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Champdoux, fief et forge à Sainte-Colombe-des-Bois

Nous avons déjà évoqué Sainte-Colombe, paroisse et fief avant la Révolution (auj. com. de Ste-Colombe-des-Bois), qui fut associé à Vergers dès le XVème siècle. Dans cette même paroisse nous avons vu La Montoise et son vieux manoir.

Au coeur des collines boisées qui surplombent le Val de Bargis, l’Accotin prend sa source au hameau de Couthion, serpente au milieu d’une verte vallée et rejoint le Nohain en contrebas de Suilly-la-Tour. Malgré son modeste débit il a été équipé de moulins à forge (ou à grains) alimentés par des retenues : chaque kilowatt était précieux pour traiter le minerai de fer, le fondre et le forger. Nous connaissons déjà l’un des sites : Chailloy – parfois appelé Chaillenoy dans des actes anciens – avec sa belle maison de maître Renaissance. La famille du théologien protestant Théodore de Bèze y avait exercé ses talents industrieux au XVIème siècle, avant de se voir confisquer ses biens et de quitter la France pour Genève. Avant eux des seigneurs de Chailloy – les Guesdat, de Nevers – paraissent avoir détenu aussi un fief dit de l’Accotion – dont le nom suggère une éponymie entre le village-source et la rivière – et qui consistait peut-être en droits sur la rivière.

Découvrons aujourd’hui un autre site de la paroisse de Sainte-Colombe, juste en amont de Chailloy, dont les traces féodales sont ténues mais qui eut une grande importance dans le réseau métallurgique donziais : Champdoux.

C’est aujourd’hui un hameau bucolique bordant un vaste étang, avec un charmant gué de l’Accotin, que le marcheur peut aussi traverser à sec par un vieux pont de pierre jouxtant un lavoir. Le site hydraulique et bâti de la forge y est visible, mais les traces de l’activité industrielle qui perdura jusqu’au XIXème siècle sont largement effacées.

                                           

« L’Inventaire des forges et fourneaux de la Nièvre XVIIème-XXème siècles » (in Etudes et documents des Musées de la Nièvre, n°8, 2006) décrit ainsi le site de Champdoux

« Le fourneau appartenait au duc de Nevers. Il est affermé par Le Vau lors de la création de la manufacture de Beaumont-la-Ferrière en 1685. Il produisait 500 tonnes de fonte par an, à partir de minerai de Villate, de la Ronce, de Bulcy et de Mézières. Il possédait aussi une petite forge en complément. Son vaste étang faisait tourner l’usine de 7 à 10 mois par an. Le premier octobre 1682, Jean Lombard, 1er fondeur des canons du roi en la province de Nivernois l’afferme pour y couler des tuyaux de fonte pour la conduite des eaux des fontaines de Versailles, marché qu’il ne peut finalement honorer mais qui sera poursuivi jusqu’en 1683. L’usine appartient en l’an IX à la duchesse de Cossé-Brissac fille du dernier duc de Nivernais (ndlr : Diane-Hortense Mancini (1742-1808), puis sous l’Empire à Caroillon-Destillères (ndlr : Claude-Xavier Carvillon des Tillères (1748-1814). Les productions sont très importantes : entre 750 tonnes de fonte en 1794 et 450 tonnes en 1809. En 1812, Destillères, qui continue son activité, ne produit finalement plus que 250 tonnes de fonte car il se consacre en partie à la vente de bois vers Paris. Le fourneau est reconstruit à neuf en 1830. En 1839, le comte d’Osmond (ndlr : Rainulphe d’Osmond (1788-1862) gendre de Caroillon et frère de la fameuse comtesse de Boigne) l’équipe d’une soufflerie à cylindre. L’entreprise se compose du haut fourneau, d’un lavoir à bras, d’une soufflerie et d’un bocard à laitier. Elle est alors l’une des plus grosses usines de la Nièvre….Le site a été transformé en habitation et ferme…».

Champdoux, lié à l’Eminence et à Bailly en aval de Donzy sur le Nohain, faisait donc partie d’un complexe industriel, au coeur du filon de minerai et de vastes forêts, dont le jeune Colbert n’avait pas manqué de signaler le potentiel à son maître Mazarin, acheteur du Duché en 1681.

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Mais avant d’être un moulin Champdoux était un fief ancien, associé à Favray dans des circonstances qui n’ont pas laissé de traces. L’Inventaire de Marolles (p. 441) signale un hommage en 1335 de « Perrin de Chanoy (ndlr : Chasnay) eyr, tuteur de Robert et de Jean, enfants de Philippon Cheureaux, sgr de Faveroy (ndlr : Favray), pour ses maisons de Champdo, Villiers (ndlr : à St-Martin-sur-Nohain) et Faveroy, à cause de Donzy ». Ce Perrin de Chasnay était avec sa femme Perrone un bienfaiteur de la chartreuse de Bellary, à laquelle il avait donné des bois en 1324, comme le mentionne l’abbé Charrault, historien de l’abbaye.

Autre hommage en 1369 (p. 287) de « Etienne du Pré, eyr, sgr en partie de Faveroy, en son nom et au nom de Philippe sa femme, fille de feu Robert Cheureau, pour les villes de Villers et Faveron, et pour sa terre de Champdau ».

Ces Cheureaux – ou Chevraux – n’ont pas laissé d’autres traces, mais ils semblent avoir détenu des terres importantes autour de Suilly-la-Tour. Champdoux n’apparaît plus ensuite chez les seigneurs de Favray des familles de Courvol puis de Reugny, et son destin féodal postérieur est peu documenté.

On le retrouve associé à Sainte-Colombe et uni à Vergers par la famille d’Armes au XVème siècle – Jean II d’Armes est cité comme « sgr de Champdoux » – sans qu’on puisse déterminer les modalités de cette dévolution. L’ensemble passa par alliance aux Chabannes. Voici donc la branche de Vergers de cette vieille lignée chevaleresque du Limousin (la Maison de Chabannes), portant « de gueules au lion d’hermines, armé, lampassé et couronné d’or », établie dans la vallée de l’Accotin. François de Chabannes, cité à son tour comme « sgr de Champdoux », épousa en 1645 à Suilly-la-Tour, Antoinette Monnot, fille d’un Commissaire des Guerres, nouveau seigneur de Chailloy et maître de forge.

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Blasons d’Armes et de Chabannes

Pourtant la forge, activité généralement associée à un fief, est répertoriée comme appartenant au duc de Nevers au XVIIème siècle. Peut-être ce dernier, maître de la Forêt de Bellefaye voisine qui alimentait ses forges de Donzy, reprit-il ce fief ou celui dit « de l’Accotion » pour y faire aménager le moulin ? Quoiqu’il en soit ce grand massif forestier fut acquis par l’Etat vers 1930 auprès des descendants du marquis d’Osmond (cf. supra) qui l’avaient conservé après la Révolution avec les forges de Donzy, et peut-être Champdoux ?. Augmenté d’autres possessions, dont celles de l’ancienne Chartreuse de Bellary dont les ruines affrontent douloureusement le temps, il constitue aujourd’hui la magnifique Forêt domaniale de Bellary.

Nous aimerions compléter avec votre aide l’histoire de Champdoux, où une promenade s’impose…

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Le fief de Rozier, associé à Saint-Père

(Illustration : l’église de Saint-Père)

L’ancien fief de Rozier à Saint-Père est cité dès le XVème siècle.

Le domaine actuel de « Rosière », situé au bord de la route de Cosne , conserve des traces de ce passé féodal.

Ce fief, qui a pu être détaché de Nuzy (Saint-Père – voir cette notice) à l’origine, a été détenu par des familles de Cosne au XVIème siècle, avant d’être cédé aux Stutt, sgrs de Saint-Père en 1597. Il suit alors probablement le destin de ce principal fief, puisque Louis Rameau qui a acquis Saint-Père en 1712, est cité comme seigneur de Rozier en 1718.

Voyez ci-dessous une notice qui présente la dévolution de Rozier. Des informations complémentaires sur les premiers seigneurs, bourgeois de Cosne, sont nécessaires…Merci de vos contributions !

Rozier (St-Père)

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Chanceliers de France

(Illustration : portrait de Pierre Séguier, Chancelier)

Le Chancelier de France, Garde des Sceaux, fut longtemps le bras droit du roi pour l’administration du pays. L’étendue de ses compétences et l’importance de son rôle, en font l’ancêtre du Premier Ministre actuel plutôt que celui du seul ministre de la Justice.

Plusieurs personnalités liées directement ou indirectement au Donziais ont exercé cette charge. Nous avons déjà rencontré l’un d’eux : Guillaume Jouvenel des Ursins, seigneur de la Motte-Josserand et autres lieux. Nous voulons évoquer ici sept autres titulaires de cette haute fonction, que nous présentons dans l’ordre chronologique.

Sous Philippe Le Bel, au début du XIVème siècle, on trouve successivement comme chanceliers trois évêques d’Auxerre, ce qui confirme l’importance de ce siège épiscopal dont notre baronnie relevait féodalement.

Pierre de Mornay, chanoine puis évêque d’Orléans en 1288, et d’Auxerre en 1295, fut nommé Chancelier en 1304. Il exerça cette fonction en même temps que sa charge épiscopale, jusqu’à sa mort en 1306. Il appartenait à une famille chevaleresque de l’Orléanais implantée ensuite en Donziais : voir notamment les notices concernant Boisjardin, et les Barres à Sainpuits. Il eut un rôle politique important au service du roi dans son conflit avec les papes successifs.

Pierre de Grez, chanoine de Chartres puis chantre à Paris, lui succéda comme Chancelier et fut nommé évêque d’Auxerre en 1308. Son père : Jean de Corbeil, apparenté au puissant Enguerrand de Marigny, était maréchal de France. Pierre avait la réputation d’être un habile canoniste. Sa famille, très présente à la cour et à la guerre, comptait à cette  époque plusieurs prélats.

                                         

Auxerre, l’ancien évêché

Pierre de Belleperche, lui aussi chanoine de Chartres, puis doyen à Paris, lui succéda et fut nommé évêque d’Auxerre la même année par le pape français Clément V. Il était issu d’une famille de chevaliers du Bourbonnais, les Breschard, né vers 1280 au château de Villars. Erudit en droit – ce qui est indiqué pour un Garde des Sceaux – professeur à Orléans, on l’appelait le « roi des Légistes ».

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La Guerre de Cent Ans ayant bouleversé la vie du royaume et divisé ses élites, l’un de nos chanceliers crut devoir servir « Henri VI, roi de France et d’Angleterre ».

Jean Le Clerc, nommé en 1420, était un laïc issu d’une famille de la bourgeoisie judiciaire anoblie. C’était un nivernais dont nous avons rencontré la famille beaucoup plus tard en plusieurs sites, notamment dans la région d’Entrains : Château-du-Bois, Miniers. Nous avons proposé une généalogie de cette branche (voir : Notices familiales), et Dugenne consacre plusieurs pages de son dictionnaire à cette lignée prolifique très présente en Auxerrois.

Né vers 1360, il était fils d’un autre Jean, secrétaire et notaire des rois Jean II le Bon et Charles V, devenu procureur général et conseiller du duc Philippe le Hardi. Des généalogistes, dont Villenaut et Dugenne, le disent « seigneur de Saint-Sauveur-en-Puisaye ». Cela paraît improbable s’agissant d’un château comtal et d’une châtellenie rattachée à la baronnie de Donzy, qui ne fut cédée par Henriette de Clèves, duchesse de Nevers, à un seigneur particulier qu’au début du XVIIème siècle. Sans doute en était-il plutôt le gardien pour les comtes de Nevers de la Maison de Bourgogne, en qualité de « châtelain », ou peut-être « engagiste » c’est-à-dire prêteur du comte.

Quoiqu’il en soit son fils Jean II eut une très belle carrière : conseiller au Parlement, maître des requêtes, ambassadeur auprès du roi d’Angleterre, Premier Président, il accéda à la fonction de Chancelier en 1420, nommé par la reine Isabeau de Bavière. Il exerça la fonction pendant quatre ans dans une période-clef pour le pays, mais paraît avoir constamment adopté une position favorable au camp anglo-bourguignon, répondant aux attentes duc de Bedford, régent. C’est ainsi qu’étant « président du conseil royal » es-qualité après la mort de Charles VI, il proposa expressément de reconnaître Henri VI comme roi de France.

A l’avènement du dauphin Charles il se retira à Nevers, dans son hôtel de la rue des Ardillers – passé ensuite aux Brisson et aux La Chasseigne que nous connaissons – où il mourut en 1438. Il fut inhumé au Prieuré clunisien Saint-Etienne, dont la magnifique église romane subsiste.

                                           

Nevers, église Saint-Etienne

Jean Le Clerc avait acquis de grands biens, dont La Motte de Luzarches, en Ile-de-France, et la baronnie de Cours-les-Barres, relevant des évêques de Nevers. Il avait d’abord épousé Agnès Le Muet, fille d’Hugues, Bailli de Donzy, sgr de Nanvignes, dont il eut une postérité brillamment installée en Nivernais et en Auxerrois. Son fils Jean III fut la souche des Leclerc de Fleurigny, au diocèse de Sens, qui s’éteignirent au XIXème siècle. Le chancelier n’eut pas de descendance de ses deux autres femmes : Catherine Apaupée, et Isabeau de Beauvais, qui lui apporta les terres de Ferrières-Saint-Hilaire en Normandie (souche des Ferrers anglais), la Forêt-le-Roi près d’Etampes, et le titre de châtelain de Beauvais. Un destin remarquable mais à tout le moins ambigu.

 En 1445 Charles VII trouva en Guillaume Jouvenel des Ursins (cf. supra) un grand serviteur. Il l’avait adoubé chevalier lors de son sacre car il avait été le grand argentier de ses guerres. Après une éclipse Louis XI fit à nouveau appel à lui comme Chancelier en 1466.

Avançons maintenant de deux siècles pour évoquer le principal Chancelier de Louis XIII, le fameux Pierre Séguier, que nous avons mentionné en étudiant la dévolution du comté de Gien, une possession des premiers barons de Donzy. Il était issu d’une famille de parlementaires originaires du Bourbonnais. Il eut une carrière brillante et acquit suivant l’usage de grands biens : Autry, en Berry, Saint-Liébaut et Villemaur en Champagne, érigés pour lui en duché, et Gien. Nommé chancelier en 1635, il exerça la fonction par intermittence jusqu’à sa mort en 1672. Effacé par les personnalités de Richelieu et de Mazarin, il n’en joua pas moins un rôle important à la tête de la Justice et pour la mise en place de l’administration centralisée qui caractérise notre pays. Tenté par la Fronde mais redevenu fidèle au roi, il fut finalement évincé par Colbert.

Le poste le plus élevé de la hiérarchie judiciaire ne pouvait échapper à nos Lamoignon, puissamment établis dans les plus grands emplois parlementaires dès le début du XVIIème siècle. Voyez l’article dans lequel nous évoquons leur lien ambigu avec Donzy : Un fief Lamoignon….

Mais il nous faut attendre le règne de Louis XV pour que l’un d’eux devienne Chancelier (1750) : Guillaume de Lamoignon-Blancmesnil (1683-1772). Président à mortier puis Président de la Cour des Aides, cet éminent juriste a laissé le souvenir d’un esprit cultivé et d’un magistrat pieux et fidèle au roi. N’ayant pas l’heur de plaire à Mme de Pompadour il lui fallut démissionner en 1768. Il était le père de Malesherbes qui périt avec toute sa famille sur l’échafaud après avoir courageusement défendu le roi.

Son neveu Chrétien François de LamoignonBasville (1735-1789) fut nommé Chancelier et Garde des Sceaux en 1787. Esprit éclairé, petit-fils du grand financier Samuel Bernard, il anima la résistance du Parlement contre la réforme de Maupeou. Sensible aux idées des Lumières et attentif à l’Indépendance américaine il fut notamment à l’origine de l’Edit de Tolérance de Versailles (1788) envers les réformés. Il mourut quelques jours après l’ouverture des Etats Généraux. Nul doute que si de tels conseillers avaient été écoutés et entendus l’Histoire eut pris un tour différent. Il eut de nombreux enfants, tous alliés à des familles de la Grande Robe.

Basville eut trois rapides successeurs jusqu’en 1790, dont le frère de Jean-Baptiste Champion de Cicé, dernier titulaire de l’ancien diocèse d’Auxerre.

La Révolution abolit la fonction de chancelier ; Napoléon la reprit avec emphase en la dédoublant, pour Cambacérès, Archichancelier de l’Empire , et pour Eugène de Beauharnais, Archichancelier de l’Etat ; la Restauration la rétablit et Pasquier fut le dernier Chancelier de France sous Louis-Philippe. Depuis, le Garde des Sceaux est le ministre de la Justice.

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Un ouvrage contemporain de référence : le dictionnaire de Dugenne

Nous citons souvent dans nos articles le « Dictionnaire biographique, généalogique et historique du département de l’Yonne » de Paul-Camille Dugenne (6 tomes, édité par la Société Généalogique de l’Yonne, 1996).

                   

C’est un ouvrage de référence pour l’ancien Donziais dans la mesure où l’ancienne baronnie relevait de l’évêque d’Auxerre ; du fait qu’une partie en a été attribuée au département de l’Yonne à sa création (châtellenies de Saint-Sauveur, Druyes-les-Belles-Fontaines et Chatel-Censoir) ; et en raison des liens d’affaires et familiaux nombreux avec le siège épiscopal et le bailliage royal. On les mesure en particulier par l’implication continue des familles seigneuriales du Donziais dans les charges publiques et ecclésiastiques auxerroises.

L’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité mais comprend plus de treize mille biographies et généalogies, présentées par ordre alphabétique. Il présente ainsi de façon parfois très détaillée des familles seigneuriales qui nous sont devenues familières (La Rivière, Le Clerc, Le Muet, Vathaire de Guerchy, Pietresson de Saint-Aubin…etc.). Il nous a souvent aidés à reconstituer des filiations. Il n’est pas infaillible, notamment sur des points de détail concernant le département de la Nièvre, mais c’est un outil indispensable.

Nous vous le recommandons donc. On peut le consulter en bibliothèque et se le procurer assez aisément d’occasion dans les librairies spécialisées.

 

Bonne lecture !

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Pilles à Couloutre, et Roger de Piles…

(Illustration : le lavoir de Varzy, sur la Sainte-Eugénie)

Sur la rive droite du Nohain à Couloutre, le hameau de Pilles est un ancien fief. On le trouve cité chez les sires de La Rivière – dont il devait être un arrière-fief – au XVIème siècle : n’aperçoit-on pas les tours de leur château sur la hauteur ?

Ainsi Charlotte de La Rivière (°v.1535), « dame de Pilles », fille de Jean, sgr de Champlemy et de Seignelay, et d’Isabeau de Dinteville ; ou plus tard Hubert de La Rivière (+1615), sgr de Champlemy, vcte de Tonnerre et sgr de Pilles, qui réunit par son mariage deux branches de la famille, puis son fils Claude, baron de La Rivière (+1661). On peut supposer que Pilles resta ensuite associé au fief principal et passa aux Choiseul-Chevigny en 1665 par le mariage de Paule de La Rivière, ultime représentante de cette grande famille (voir : La Rivière, source d’une grande famille).

Pourtant ce hameau où ne subsiste pas de trace castrale, hormis un domaine qui paraît ancien au centre du village, est supposé avoir donné son nom à la famille de Roger de Piles (1636-1709), diplomate du roi Louis XIV, peintre et théoricien de l’art, dont les ancêtres habitaient notre région et y avaient exercé différentes charges.

Des généalogies complètes ont été données par Léon Mirot (Généalogie de la famille de Piles), ainsi que par Dugenne dans son dictionnaire biographique de l’Yonne. Elles ne la relient pas au fief éponyme, qu’on suppose simplement être leur origine eu égard à leur présence dans le voisinage dès le XVème siècle. Les sources font actuellement défaut pour approfondir la question.

La famille détenait des terres dans la région de Varzy : Champsimon, Bazarnes, et Chivres, à Courcelles, peut-être par une alliance. Le nom de Champsimon a disparu, fondu sans doute dans Chivres ou transformé en Chaumont (le nom d’un moulin). Ces fiefs relevaient de la châtellenie de Montenoison selon l’Inventaire des Titres de Nevers, c’est-à-dire de cette partie méridionale de l’ancien diocèse d’Auxerre qui n’appartenait pas à la baronnie de Donzy. Certains auteurs les rattachent au contraire à celle de Billy-sur-Oisy, fusionnée avec Corvol-l’Orgueilleux. On trouve aussi les Piles possessionnés en Avallonais et à Saulieu, sans doute par des alliances.

Nous les avons rencontrés en étudiant la dévolution de Bazarnes, avec son beau château reconstruit au XVIIIème siècle au bord de la rivière Sainte-Eugénie qui court  vers le Sauzay et  Clamecy.

La filiation est établie depuis Pierre de Piles (+1453), qui demeurait à Entrains. La famille appartenait à la bourgeoisie urbaine et ses membres étaient échevins de Clamecy ou de Saulieu.

Plusieurs d’entre eux ont exercé des charges ecclésiastiques locales ou parisiennes. Ainsi Pierre de Piles, qui étudia à Paris, devint Chanoine de Saulieu et d’Auxerre, chantre de la collégiale Saint-Martin de Clamecy – où il accueillit le roi François Ier en 1530 -. Il fut également Trésorier du chapitre de Varzy, et curé de Treigny (1520-1534) dont il embellit considérablement l’église – surnommée la « cathédrale de la Puisaye » – en faisant reconstruire le choeur. On peut y voir ses armes, comme sur sa pierre tumulaire avec son effigie gravée en la cathédrale d’Auxerre : « d’azur à la fasce d’argent, accompagnée de deux roses d’or… ».

Son petit-neveu Jean de Piles (+1607), fut chanoine de Paris, vicaire général de Reims sous l’archevêque Louis de Lorraine. Profitant de l’influence des Lorrains il fut gratifé de plusieurs bénéfices : doyen de Carrenac en Quercy, prieur de Lurcy et de Plessis-les-Moines, abbé d’Orbais en Normandie (1580). Il fut Secrétaire de la chambre du roi Henri III, Aumônier de la Reine Louise, et Député du clergé aux Etats-Généraux de 1593. Partisan des Guise et adversaire acharné des huguenots, il joua un rôle diplomatique important au service de la Ligue, qui l’envoya comme émissaire à Rome à plusieurs reprises avant 1600, où il plaida contre l’absolution du Roi après sa conversion.

Dans le contexte de la réconciliation, marqué par ses combats perdus il opta pour l’oubli, ce qui permit sans doute l’anoblissement de son frère Jacques (1542-1607), sgr de Champsimon, échevin d’Avallon et Président de l’Election de Clamecy, qui avait contribué à la pacification du Nivernais aux côtés des Gonzague. Sa plaque tumulaire dans la cathédrale Notre-Dame de Paris a été reproduite dans la collection Gaignères.

Un peu plus tôt, un certain Pierre de Piles de Villemur, lui aussi chanoine de Paris, ancien précepteur du duc de Guise, avait été également très engagé contre les huguenots. Il demeurait au cloître Saint-Germain-l’Auxerrois, avait accueilli chez lui les assassins de l’amiral de Coligny avant leur forfait (1572), et les avait aidés arme à la main. Mais ce nom de Villemur interroge : appartenait-il à cette lignée nivernaise ou à celle des Villemur de Paillès, d’où la confusion ?

Revenons enfin à Roger de Piles, dernier de cette famille et le plus connu.

                                                                 

Né en 1636 à Clamecy, où son père, Adrien, sgr de Courteilles, un autre petit fief de la paroisse de Courcelles (fils de Jacques ci-dessus) était Contrôleur du Grenier à Sel, il eut pour parrain le duc de Bellegarde, Grand Ecuyer de France, en exil à Entrains. Il étudia la philosophie, la théologie et surtout la peinture. Il fut précepteur de Michel Amelot, marquis de Gournay, qui l’emmena ensuite dans ses ambassades où il fit merveille. Envoyé en mission secrète au Pays-Bas par Louvois, il y fut arrêté et ne retrouva la liberté qu’en 1698, après la Paix de Ryswick. Il avait approfondi ses connaissances artistiques au cours de ses voyages et fut dès lors connu comme peintre, notamment portraitiste. Mais il fut surtout un théoricien de l’art et participa aux débats de son temps, défendant les « coloristes » et inventant l’expression « clair-obscur ». Membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, admirateur de Rubens, il publia plusieurs ouvrages sur la vie des peintres et un cours de peinture. Il mourut en 1709 et fut inhumé à Saint-Sulpice.

Reste à éclaircir le mystère de leur nom, que les historiens du Nivernais attribue au hameau de Couloutre. Merci de vos contributions à ce sujet !

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