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Promenade au long de l’Accotin

(Illustration : carte postale, le confluent de l’Accotin et du Nohain à Suilly)

L’Accotin est une petite rivière chère à l’auteur de ces pages, qui en a épuisé consciencieusement la faune piscicole dans son enfance, passée précisément à son confluent avec le puissant Nohain, à l’ombre des saules pleureurs.

Long d’une dizaine de kilomètres, il prend sa source à Couthion dans la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, au fond d’un vallon niché entre les grandes forêts de Donzy et de Bellary. Il rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. A deux encablures de la source de l’Accotin, de l’autre côté de la colline se trouve celle de la Talvanne, qui contourne quant à elle le massif forestier par le nord et rejoint le Nohain à Donzy. Le débit de l’Accotin est modeste en été, mais cela n’a pas empêché les maîtres des territoires traversés de l’exploiter à fond pendant des siècles, en démultipliant et en régulant sa force modeste par des retenues et des chutes.

Nous vous proposons de descendre le cours de l’Accotin en faisant halte dans quelques sites marquants qu’il a unis au fil du temps, discret mais efficace axe de vie, comme nous l’avions fait pour sa grande sœur la Talvanne. Les liens vous permettront d’accéder à des informations détaillées sur chacun d’eux…

A Couthion la source est bien visible au creux du vallon où il démarre rapidement son parcours. Il est parfois appelé « l’Accotion ». Accotion, Couthion : c’est le même mot qui a donné son nom à un fief. Jean Coquille – de la famille du fameux jurisconsulte nivernais Guy Coquille est cité comme « sgr de l’Accotion » au XVème siècle. Il en aurait hérité des Guesdat, sgrs de Chailloy. Jehan Guesdat, son grand-père, maître des requêtes et procureur du duc, était le gendre du fameux Chancelier Leclerc, sgr de Luzarches et de Cours-les-Barres, du parti bourguignon. Couthion, Sainte-Colombe, Chailloy, Vergers, Suilly, étaient le cœur de la « Pôté de Suilly », cette structure féodale très ancienne dont la trace a longtemps survécu sous la forme « d’usages forestiers ».

La rivière traverse la commune de Sainte-Colombe-des-Bois, en passant à quelque distance du village. Cet ancien fief très largement boisé et cette paroisse tiennent leur nom d’une martyre de Sens du IIIème siècle. Il était associé à Vergers et fut donc détenu par les sires d’Armes puis par les Chabannes, avant d’être cédé aux moines de Bellary au XVIIIème. Une petite église gothique éponyme (XIIIème-XVIème) donne son âme à ce minuscule village, à coté de laquelle un tilleul de Sully bien fatigué veille.

Sur un minuscule ruisseau en amont de Ste-Colombe le moulin de La Berlière était affermé par les moines de Bellary, comme en atteste un bail de 1786, que l’excellent site des « Cahiers du Val-de-Bargis » nous propose. Il était passé « ….moyenant trois boisseaux mouture valant seigle bien vannés, nettoyés et rendus conduits chacune semaine sur les greniers du dit Bellary ce qui fait pour chacun an cent cinquante-six ( ?) boisseaux et en outre la somme de soixante livres…. ».

Le site métallurgique de Champdoux en aval était soigneusement aménagé avec une retenue qui permettait d’optimiser le potentiel de la rivière, un haut-fourneau et une forge. C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordé par un vaste étang, avec un charmant gué que le marcheur peut aussi traverser à sec par un mince pont de pierre. Des traces importantes de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle, subsistent. Lié à l’Eminence et à Bailly (Donzy), Champdoux appartenait également au duc de Nevers. Le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler les potentialités de ce massif forestier et du sous-sol ferrugineux de la région à son maître Mazarin, acheteur du duché des Gonzague en 1681, au nom de qui furent fondées ces usines. Le hameau voisin de Ferrières, un nom répandu dans la région et pour cause, nous rappelle cette richesse passée.

Voici peu après au sud de la rivière le petit manoir de la Montoise, connu depuis le XIVème siècle. Des Bussy aux Lavenne, en passant par les familles de La Barre, et de Quinquet, ce fief n’a jamais été vendu de ses origines connues à la Révolution.

Après être entré dans la commune de Suilly-la-Tour, nous atteignons Chailloy, un site dont nous avons soigneusement étudié l’histoire. La belle maison Renaissance construite par la famille du théologien protestant Théodore de Bèze, est parfaitement conservée. Le site est connu comme un fief ancien – appelé parfois Chaillenoy – et comme une forge importante alimentée par une belle chute depuis la chaussée du grand étang. Sa dévolution a connu bien des avatars. Il a finalement été acquis avant la Révolution par les Chambrun-Mousseaux, maîtres de forges expérimentés en Berry et en Nivernais. Chailloy a aussi abrité la jeunesse orpheline d’un militant républicain socialiste attachant : Ferdinand Gambon (1820-1887), député de la Nièvre en 1848, condamné, puis retiré en Sancerrois – où se tint le fameux épisode de « la vache à Gambon » -, député de la Seine en 1871, communard, exilé, puis retiré à Cosne.

Notre rivière contourne enfin le village de Champcelée et le bourg de Suilly. Son cours est constellé de petits moulins au fil de l’eau, qui traitaient sur place la production céréalière du vaste plateau cultivé au sud en direction du Magny et de Garchy : le Gué de Félin, Suillyseau, Le Foulon, Presle.

Les eaux un peu troubles de l’Accotin se mêlent alors en nuage flottant au courant vif et clair du Nohain, vite barré par un nouveau moulin, au long des prairies du domaine des Granges.

La rivière et ses abords sont bien paisibles aujourd’hui et on peine à imaginer qu’elle fut l’artère d’activités fébriles. Les roues se sont arrêtées il y a bien longtemps, le bruit des martinets a cessé, plus aucun charroi ne va et ne vient de toutes ces ruches, et l’eau reste claire dans les lavoirs désertés.

 

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Des fiefs du Prieuré de La Charité proches du Donziais

Nous avons déjà évoqué le statut et de l’emprise géographique du grand prieuré clunisien de La Charité-sur-Loire en répondant – négativement – à la question de son appartenance au Donziais. Nous avons à cette occasion proposé une étude sur la succession des prieurs de La Charité, de la pureté bénédictine d’origine à la dérive scandaleuse du système commendataire : Prieurs de La Charité

Nous avons abordé des éléments de son patrimoine en étudiant la dévolution des seigneuries de Pouilly, du Nozet, de Saint-Andelain, qui en relevaient tout en appartenant à la châtellenie de Donzy. Ces fiefs le mettaient au contact des terres de l’antique Abbaye de Saint-Laurent, près de Cosne, de filiation poitevine.

Nous nous proposons ici d’enrichir ce tour d’horizon en évoquant d’autres biens du prieuré qui devinrent de véritables seigneuries laïques.

Aux confins occidentaux et méridionaux de la baronnie de Donzy, le prieuré contrôlait un vaste territoire en demi-cercle limité à l’ouest par la Loire, encore qu’il possédât quelques terres en Berry, dont Beffes et Argenvières. Le cœur en était la grande Forêt des Bertranges qui leur fut donnée en 1121 avec Narcy, par Hugues de Thil, seigneur de Champlemy, pour satisfaire le voeu exprimé par sa femme Ermengarde sur son lit de mort. Elle couvre aujourd’hui près de 10.000 hectares sous le statut domanial hérité de la Révolution. Des chênes centenaires ont fait sa réputation et elle est traversée par un filon de minerai de fer qui approvisionnait de nombreuses forges actionnées par la force du Nohain, du Mazou et de la Nièvre.

Les comtes de Nevers avaient établi leur châtellenie à La Marche, aux portes de La Charité, dont les seigneurs primitifs avaient participé à la fondation du monastère, avant de lui chercher querelle au XIIème siècle. Elle englobait La Charité (St-Pierre et St-Jacques) et toutes les paroisses autour : Mesves, Bulcy, Varennes-les-Narcy, Narcy, Raveau, Murlin, Champvoux, Munot, Chaulgnes et Tronsanges.

Dans cette châtellenie, en restant au contact du Donziais, nous avons déjà exploré l’histoire de Passy, à Varennes-les-Narcy, dont les ruines romantiques nous rappellent le souvenir de la Guerre de Cent ans, et celle de Bulcy, avec sa galerie Renaissance qui atténue l’austérité médiévale.

Ajoutons ici des études plus ou moins détaillées en fonction des sources disponibles et qui devront donc être complétées, sur plusieurs autres sites relevant du monastère, proches du Donziais géographiquement et par leur dévolution au fil des siècles.

En cliquant sur les liens ci-dessous vous accéderez aux notices correspondantes.

Merci de vos observations et suggestions pour améliorer ces travaux.

 

 

 

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Chanceliers de France

(Illustration : portrait de Pierre Séguier, Chancelier)

Le Chancelier de France, Garde des Sceaux, fut longtemps le bras droit du roi pour l’administration du pays. L’étendue de ses compétences et l’importance de son rôle, en font l’ancêtre du Premier Ministre actuel plutôt que celui du seul ministre de la Justice.

Plusieurs personnalités liées directement ou indirectement au Donziais ont exercé cette charge. Nous avons déjà rencontré l’un d’eux : Guillaume Jouvenel des Ursins, seigneur de la Motte-Josserand et autres lieux. Nous voulons évoquer ici sept autres titulaires de cette haute fonction, que nous présentons dans l’ordre chronologique.

Sous Philippe Le Bel, au début du XIVème siècle, on trouve successivement comme chanceliers trois évêques d’Auxerre, ce qui confirme l’importance de ce siège épiscopal dont notre baronnie relevait féodalement.

Pierre de Mornay, chanoine puis évêque d’Orléans en 1288, et d’Auxerre en 1295, fut nommé Chancelier en 1304. Il exerça cette fonction en même temps que sa charge épiscopale, jusqu’à sa mort en 1306. Il appartenait à une famille chevaleresque de l’Orléanais implantée ensuite en Donziais : voir notamment les notices concernant Boisjardin, et les Barres à Sainpuits. Il eut un rôle politique important au service du roi dans son conflit avec les papes successifs.

Pierre de Grez, chanoine de Chartres puis chantre à Paris, lui succéda comme Chancelier et fut nommé évêque d’Auxerre en 1308. Son père : Jean de Corbeil, apparenté au puissant Enguerrand de Marigny, était maréchal de France. Pierre avait la réputation d’être un habile canoniste. Sa famille, très présente à la cour et à la guerre, comptait à cette  époque plusieurs prélats.

                                         

Auxerre, l’ancien évêché

Pierre de Belleperche, lui aussi chanoine de Chartres, puis doyen à Paris, lui succéda et fut nommé évêque d’Auxerre la même année par le pape français Clément V. Il était issu d’une famille de chevaliers du Bourbonnais, les Breschard, né vers 1280 au château de Villars. Erudit en droit – ce qui est indiqué pour un Garde des Sceaux – professeur à Orléans, on l’appelait le « roi des Légistes ».

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La Guerre de Cent Ans ayant bouleversé la vie du royaume et divisé ses élites, l’un de nos chanceliers crut devoir servir « Henri VI, roi de France et d’Angleterre ».

Jean Le Clerc, nommé en 1420, était un laïc issu d’une famille de la bourgeoisie judiciaire anoblie. C’était un nivernais dont nous avons rencontré la famille beaucoup plus tard en plusieurs sites, notamment dans la région d’Entrains : Château-du-Bois, Miniers. Nous avons proposé une généalogie de cette branche (voir : Notices familiales), et Dugenne consacre plusieurs pages de son dictionnaire à cette lignée prolifique très présente en Auxerrois.

Né vers 1360, il était fils d’un autre Jean, secrétaire et notaire des rois Jean II le Bon et Charles V, devenu procureur général et conseiller du duc Philippe le Hardi. Des généalogistes, dont Villenaut et Dugenne, le disent « seigneur de Saint-Sauveur-en-Puisaye ». Cela paraît improbable s’agissant d’un château comtal et d’une châtellenie rattachée à la baronnie de Donzy, qui ne fut cédée par Henriette de Clèves, duchesse de Nevers, à un seigneur particulier qu’au début du XVIIème siècle. Sans doute en était-il plutôt le gardien pour les comtes de Nevers de la Maison de Bourgogne, en qualité de « châtelain », ou peut-être « engagiste » c’est-à-dire prêteur du comte.

Quoiqu’il en soit son fils Jean II eut une très belle carrière : conseiller au Parlement, maître des requêtes, ambassadeur auprès du roi d’Angleterre, Premier Président, il accéda à la fonction de Chancelier en 1420, nommé par la reine Isabeau de Bavière. Il exerça la fonction pendant quatre ans dans une période-clef pour le pays, mais paraît avoir constamment adopté une position favorable au camp anglo-bourguignon, répondant aux attentes duc de Bedford, régent. C’est ainsi qu’étant « président du conseil royal » es-qualité après la mort de Charles VI, il proposa expressément de reconnaître Henri VI comme roi de France.

A l’avènement du dauphin Charles il se retira à Nevers, dans son hôtel de la rue des Ardillers – passé ensuite aux Brisson et aux La Chasseigne que nous connaissons – où il mourut en 1438. Il fut inhumé au Prieuré clunisien Saint-Etienne, dont la magnifique église romane subsiste.

                                           

Nevers, église Saint-Etienne

Jean Le Clerc avait acquis de grands biens, dont La Motte de Luzarches, en Ile-de-France, et la baronnie de Cours-les-Barres, relevant des évêques de Nevers. Il avait d’abord épousé Agnès Le Muet, fille d’Hugues, Bailli de Donzy, sgr de Nanvignes, dont il eut une postérité brillamment installée en Nivernais et en Auxerrois. Son fils Jean III fut la souche des Leclerc de Fleurigny, au diocèse de Sens, qui s’éteignirent au XIXème siècle. Le chancelier n’eut pas de descendance de ses deux autres femmes : Catherine Apaupée, et Isabeau de Beauvais, qui lui apporta les terres de Ferrières-Saint-Hilaire en Normandie (souche des Ferrers anglais), la Forêt-le-Roi près d’Etampes, et le titre de châtelain de Beauvais. Un destin remarquable mais à tout le moins ambigu.

 En 1445 Charles VII trouva en Guillaume Jouvenel des Ursins (cf. supra) un grand serviteur. Il l’avait adoubé chevalier lors de son sacre car il avait été le grand argentier de ses guerres. Après une éclipse Louis XI fit à nouveau appel à lui comme Chancelier en 1466.

Avançons maintenant de deux siècles pour évoquer le principal Chancelier de Louis XIII, le fameux Pierre Séguier, que nous avons mentionné en étudiant la dévolution du comté de Gien, une possession des premiers barons de Donzy. Il était issu d’une famille de parlementaires originaires du Bourbonnais. Il eut une carrière brillante et acquit suivant l’usage de grands biens : Autry, en Berry, Saint-Liébaut et Villemaur en Champagne, érigés pour lui en duché, et Gien. Nommé chancelier en 1635, il exerça la fonction par intermittence jusqu’à sa mort en 1672. Effacé par les personnalités de Richelieu et de Mazarin, il n’en joua pas moins un rôle important à la tête de la Justice et pour la mise en place de l’administration centralisée qui caractérise notre pays. Tenté par la Fronde mais redevenu fidèle au roi, il fut finalement évincé par Colbert.

Le poste le plus élevé de la hiérarchie judiciaire ne pouvait échapper à nos Lamoignon, puissamment établis dans les plus grands emplois parlementaires dès le début du XVIIème siècle. Voyez l’article dans lequel nous évoquons leur lien ambigu avec Donzy : Un fief Lamoignon….

Mais il nous faut attendre le règne de Louis XV pour que l’un d’eux devienne Chancelier (1750) : Guillaume de Lamoignon-Blancmesnil (1683-1772). Président à mortier puis Président de la Cour des Aides, cet éminent juriste a laissé le souvenir d’un esprit cultivé et d’un magistrat pieux et fidèle au roi. N’ayant pas l’heur de plaire à Mme de Pompadour il lui fallut démissionner en 1768. Il était le père de Malesherbes qui périt avec toute sa famille sur l’échafaud après avoir courageusement défendu le roi.

Son neveu Chrétien François de LamoignonBasville (1735-1789) fut nommé Chancelier et Garde des Sceaux en 1787. Esprit éclairé, petit-fils du grand financier Samuel Bernard, il anima la résistance du Parlement contre la réforme de Maupeou. Sensible aux idées des Lumières et attentif à l’Indépendance américaine il fut notamment à l’origine de l’Edit de Tolérance de Versailles (1788) envers les réformés. Il mourut quelques jours après l’ouverture des Etats Généraux. Nul doute que si de tels conseillers avaient été écoutés et entendus l’Histoire eut pris un tour différent. Il eut de nombreux enfants, tous alliés à des familles de la Grande Robe.

Basville eut trois rapides successeurs jusqu’en 1790, dont le frère de Jean-Baptiste Champion de Cicé, dernier titulaire de l’ancien diocèse d’Auxerre.

La Révolution abolit la fonction de chancelier ; Napoléon la reprit avec emphase en la dédoublant, pour Cambacérès, Archichancelier de l’Empire , et pour Eugène de Beauharnais, Archichancelier de l’Etat ; la Restauration la rétablit et Pasquier fut le dernier Chancelier de France sous Louis-Philippe. Depuis, le Garde des Sceaux est le ministre de la Justice.

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Un ouvrage contemporain de référence : le dictionnaire de Dugenne

Nous citons souvent dans nos articles le « Dictionnaire biographique, généalogique et historique du département de l’Yonne » de Paul-Camille Dugenne (6 tomes, édité par la Société Généalogique de l’Yonne, 1996).

                   

C’est un ouvrage de référence pour l’ancien Donziais dans la mesure où l’ancienne baronnie relevait de l’évêque d’Auxerre ; du fait qu’une partie en a été attribuée au département de l’Yonne à sa création (châtellenies de Saint-Sauveur, Druyes-les-Belles-Fontaines et Chatel-Censoir) ; et en raison des liens d’affaires et familiaux nombreux avec le siège épiscopal et le bailliage royal. On les mesure en particulier par l’implication continue des familles seigneuriales du Donziais dans les charges publiques et ecclésiastiques auxerroises.

L’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité mais comprend plus de treize mille biographies et généalogies, présentées par ordre alphabétique. Il présente ainsi de façon parfois très détaillée des familles seigneuriales qui nous sont devenues familières (La Rivière, Le Clerc, Le Muet, Vathaire de Guerchy, Pietresson de Saint-Aubin…etc.). Il nous a souvent aidés à reconstituer des filiations. Il n’est pas infaillible, notamment sur des points de détail concernant le département de la Nièvre, mais c’est un outil indispensable.

Nous vous le recommandons donc. On peut le consulter en bibliothèque et se le procurer assez aisément d’occasion dans les librairies spécialisées.

 

Bonne lecture !

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Pilles à Couloutre, et Roger de Piles…

(Illustration : le lavoir de Varzy, sur la Sainte-Eugénie)

Sur la rive droite du Nohain à Couloutre, le hameau de Pilles est un ancien fief. On le trouve cité chez les sires de La Rivière – dont il devait être un arrière-fief – au XVIème siècle : n’aperçoit-on pas les tours de leur château sur la hauteur ?

Ainsi Charlotte de La Rivière (°v.1535), « dame de Pilles », fille de Jean, sgr de Champlemy et de Seignelay, et d’Isabeau de Dinteville ; ou plus tard Hubert de La Rivière (+1615), sgr de Champlemy, vcte de Tonnerre et sgr de Pilles, qui réunit par son mariage deux branches de la famille, puis son fils Claude, baron de La Rivière (+1661). On peut supposer que Pilles resta ensuite associé au fief principal et passa aux Choiseul-Chevigny en 1665 par le mariage de Paule de La Rivière, ultime représentante de cette grande famille (voir : La Rivière, source d’une grande famille).

Pourtant ce hameau où ne subsiste pas de trace castrale, hormis un domaine qui paraît ancien au centre du village, est supposé avoir donné son nom à la famille de Roger de Piles (1636-1709), diplomate du roi Louis XIV, peintre et théoricien de l’art, dont les ancêtres habitaient notre région et y avaient exercé différentes charges.

Des généalogies complètes ont été données par Léon Mirot (Généalogie de la famille de Piles), ainsi que par Dugenne dans son dictionnaire biographique de l’Yonne. Elles ne la relient pas au fief éponyme, qu’on suppose simplement être leur origine eu égard à leur présence dans le voisinage dès le XVème siècle. Les sources font actuellement défaut pour approfondir la question.

La famille détenait des terres dans la région de Varzy : Champsimon, Bazarnes, et Chivres, à Courcelles, peut-être par une alliance. Le nom de Champsimon a disparu, fondu sans doute dans Chivres ou transformé en Chaumont (le nom d’un moulin). Ces fiefs relevaient de la châtellenie de Montenoison selon l’Inventaire des Titres de Nevers, c’est-à-dire de cette partie méridionale de l’ancien diocèse d’Auxerre qui n’appartenait pas à la baronnie de Donzy. Certains auteurs les rattachent au contraire à celle de Billy-sur-Oisy, fusionnée avec Corvol-l’Orgueilleux. On trouve aussi les Piles possessionnés en Avallonais et à Saulieu, sans doute par des alliances.

Nous les avons rencontrés en étudiant la dévolution de Bazarnes, avec son beau château reconstruit au XVIIIème siècle au bord de la rivière Sainte-Eugénie qui court  vers le Sauzay et  Clamecy.

La filiation est établie depuis Pierre de Piles (+1453), qui demeurait à Entrains. La famille appartenait à la bourgeoisie urbaine et ses membres étaient échevins de Clamecy ou de Saulieu.

Plusieurs d’entre eux ont exercé des charges ecclésiastiques locales ou parisiennes. Ainsi Pierre de Piles, qui étudia à Paris, devint Chanoine de Saulieu et d’Auxerre, chantre de la collégiale Saint-Martin de Clamecy – où il accueillit le roi François Ier en 1530 -. Il fut également Trésorier du chapitre de Varzy, et curé de Treigny (1520-1534) dont il embellit considérablement l’église – surnommée la « cathédrale de la Puisaye » – en faisant reconstruire le choeur. On peut y voir ses armes, comme sur sa pierre tumulaire avec son effigie gravée en la cathédrale d’Auxerre : « d’azur à la fasce d’argent, accompagnée de deux roses d’or… ».

Son petit-neveu Jean de Piles (+1607), fut chanoine de Paris, vicaire général de Reims sous l’archevêque Louis de Lorraine. Profitant de l’influence des Lorrains il fut gratifé de plusieurs bénéfices : doyen de Carrenac en Quercy, prieur de Lurcy et de Plessis-les-Moines, abbé d’Orbais en Normandie (1580). Il fut Secrétaire de la chambre du roi Henri III, Aumônier de la Reine Louise, et Député du clergé aux Etats-Généraux de 1593. Partisan des Guise et adversaire acharné des huguenots, il joua un rôle diplomatique important au service de la Ligue, qui l’envoya comme émissaire à Rome à plusieurs reprises avant 1600, où il plaida contre l’absolution du Roi après sa conversion.

Dans le contexte de la réconciliation, marqué par ses combats perdus il opta pour l’oubli, ce qui permit sans doute l’anoblissement de son frère Jacques (1542-1607), sgr de Champsimon, échevin d’Avallon et Président de l’Election de Clamecy, qui avait contribué à la pacification du Nivernais aux côtés des Gonzague. Sa plaque tumulaire dans la cathédrale Notre-Dame de Paris a été reproduite dans la collection Gaignères.

Un peu plus tôt, un certain Pierre de Piles de Villemur, lui aussi chanoine de Paris, ancien précepteur du duc de Guise, avait été également très engagé contre les huguenots. Il demeurait au cloître Saint-Germain-l’Auxerrois, avait accueilli chez lui les assassins de l’amiral de Coligny avant leur forfait (1572), et les avait aidés arme à la main. Mais ce nom de Villemur interroge : appartenait-il à cette lignée nivernaise ou à celle des Villemur de Paillès, d’où la confusion ?

Revenons enfin à Roger de Piles, dernier de cette famille et le plus connu.

                                                                 

Né en 1636 à Clamecy, où son père, Adrien, sgr de Courteilles, un autre petit fief de la paroisse de Courcelles (fils de Jacques ci-dessus) était Contrôleur du Grenier à Sel, il eut pour parrain le duc de Bellegarde, Grand Ecuyer de France, en exil à Entrains. Il étudia la philosophie, la théologie et surtout la peinture. Il fut précepteur de Michel Amelot, marquis de Gournay, qui l’emmena ensuite dans ses ambassades où il fit merveille. Envoyé en mission secrète au Pays-Bas par Louvois, il y fut arrêté et ne retrouva la liberté qu’en 1698, après la Paix de Ryswick. Il avait approfondi ses connaissances artistiques au cours de ses voyages et fut dès lors connu comme peintre, notamment portraitiste. Mais il fut surtout un théoricien de l’art et participa aux débats de son temps, défendant les « coloristes » et inventant l’expression « clair-obscur ». Membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, admirateur de Rubens, il publia plusieurs ouvrages sur la vie des peintres et un cours de peinture. Il mourut en 1709 et fut inhumé à Saint-Sulpice.

Reste à éclaircir le mystère de leur nom, que les historiens du Nivernais attribue au hameau de Couloutre. Merci de vos contributions à ce sujet !

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