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« Marchands de bois pour la fourniture de Paris »

Alors que dans la vallée du Nohain, au cœur de la baronnie de Donzy, l’essor des moulins à forge avait profondément bouleversé l’économie rurale, dans celle de l’Yonne – dont l’ancien Donziais incluait un tronçon autour de Chatel-Censoir, ainsi que le cours du Sauzay jusqu’aux portes de Clamecy – la fourniture du bois de chauffage pour la capitale joua ce même rôle à partir du XVIème siècle.

Initié à Moulins-Engilbert et à Clamecy par Rouvet et Sallonyer, le flottage des bois du Morvan depuis la Cure, l’Yonne et leurs affluents,  jusqu’au port de la Tournelle à Paris via la Seine, connut un développement exceptionnel qui perdura jusqu’au début du XXème siècle. Chatel-Censoir, comme Coulanges, Mailly-la-Ville ou encore Vermenton, en était une étape importante. C’est aux pieds de la vieille cité que le système des « trains de bois » fut expérimenté, qui remplaça avantageusement les bateaux dont les opérations de chargement et de déchargement alourdissaient le prix des bûches vendues à Paris.

« Aujour d’huy est venu au Bureau de la Ville maistre Charles Leconte, maistre des œuvres de charpenterie de l’Hostel de ceste ville de Paris, lequel nous a dict et remonstré avoir fait charroyer d’une vente de boys par luy prinse de Madame la duchesse de Nevers, les boys des Garammes près Chasteau-Sans-Souef (NDLR : Chatel-Censoir), pays de Nivernoys, grande quantité de bois de chauffage dont à présent il en a faict admener du port du dict Chasteau-Sans-Souef, sur la petite rivière d’Yonne, tant par la dicte petite rivière d’Yonne, la grande rivière d’Yonne et rivière de Seyne, à flotte, liez et garottez, la quantité de trois grans quarterons de mosle au compte du boys, et arrivez ce jour d’hier en ceste ville de Paris, au port des Célestins, pour l’expérimentation et première foys qu’il ayt esté admene boys de chauffage en flotte du pays d’amont, et affin d’en faire admener cy-après, en la dite sorte à ses dangers, despens, périls et fortunes. » (Procès-verbal du bureau de la Ville de Paris, 21 avril 1547)

A l’instar de la forge, cette activité donna du travail à des milliers d’hommes, parfois très jeunes – un travail difficile et dangereux, notamment sur les trains de bois – et fut très lucrative pour des dynasties marchandes industrieuses. Ces familles ne manquèrent pas, la fortune venue, de se doter d’assises foncières, ajoutant des noms de terres à leurs patronymes et permettant à leurs enfants d’accéder à des charges civiles ou militaires. Comme les maîtres de forges, ils furent les nouveaux « seigneurs » de la contrée. Ils passèrent généralement sans dommage au travers de la tourmente révolutionnaire, qui ne les visait pas et n’interrompit pas leur industrie.

Chatel-Censoir était le centre d’affaires de plusieurs d’entre elles qui y ont laissé des traces. On y trouve notamment, au cœur du bourg, la Maison de Vaulabelle et la Maison Gandouard. Sur les coteaux alentours dominant les méandres de l’Yonne, et dans de petites vallées, se trouvent les domaines dont ils prirent les noms pour distinguer leurs différentes branches et afficher leur nouveau statut.

Vaux-la-Belle, transformé en Vaulabelle, est l’un d’eux, aujourd’hui abandonné en haut d’un vallon, au contact du Vézelien. Ce joli nom a même accédé à la notoriété nationale, par le truchement d’Achille Tenaille de Vaulabelle (1799-1879), député de l’Yonne et éphémère ministre de l’Instruction Publique du gouvernement républicain de Cavaignac, en 1848. Il appartenait à l’une des branches de la dynastie Tenaille, « marchands de bois pour la fourniture de Paris » dès le XVIIème siècle, à Chatel-Censoir et Mailly-la-Ville. Son frère Eléonore Tenaille de Vaulabelle (1801-1859) fut quant à lui un littérateur d’un certain renom en son temps, malgré une discrétion soigneusement cultivée. D’autres membres de cette famille occupèrent des fonctions importantes à Paris et ailleurs.

Le nom de Vaulabelle a été donné à sa maison natale à Chatel-Censoir, construite en 1742, dont l’allure seigneuriale témoigne de la position acquise par les Tenaille dans la région.


La maison de Vaulabelle

Nous avons déjà rencontré d’autres branches de cette famille à la Roussille et à Saint-Cyr près d’Entrains, ainsi qu’à Bazarnes en amont de Clamecy, au XVIIIème siècle. Une généalogie complète des Tenaille a été donnée par un ouvrage consacré  à « La famille d’Achille Tenaille de Vaulabelle » (par F. Berthier de Grandry, chez l’auteur). On y trouve mentionnées leurs nombreuses possessions, dont certaines ont complètement disparu.

La Maison Gandouard, appelée parfois « le château » localement, est un élégant hôtel particulier de style Directoire construit au cœur du bourg par un membre de cette famille : Jean Baptiste Gandouard de Montauré (1742-1813), maire de la ville. Elle illustre le statut social de cette autre dynastie de marchands de bois, connue depuis un certain Romulus, originaire de Sens, installé à Clamecy. Son fils François est cité comme « Lieutenant criminel et civil de la châtellenie de Chatel-Censoir » vers 1650 ; une charge dans laquelle son fils Godefroy lui a succédé.

La maison Gandouard

Les Gandouard se sont alliés à des familles de marchands de bois établies à Chatel-Censoir : les Robineau, venus de Paris, ou les Pirethouy, notables connus localement depuis le XVIème siècle. Ils en ont hérité de biens dans la région ou en ont acquis d’autres : Montauré, Saint-Marc, ou encore Magny, dont ils ont pris le nom.

On pourrait citer bien d’autres exemples de réussites autour de ce commerce lucratif, qui s’ajoutent à ceux de leurs homologues de Clamecy et de Moulins-Engilbert. Des forêts du Morvan à Paris, les cours des ruisseaux, des rivières et du fleuve se sont animés pendant 400 ans de cette activité audacieuse et prolifique, avant qu’elle ne soit supplantée par l’essor du charbon, comme la forge artisanale l’a été par la grande métallurgie.

Voyez des informations précises sur le flottage et de belles illustrations de ce passé glorieux sur des sites spécialisés comme :

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« Seigneurs de Chatel-Censoir » ?

(Illustration : armes des sires de Mont-Saint-Jean)

Un habitué de ce site féru de généalogie médiévale bourguignonne a relevé l’existence de « seigneurs de Chatel-Censoir » dont nous n’avons pas parlé. Il s’interroge sur leur statut alors que cette cité était le siège d’une châtellenie de la baronnie de Donzy.

Nous avons évoqué Chatel-Censoir dans un court article. C’était une terre patrimoniale des Chalon-Vergy à l’instar de Donzy, dont elle a partagé le destin. La petite cité d’origine gallo-romaine au bord de l’Yonne, dominée par les restes d’une forteresse, était effectivement à la tête d’une châtellenie. L’Inventaire des Titres de Nevers nous en donne l’étendue, relativement modeste ; elle incluait outre Chatel-Censoir : les paroisses de Lucy, Lichères, Crain, et Surgy. Le contrôle de ce château fut disputé aux barons par les comtes de Nevers au XIIème siècle, comme Cosne et Châteauneuf. La rivalité ne cessa que lorsque les deux dynasties s’unirent. Ils y nommaient des châtelains, comme les Wibert, les Ascelin, des seigneurs possessionnés dans la vallée de l’Yonne, ou encore les sires de La Rivière.

Mais il y eut en effet aussi des seigneurs particuliers de Chatel-Censoir. La question posée par notre ami nous donne donc l’occasion d’approfondir ce point en étudiant la dévolution de ce titre et des droits qui y étaient associés.

Nous avons déjà rencontré de tels fiefs distincts de la châtellenie à Druyes ou à Saint-Sauveur, sites de statut comtal, mais de façon plus tardive. Le cas de Chatel-Censoir quant à lui nous fait remonter aux origines.

Le château – castrum censurii – était à l’origine celui de la famille de l’évêque gallo-romain Censure (472-502), dont il fit don à son Eglise avec la contrée qui l’entourait, comme l’avait fait avant lui le grand Saint Germain, dont il était le troisième successeur. L’abbé Lebeuf nous indique qu’il était contemporain de Sidoine Apollinaire et qu’il fut inhumé en 502 dans la crypte de l’abbaye auxerroise. Mais il n’en sait pas plus que ce qu’en dit sa très courte notice dans la Geste des Evêques d’Auxerre, sauf qu’il siégea pendant 38 ans.

Le château fut repris au IXème siècle par les Chalon-Vergy maîtres de la région, dans un contexte d’usurpation violente de biens d’Eglise. Il fut détruit dès le début du XIème siècle lors des guerres d’où sortit l’organisation territoriale définitive entre Auxerre, Donzy et Nevers, ou au XIIème siècle par le comte de Nevers Guillaume III. Les pouvoirs de commandement territorial et de justice qui y étaient associés, restèrent constamment aux mains des barons de Donzy puis des comtes de Nevers, qui les déléguaient à leurs chatelains et baillis.

Les comtes de Chalon détenaient également Entrains, Donzy et Cosne, soit cette longue bande de l’Yonne à la Loire qui constitua la baronnie de Donzy, au sud de la Puisaye et au nord du comté de Nevers. Ces terres furent placées sous la suzeraineté temporelle de l’évêque d’Auxerre après les guerres de l’An Mil, même si Chatel-Censoir, comme Avallon et Vézelay, appartenait sur le plan de l’organisation religieuse au diocèse d’Autun.

A partir de cette structuration historique, des droits féodaux particuliers sur Chatel-Censoir et ses environs, constituant un fief autonome sous la suzeraineté de l’évêque, en furent détachés par un partage ou la constitution d’une dot. Ils passèrent donc par une fille de Geoffroy de Semur, premier baron de Donzy, dans différentes familles bourguignonnes, principalement les comtes de Charny de l’antique maison de Mont-Saint-Jean (XIIIème-XIVème), qui portaient : « de gueules à trois écussons d’or posés 2 et 1 ».

Cette succession s’acheva avec Pierre de Bauffremont, comte de Charny, Maréchal de Bourgogne (1397-1472), chevalier de la Toison d’or, qui échangea ses droits sur Chatel-Censoir avec Jean de Ferrières, dont nous connaissons la famille qui tenait son nom d’un fief de la châtellenie de Druyes : Ferrières. Il était l’aïeul du fameux Jean de Ferrières, Vidâme de Chartres, compagnon d’armes du Prince de Condé réfugié en Angleterre après la défaite de Jarnac.

Divers éléments qui composaient ce fief à l’origine, à Chatel-Censoir même et dans les paroisses alentour, dont la Grange de Lichères et surtout Faulin, dont nous avons étudié l’histoire, en avaient été détachés au fil du temps, rachetés ou repris par le comte de Nevers ou des seigneurs locaux. A la fin du XVème siècle, lors du dernier hommage répertorié à l’évêque d’Auxerre (1484), cette seigneurie était réduite à peu de choses. Elle n’a plus laissé de trace ensuite, sans doute parce-que ses différentes composantes ont été dispersées.

Nous avons tenté dans la notice ci-dessous de reconstituer la dévolution du fief de Chatel-Censoir, grâce à l’apport décisif des « Recherches sur l’Histoire de Chatel-Censoir » proposées par le « Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne » (1880).

Nous sommes évidemment preneurs d’informations complémentaires qui permettraient de mieux comprendre ce cas particulier et de repérer la dévolution de ce fief à partir de la fin du XVème siècle.

Seigneurie de Chatel-Censoir (V1 du 7 avril 2023)

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Une Puisaye donziaise ?

(Illustration : le château de Ratilly à Treigny, 89)

Un correspondant s’étonne que nous parlions ici ou là de la « Puisaye donziaise ». Ce sont pour lui deux régions contigües mais distinctes. Elles le sont en effet, mais elles ont aussi été entremêlées.

Rappelons d’abord que ces deux ensembles territoriaux sont de nature différente. La baronnie de Donzy est un objet institutionnel et historique ; une structure féodale sans véritable unité naturelle, entre Loire et Yonne. La Puisaye est un objet géographique, une région naturelle qui n’a jamais été unie sur le plan institutionnel.

Nous avons évoqué l’étendue de la baronnie de Donzy, ses limites et sa nature entièrement féodale : son affirmation comme un grand fief relevant de l’évêque d’Auxerre vers l’an Mil, à partir sans doute de possessions anciennes des comtes de Chalon ; sa disparition en 1789.

Son histoire est développée dans l’étude que nous avons publiée l’an passé sous le titre : « Terres et seigneurs en Donziais, la baronnie de Donzy des origines à la Révolution ».

La Puisaye quant à elle est une région naturelle de forêts et d’étangs, traversée de vallées verdoyantes, à cheval également sur les bassins de la Seine, par le Loing et l’Ouanne, et de la Loire, par la Vrille. Elle est bordée au nord par le Gâtinais et inclut Toucy, Champignelles et Rogny-les-Sept-Ecluses ; à l’ouest elle vient à quelques kilomètres de la Loire, incluant par exemple Arquian ; au contact du Donziais au sud elle comprend Saint-Verain, Bitry, Treigny ; elle borde l’Ouanne à l’est, incluant Fontenoy, Lalande et Toucy, aux portes de l’Auxerrois.

Elle est aujourd’hui comprise pour l’essentiel dans le département de l’Yonne, dont Toucy, St-Fargeau, St-Sauveur, et Bléneau sont des chefs-lieux de canton, mais une fraction a été versée dans la Nièvre, autour de St-Amand-en-Puisaye.

Cette petite région attachante, dont les habitants partagent des pratiques communes : polyculture-élevage, exploitation forestière, étangs et chasse ; unie par un artisanat ancien devenu un art, la « poterie en terre », n’a pas eu d’existence institutionnelle en tant que telle. Un titre de « seigneur de Puisaye » apparaît certes dès le XIIème siècle chez les barons de Toucy – la capitale d’origine – mais appliqué à un territoire plus restreint puisque co-existent à ses côtés la baronnie de Saint-Verain et celle de Donzy, qui englobent des parties non négligeables de la Puisaye.

A la mort du maréchal Jean de Chabannes (v. 1503), « sgr de Toucy, Saint-Fargeau et Puisaye », cet ensemble est divisé entre ses deux filles. La « Terre de Puisaye » est dès lors associée à Saint-Fargeau – un site castral d’ancienneté comparable – qui en devient le centre en lieu et place de Toucy qui décline. Elle passera par des alliances aux Anjou-Mézières et aux Bourbon-Montpensier. Mais ce titre de « seigneur de Puisaye » au contenu féodal incertain, effacé par celui de « comte de Saint-Fargeau » dès le XVIème siècle, est oublié sous ces grandes familles princières, ainsi que chez les Le Pelletier, derniers titulaires du comté par acquisition en 1715.

A son flanc sud, la baronnie de Donzy, qui inclut la châtellenie de Saint-Sauveur et celle de Druyes depuis le début du XIIIème siècle, perdure comme fief relevant de l’évêque jusqu’à la Révolution, aux mains des comtes puis ducs de Nevers, qui lui font hommage de plus ou moins bon gré. Une dépendance de St-Fargeau en fait partie, la petite « baronnie de Perreuse », qui contrôlait des arrière-fiefs à Treigny, dont la belle église Saint Symphorien est surnommée la « cathédrale de la Puisaye ». A l’ouest, la baronnie de Saint-Verain, divisée entre des cohéritiers multiples et ennemis, est reprise par les comtes de Nevers à la fin du XVème siècle. Elle disparaît alors en tant que telle et devient à son tour une châtellenie rattachée à Donzy.

La région naturelle de Puisaye a donc eu une histoire féodale morcelée et évolutive, sous une suzeraineté unique cependant, celle des puissants évêques d’Auxerre.

Saint-Fargeau a connu sous ses prestigieux comtes – dont la Grande Mademoiselle qui y a vécu en exil – une vraie célébrité, grâce à son magnifique château préservé et à son dernier comte : Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau, brillant acteur de l’abolition des privilèges, régicide assassiné.

Toucy est resté un fief autonome jusqu’à la Révolution, dont le titulaire devait, comme ceux de Donzy, de Saint-Verain et du comté d’Auxerre, porter le nouvel évêque de l’abbaye de Saint-Germain à sa cathédrale. Le fief a été érigé en marquisat pour les sires de Prie au XVIIème siècle. Ce titre et les revenus associés sont passés de mains en mains, y compris dans celles de quelques spéculateurs dont le fameux Law pendant quelques mois, ou l’influent Parîs de Montmartel. Mais le vieux château abandonné dès le XVIème siècle pour celui de Miton en contrebas, reconstruit au XVIIIème, ne régnait plus que sur un territoire limité.

La « Puisaye donziaise » a donc bien existé. Elle a largement contribué, avec des sites aussi importants que Ratilly (à Treigny), la Maison-Fort (à Bitry), ou encore Saint-Amand, à forger notre histoire féodale.

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Françoise et la Reine Margot

(Illustration : l’église Saint-Martin-du-Pré à Donzy)

En retraçant l’histoire du fief de Favray, à Saint-Martin-sur-Nohain, nous avons évoqué la figure de Françoise de La Rivière (1586-1606), épouse de François de Reugny, dame d’honneur de Marguerite de Valois (1553-1615), fille d’Henri II et première femme d’Henri de Navarre, futur Henri IV : la Reine Margot.

L’image de cette jeune femme morte à vingt ans est parvenue jusqu’à nous grâce à sa belle dalle funéraire conservée dans la petite église romane Saint-Martin-du-Pré, à Donzy. Aujourd’hui scellée verticalement contre un mur, brisée en deux morceaux, cette pierre a failli disparaître : en 1682, le Curé avait entrepris de détruire ce tombeau, mais on y trouva le corps de la dame sain et entier. L’évêque d’Auxerre imposa sa préservation.

Malgré l’usure du temps, on peut lire sur son pourtour l’inscription suivante : « DANS . CE . RECANT . TOMBEAV . REPOSE . LE . CORPS . DE . FRANCOISE . DE . LA RIVIERE . DAME . DE . LA . ROYNE.  MARGVERITE . ESPOVSE . DE . FRANCOIS . DE . REVGNY . SEIGNEVR . DE . FAVERAY . LAQVELLE . DECEDA . EN LAAGE . DE . 20 . ANS . ESTANT . A . PARIS . AV . SERVICE . DE . LADICTE . ROYNE . LE . 19 . AVRIL . 1606 ».

La dame y apparaît vêtue d’habits de cour du temps d’Henri IV, tête reposant sur un coussin encadré par les armes de Reugny et de La Rivière ; large vertugadin en forme de plateau, mains jointes en prière, visage juvénile et doux mis en valeur par une large collerette de dentelle, cheveux frisés tirés en chignon. Le sculpteur a soigné le portrait de Françoise, qui devait être aimée de son commanditaire.

Les circonstances de sa vie et de sa mort restent hélas totalement méconnues.

Faute de source probante, on doit, avec les auteurs nivernais qui se sont penchés sur le sujet, considérer qu’elle était une fille de Jacques de La Rivière, sgr de la Garde (à Perroy), en raison des dates et de la proximité géographique. Dernier fils de François, seigneur de Champlemy, vicomte de Tonnerre et de Quincy, Jacques était destiné aux Ordres et avait été moine cistercien à Pontigny, une abbaye proche des possessions de cette branche. Mais dans le contexte de la Réforme, dont l’influence galopait dans la noblesse locale, il avait obtenu du Parlement de Paris l’annulation de ses vœux. Ainsi légalement « défroqué » il s’était marié et remarié après deux veuvages. Les dates suggèrent que la mère de Françoise devait être sa troisième épouse, Léonarde de Loron, fille du seigneur d’Argoulais en Morvan, d’une famille connue pour son engagement, parfois exalté, dans la Réforme – voyez à ce sujet la notice consacrée au manoir de Maison-Blanche à Crain -.

Son mari, François de Reugny, était issu d’une vielle famille nivernaise, dont plusieurs membres ont été inhumés dans cette même église Saint Martin. Son frère Charles, moine de La Charité, était Prieur de Notre-Dame-du-Pré toute proche. Leur mère était Catherine de Loron, cousine germaine de Léonarde. Ils étaient donc parents et l’environnement familial était marqué par le protestantisme, auquel on ne sait si Françoise adhérait.

On ne sait pas non plus où elle était née. Sans doute à la Garde, le fief de son père supposé, où subsistent de beaux restes de l’époque, dont une chapelle ; mais peut-être en Auxerrois où il avait de nombreuses possessions venues des Savoisy…

On peut supposer qu’elle devint dame d’honneur de la Reine Marguerite de Valois après son mariage, vers 1602. Elle lui avait peut-être été présentée auparavant par la duchesse de Nevers, Henriette de Clèves, sa contemporaine – dont elle était vassale – très liée à Margot pour le meilleur et pour le pire.

La reine Margot

Cette reine, ultime représentante des Valois, d’une beauté relevée par ses contemporains, cultivée et libre, immortalisée par Alexandre Dumas et Isabelle Adjani, était alors au déclin de sa vie aventureuse. Son mariage forcé avec Henri de Navarre, infécond et malheureux – ils étaient tous deux d’inlassables séducteurs – avait été annulé en 1599 par le Pape. Ayant choisi le parti de la Ligue et collectionnant les amants – dont le fameux La Mole – elle avait été assignée à résidence par le roi Henri III son frère au château d’Usson, au cœur de son apanage, « parmy les déserts, rochers et montagnes d’Auvergne » selon son ami Brantôme. Elle y passa 19 ans puisque son époux l’y maintint à son avènement au trône pour des raisons autant personnelles que politiques. Il ne l’autorisa à revenir à Paris qu’en 1605 pour soutenir un procès. Elle y mourut en 1615.

Notre Françoise ne connut donc la reine que dans un âge avancé, la débauche ayant laissé place à la dévotion. Elle a certainement fait partie de sa petite cour à Usson, où elle exerça sa charge sous une « Madame de Vermont », première dame d’honneur. Cette forteresse médiévale, la principale d’Auvergne alors, renforcée par Louis XI, dût être une résidence bien froide et austère pour ces dames de la Renaissance, mais Margot y réunissait quelques beaux esprits. On ne peut en voir de nos jours que les ruines, puisqu’elle a été abattue sur ordre de Richelieu en 1634, comme tant d’autres.

Françoise a sans doute accompagné Margot à son retour à Paris et résidé avec elle à l’Hôtel de Sens – où elle a dû mourir – mais n’a pu connaître son nouvel « Hôtel de la Reine», face au Louvre sur la rive gauche, au Pré-aux-Clercs, construit à partir de 1606 et aujourd’hui disparu.

Elle n’aura sans doute pas beaucoup vécu à Favray, une terre de son époux, avec qui elle n’eut que trois ou quatre ans de vie commune, à supposer que leurs obligations respectives ne les aient pas constamment éloignés l’un de l’autre. François se remaria en 1609 et eut une postérité.

Il reste incompréhensible que l’historiographie régionale n’ait pu accéder à des documents qui éclaireraient le destin de cette jeune femme, issue de la plus importante dynastie donziaise, au-delà des quelques mots gravés sur sa pierre tombale.

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Figures donziaises dans la Révolution : le marquis de Bonnay

Le marquis de Bonnay (1750-1825) fut un personnage important des débuts de la Révolution, dans le camp des monarchistes, mais acquis aux idées nouvelles.

En Donziais il était un seigneur modeste, n’y possédant que la petite terre de Presle, détachée au XVIIème siècle de celle de Suilly, apportée par son aïeule Marie Lucquet, d’une famille de notaires de Donzy.

Restes du manoir de Presle

Il était le dernier représentant d’une lignée chevaleresque originaire du Bourbonnais, implantée également en Berry et en Nivernais, connue depuis le XIVème siècle, né au château de la Grange à Cossaye (58).

Après avoir été page du roi Louis XV (1765) il avait été reçu dans la prestigieuse « compagnie de Villeroy » des Gardes du Corps, et avait accédé aux grades de capitaine puis de mestre de camp de Cavalerie.

A 39 ans, il entama une carrière politique en devenant député suppléant de la noblesse du Nivernais-Donziais aux Etats-Généraux, où il siégea rapidement comme titulaire après la démission du comte de Damas d’Anlezy. Il joua dès lors un rôle marquant aux Assemblées Constituante puis Législative, dont il fut élu Président deux fois en avril puis en juillet 1790. Il est connu principalement pour sa contribution décisive à l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il avait participé à sa rédaction et animé avec brio les débats pour obtenir un consensus qui paraissait impossible. On lui doit en particulier plusieurs points essentiels comme la non-rétroactivité des lois pénales ou encore l’article 10 sur la liberté d’opinion.

Ancien élève du Collège des Oratoriens de Juilly, dont les méthodes participatives d’enseignement faisaient appel à l’intelligence et non plus seulement à l’apprentissage répétitif, Bonnay s’était ouvert aux idéaux des Lumières, tout en restant fidèle à la couronne par atavisme familial, prônant donc une monarchie tempérée.

Le destin funeste du roi devait mettre fin rapidement à sa première carrière politique. Au lendemain de Varennes, il fut accusé d’avoir été informé de la fuite du roi et de ne pas l’avoir dénoncée. Mais il s’en défendit avec clarté et succès : « Si le roi m’avait consulté, dit-il, je ne lui aurais pas conseillé ce voyage ; mais si j’avais reçu l’ordre de l’accompagner, je me serais empressé d’obéir et de mourir à ses côtés ».

Quand le pouvoir fut retiré au monarque, il décida de ne plus prendre part aux délibérations de l’Assemblée, dont il avait refusé de prendre à nouveau la présidence en décembre 1790. Il émigra alors avec le comte de Provence – futur Louis XVIII – pour remplir près de lui les fonctions de ministre pendant son séjour à Varsovie, puis en Angleterre.

La Restauration le ramena aux affaires. En juin 1814, il fut nommé ministre plénipotentiaire à Copenhague et resta à ce poste pendant les Cent-Jours. Nommé Pair de France en 1815, il vota pour la mort dans le procès du maréchal Ney. Il fut promu lieutenant-général la même année et nommé en 1816 envoyé extraordinaire et plénipotentiaire à Berlin.

Il acheva son brillant parcours comme ministre d’État, membre du Conseil privé du Roi (1820) et gouverneur du château de Fontainebleau (1821). Il mourut le 25 mars 1825 à Paris laissant deux enfants de sa première femme, fille d’un riche bourgeois de Valenciennes.

Il avait eu plusieurs maîtresses dont la fameuse « madame de La Briche », Adélaïde Prévost, fille d’un Receveur général et femme d’un Introducteur des Ambassadeurs, d’une riche famille de Fermiers généraux, qui l’avait laissée veuve très jeune. Elle tenait un salon brillant qui prenait ses quartiers d’été au château du Marais, où Bonnay fut assidu.

Véritable rival de Mirabeau au sein de l’assemblée, Charles François de Bonnay – plus rigoureux à certains égards que « l’Orateur du Peuple » – est tombé dans l’oubli car si son rôle personnel fut important au tout début de la Révolution, il s’en était éloigné très vite. Sa seconde carrière sous la restauration fut moins marquante.

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