamboley sur les origines des Lamoignon

 Blanchard : « Les Présidents à Mortier » (art. Lamoignon)

– Moreri « Dictionnaire » (art. Lamoignon)

– La Chesnaye des Bois « Dictionnaire » (art. Lamoignon)

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Saint-Quentin, le moulin, et la Pouvesle…

(Illustration : l’ancien logis abbatial de Saint-Laurent)

Le Moulin de Saint-Quentin, à Saint-Quentin-sur-Nohain, fondé par les moines de Saint-Laurent, a une histoire très ancienne. Il a été cédé plusieurs fois, a été longtemps indivis et affermé par ses différents propriétaires .

Le titre de « seigneur de Saint-Quentin » apparaît dans des actes au début du XVIIème siècle, mais cette terre n’est pas répertoriée par l’Inventaire des Titres de Nevers. Il s’agit d’un arrière-fief de Longrest – la « terre aux Poitevins »  – appartenant au chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers, qui avait son siège à Saint-Laurent-l’Abbaye.

Cette terre et le moulin sont alors détenus par les Pellault, conseillers et secrétaires du roi, ou contrôleurs des guerres, établis à Pouilly où ils ont fait construire un bel hôtel, vendu par la dernière héritière (1730) à François de Lespinasse, Sgr des Pivotins, le père du général et du peintre qui y naquirent, – voir cette notice familiale -.

Cet ensemble passe vers 1745, sans doute par acquisition, à Jean Arrivot, bourgeois de Pouilly, connu à Paris comme marchand de vin, puis par alliance aux Berger, originaires de La Charité, également acquéreurs de Favray voisin.

Il n’y a pas de trace castrale propre à St-Quentin. Non loin sur la hauteur, on aperçoit le manoir de Chevroux, un autre arrière-fief de Longrest.

Le domaine de la Pouvesle, proche du bourg et du moulin, tenait sans doute son nom d’un propriétaire du moulin au XVIème siècle. Etait-ce la maison du meunier, un domaine autonome, ou le siège du fief de Saint-Quentin ? Une belle avenue plantée de grands arbres, une maison de maître du XIXème siècle et des traces sur un bâtiment de la ferme (corbeaux de pierre d’une grande cheminée et arcs de fenêtres), attestent du caractère ancien du site.

Ci-dessous une première notice consacrée à ce site. Il faudra approfondir et préciser cette histoire qui reste encore trop fragmentaire. Merci de votre aide !

Saint-Quentin (V1 du 5 oct. 2023)

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La belle dame de la Motte-Josserand (1650-1685)

(Portrait : Hortense Mancini, duchesse de Mazarin et de La Meilleraye)

Depuis 1447, date de son acquisition par le Chancelier Jean Jouvenel des Ursins, la Motte-Josserand, forteresse mythique du Donziais au bord du Nohain à Perroy, dont nous avons souvent parlé, passait par héritage de famille en famille.

Mais vers 1650 elle fut vendue par son dernier héritier, le maréchal de Vitry, au duc de Villars. Ce fut la première d’une série de cessions qui fit de ce haut lieu de la Guerre de Cent Ans un simple objet de spéculation. Les seigneurs n’y résidaient généralement pas : le château était solide – n’est-il pas toujours debout ? – mais inconfortable pour ces habitués des beaux hôtel parisiens.

Le duc de Villars fit don de La Motte-Josserand à Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles, lieutenant général, frère de sa première épouse. Cette grande famille lorraine avait donné un siècle plus tôt deux prieurs de La Charité : Robert de Lenoncourt (1510-1561), archevêque de Toulouse et cardinal, mort au prieuré où il s’était retiré, et son neveu Philippe de Lenoncourt (1527-1592), évêque d’Auxerre, lui aussi cardinal et surtout proche conseiller du roi Henri III.

Lenoncourt, en Lorraine : « D’argent à la croix engrêlée de gueules »

La fille de Joachim, Marie Sidonie de Lenoncourt, (1650-1685), encore enfant, resta seule héritière de ses grands biens, dont la Motte-Josserand. Devenue marquise de Courcelles  par son mariage avec Charles de Champlais, lieutenant général de l’Artillerie, neveu du maréchal-duc de Villeroy, elle eut une vie mouvementée. Son incorrigible galanterie et l’éternelle convoitise des hommes, la perdirent. Ses Mémoires donnent un récit édifiant des passions et des malheurs de cette ravissante jeune femme, dans les premières années du règne de Louis XIV.

Sidonie de Lenoncourt, marquise de Courcelles, dame de La Motte-Josserand

Soustraite très tôt à l’influence jugée néfaste de sa mère, une princesse allemande qui menait une vie déréglée, elle fut élevée par une tante austère, abbesse de St-Loup d’Orléans. Mais elle fut retirée à l’autorité de l’abbesse par Colbert qui convoitait son nom et sa fortune pour son frère Maulévrier. Elle fut donc confiée par lui à la garde de Marie de Bourbon-Condé, princesse de Carignan et subit auprès d’elle à l’hôtel de Soissons, haut-lieu de l’intrigue, l’influence déplorable de sa belle-fille, Olympe Mancini, nièce du cardinal Mazarin, dont la vie ne fut que scandales.

Prise dans un maelström de débauche et de pouvoir, elle fut mariée à 16 ans au marquis de Courcelles par les sœurs de ce dernier dont l’objectif était de la pousser dans le lit de Louvois, qui se consumait d’admiration pour elle. Malgré l’aversion qu’il lui inspirait, elle fut contrainte de devenir la maîtresse du puissant ministre à 18 ans.

Elle entama peu après avec François de Neufville, duc de Villeroy, maréchal de France, un cousin de son mari, une carrière amoureuse pleine de rebondissements. Villeroy, qui avait d’autres attachements, l’abandonna à la colère de son mari trompé, qui l’exila à Courcelles chez sa belle-mère. Elle y rencontra un certain sieur de la Ferrière dont elle eut une fille qui ne vécut pas.

Le marquis de Courcelles, excédé, la fit alors enfermer au couvent des Filles de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine – dont seule l’église subsiste, devenue un temple protestant – . Elle y retrouva Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, sœur d’Olympe, aussi jolie et délurée qu’elle et que leur sœur Marie, le premier amour du jeune Louis XIV. Toutes trois étaient soeurs de Philippe Mancini, duc de Nivernais, suzerain de la Motte-Josserand à cause de Donzy. Le mari d’Hortense, duc de la Meilleraye, Grand-Maître de l’Artillerie, avait placé sa femme dans ce couvent pour les mêmes raisons. Sidonie s’en échappa après quelques mois, mais les jalousies additionnées de son mari et de Louvois lui valurent d’être enfermée à la Conciergerie, et condamnée en 1672 au cloître et à la confiscation de ses biens.

Mme de Sévigné s’en amusait : « L’affaire de Mme de Courcelles réjouit fort le parterre ; les charges de la Tournelle sont enchéries depuis qu’elle doit être sur la sellette. Elle est plus belle que jamais, elle boit, et mange, et rit, et ne se plaint que de n’avoir point encore trouvé d’amants à la Conciergerie. »

Grâce à quelque complicité, elle parvint à nouveau à échapper à ses gardiens et gagna la Franche-Comté puis Genève, Annecy, et Avignon, non sans de nouvelles aventures. Elle rejoignit alors Hortense à Londres, où elle était devenue la maîtresse du roi Charles II. Revenue à Paris et enfin veuve, Sidonie fut à nouveau arrêtée en 1678, car son beau-frère avait repris les charges contre elle. Elle ne fut libérée qu’en 1680 et épousa cette fois un obscur capitaine de dragons, Jacques Gaultier. Elle mourut 5 ans plus tard, sans descendance .

Il est probable que ses passions, ses enfermements et ses exils ne lui laissèrent pas l’occasion de venir à la Motte-Josserand, dont ses hommes de loi s’occupaient et qui fut vendue sur saisie après sa mort. Un acte de 1694 conservé aux archives de l’Yonne évoque : « les droits des sieurs François Le Boultz de Chaumot et Gaspard Brayer, conseiller au Parlement, adjudicataire au prix de 30.000 L. de la terre et seigneurie de La Motte-Josserand, saisie réellement sur les successions de Marie-Sidonie de Lenoncourt, épouse de Jacques Gaultier, sgr du Tilleul…etc. »

En ce siècle de tous les débordements, la beauté et la richesse, privées des remparts de la vertu, avaient valu bien des déboires à cette belle « dame de la Motte-Josserand ».

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Bruère, aux portes de Cosne

(Illustration : Cosne, gravure ancienne)

Un jeune internaute passionné par la région s’est étonné il y a quelque temps que le site des Bruyères, au sud de Cosne, commune de Saint-Martin-sur-Nohain, ne soit pas évoqué ici. Merci à lui !

Il se souvient avoir entendu ses grands-parents dire que les domaines en question avaient appartenu aux évêques d’Auxerre, ce qui lui paraissait bizarre.

C’est pourtant exact ! Rappelons que la vallée du Nohain et l’ensemble du Donziais appartenaient à ce diocèse avant la Révolution. A Cosne même, les successeurs du grand Saint Germain et d’Hugues de Chalon avaient leur palais épiscopal, parfaitement conservé au cœur de la ville, le château de Villechaud au sud, dont seule subsiste la chapelle Sainte-Brigitte, et de nombreux biens aux alentours. N’étaient-ils pas désignés dans certains actes comme « seigneurs de Cosne et de Villechaud » ?

S’agissant des Bruyères nous avions renoncé à publier nos maigres connaissances, mais il nous faut répondre, même tardivement, à cette demande.

Dans ce site connu autrefois sous le nom de Bruère, on peut voir aujourd’hui une belle propriété au milieu d’un vaste espace cultivé : les Grandes et les Petites Bruyères. Le petit château du XIXème a dû succéder à une maison plus ancienne. Il est devenu, après la Révolution la propriété de Louis Voille de Villarnou (1780-1825) – qui portait le nom d’un domaine situé dans l’ancienne paroisse de Bagneaux à Donzy, – voyez la notice concernant cette famille : Voille de Villarnou –. Son père, Jean-Baptiste Voille de Villarnou, avocat et magistrat, avait accueilli le dernier duc de Nevers à Donzy en 1769. Son cousin Jean Louis Voille était un portraitiste apprécié, notamment à la cour de Saint-Pétersbourg.

Dans son « Essai historique et archéologique » sur Cosne A. Faivre évoque le domaine des Bruyères dans ces termes : « En allant de Villechaud à St-Laurent, on laisse sur sa droite le hameau de Bruère qui ne présente plus aujourd’hui aucun vestige archéologique et où l’on remarque seulement une élégante maison de campagne enfouie sous les arbres. C’est cependant une localité fort ancienne : au XIIème siècle, c’était une grange en exploitation rurale que l’évêque d’Auxerre, Guillaume de Toucy (1167-1181), acheta à l’abbaye de Chalivoy, près Sancerre, moyennant 80 livres provinoises ».

L’abbé Lebeuf, dans son histoire du diocèse d’Auxerre, confirme que Guillaume de Toucy (56ème évêque) : « …acheta à Cône, des moines de Chalivoy, la métairie de La Bruyère, située proche Villechaud, et plusieurs autres biens. »

Qui était ce Guillaume de Toucy ? Comme son nom l’indique il appartenait à la grande famille baronniale de Toucy qui régnait sur la Puisaye et relevait, au même titre que Donzy et Saint-Verain, des évêques d’Auxerre. Son père, Ithier III était mort en Terre Sainte et sa mère était la fille du comte de Joigny. Son frère Narjot était le baron en titre, et son autre frère Hugues, Archevêque de Sens. Une famille puissante, établie dans cette baronnie vers l’an Mil par l’évêque Hugues de Chalon (cf. supra), un parent.

D’abord Archidiacre de Sens aux côtés de son frère, où il se fit remarquer par son soutien au pape contesté Alexandre III, puis Trésorier du chapitre d’Auxerre, Guillaume accéda à l’épiscopat en 1167. Il fut un prélat actif et prodigue, tant pour les monastères de son diocèse que pour sa cathédrale, dont il contribua beaucoup à l’embellissement. Il participa au Troisième Concile de Latran en 1179, et assista au sacre de Philippe-Auguste à Reims, la même année.

Il semble que la métairie de Bruère, qu’il avait acquise pour étendre les possessions du diocèse à Cosne, au voisinage de Villechaud, et se renforcer face aux comtes de Nevers, était assez vaste. Elle comprenait la propriété dite des Petites-Bruyères aujourd’hui, le domaine voisin des Grandes Bruyères, et le hameau des Etangs des Granges. On trouve un « Plan des Gâtines de Cosne » dans les archives du diocèse (AD 89, Diocèse d’Auxerre, Temporel, Domaines, G-1695-1 et 2), qui correspond à cet espace.

Bruère paraît avoir été conservé – et sans doute affermé – par le diocèse jusqu’à la Révolution, qui confisqua les « biens du clergé » et les fit vendre.

Louis Voille de Villarnou l’aurait racheté peu après. Il mourut « dans sa maison de campagne de Bruère », suivant les termes du registre d’Etat-Civil de Saint-Martin-sur-Nohain, après avoir été secrétaire à la Sous-Préfecture de Cosne, puis conseiller à la Cour de Bourges.

Nous serions bien sûr intéressés par toute information qui permettrait d’éclairer davantage l’histoire de ce site.

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Promenade au long de l’Accotin

(Illustration : carte postale, le confluent de l’Accotin et du Nohain à Suilly)

L’Accotin est une petite rivière chère à l’auteur de ces pages, qui en a épuisé consciencieusement la faune piscicole dans son enfance, passée précisément à son confluent avec le puissant Nohain, à l’ombre des saules pleureurs.

Long d’une dizaine de kilomètres, il prend sa source à Couthion dans la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, au fond d’un vallon niché entre les grandes forêts de Donzy et de Bellary. Il rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. A deux encablures de la source de l’Accotin, de l’autre côté de la colline se trouve celle de la Talvanne, qui contourne quant à elle le massif forestier par le nord et rejoint le Nohain à Donzy. Le débit de l’Accotin est modeste en été, mais cela n’a pas empêché les maîtres des territoires traversés de l’exploiter à fond pendant des siècles, en démultipliant et en régulant sa force modeste par des retenues et des chutes.

Nous vous proposons de descendre le cours de l’Accotin en faisant halte dans quelques sites marquants qu’il a unis au fil du temps, discret mais efficace axe de vie, comme nous l’avions fait pour sa grande sœur la Talvanne. Les liens vous permettront d’accéder à des informations détaillées sur chacun d’eux…

A Couthion la source est bien visible au creux du vallon où il démarre rapidement son parcours. Il est parfois appelé « l’Accotion ». Accotion, Couthion : c’est le même mot qui a donné son nom à un fief. Jean Coquille – de la famille du fameux jurisconsulte nivernais Guy Coquille est cité comme « sgr de l’Accotion » au XVème siècle. Il en aurait hérité des Guesdat, sgrs de Chailloy. Jehan Guesdat, son grand-père, maître des requêtes et procureur du duc, était le gendre du fameux Chancelier Leclerc, sgr de Luzarches et de Cours-les-Barres, du parti bourguignon. Couthion, Sainte-Colombe, Chailloy, Vergers, Suilly, étaient le cœur de la « Pôté de Suilly », cette structure féodale très ancienne dont la trace a longtemps survécu sous la forme « d’usages forestiers ».

La rivière traverse la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, en passant à quelque distance du village. Cet ancien fief très largement boisé et cette paroisse tiennent leur nom d’une martyre de Sens du IIIème siècle. Il était associé à Vergers et fut donc détenu par les sires d’Armes puis par les Chabannes, avant d’être cédé aux moines de Bellary au XVIIIème. Une petite église gothique éponyme (XIIIème-XVIème) donne son âme à ce minuscule village, à coté de laquelle un tilleul de Sully bien fatigué veille.

Sur un minuscule ruisseau en amont de Ste-Colombe le moulin de La Berlière était affermé par les moines de Bellary, comme en atteste un bail de 1786, que l’excellent site des « Cahiers du Val-de-Bargis » nous propose. Il était passé « ….moyenant trois boisseaux mouture valant seigle bien vannés, nettoyés et rendus conduits chacune semaine sur les greniers du dit Bellary ce qui fait pour chacun an cent cinquante-six ( ?) boisseaux et en outre la somme de soixante livres…. ».

Le site métallurgique de Champdoux en aval était soigneusement aménagé avec une retenue qui permettait d’optimiser le potentiel de la rivière, un haut-fourneau et une forge. C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordé par un vaste étang, avec un charmant gué que le marcheur peut aussi traverser à sec par un mince pont de pierre. Des traces importantes de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle, subsistent. Lié à l’Eminence et à Bailly (Donzy), Champdoux appartenait également au duc de Nevers. Le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler les potentialités de ce massif forestier et du sous-sol ferrugineux de la région à son maître Mazarin, acheteur du duché des Gonzague en 1681, au nom de qui furent fondées ces usines. Le hameau voisin de Ferrières, un nom répandu dans la région et pour cause, nous rappelle cette richesse passée.

Voici peu après au sud de la rivière le petit manoir de la Montoise, connu depuis le XIVème siècle. Des Bussy aux Lavenne, en passant par les familles de La Barre, et de Quinquet, ce fief n’a jamais été vendu de ses origines connues à la Révolution.

Après être entré dans la commune de Suilly-la-Tour, nous atteignons Chailloy, un site dont nous avons soigneusement étudié l’histoire. La belle maison Renaissance construite par la famille du théologien protestant Théodore de Bèze, est parfaitement conservée. Le site est connu comme un fief ancien – appelé parfois Chaillenoy – et comme une forge importante alimentée par une belle chute depuis la chaussée du grand étang. Sa dévolution a connu bien des avatars. Il a finalement été acquis avant la Révolution par les Chambrun-Mousseaux, maîtres de forges expérimentés en Berry et en Nivernais. Chailloy a aussi abrité la jeunesse orpheline d’un militant républicain socialiste attachant : Ferdinand Gambon (1820-1887), député de la Nièvre en 1848, condamné, puis retiré en Sancerrois – où se tint le fameux épisode de « la vache à Gambon » -, député de la Seine en 1871, communard, exilé, puis retiré à Cosne.

Notre rivière contourne enfin le village de Champcelée et le bourg de Suilly. Son cours est constellé de petits moulins au fil de l’eau, qui traitaient sur place la production céréalière du vaste plateau cultivé au sud en direction du Magny et de Garchy : le Gué de Félin, Suillyseau, Le Foulon, Presle.

Les eaux un peu troubles de l’Accotin se mêlent alors en nuage flottant au courant vif et clair du Nohain, vite barré par un nouveau moulin, au long des prairies du domaine des Granges.

La rivière et ses abords sont bien paisibles aujourd’hui et on peine à imaginer qu’elle fut l’artère d’activités fébriles. Les roues se sont arrêtées il y a bien longtemps, le bruit des martinets a cessé, plus aucun charroi ne va et ne vient de toutes ces ruches, et l’eau reste claire dans les lavoirs désertés.

 

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