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Une Puisaye donziaise ?

(Illustration : le château de Ratilly à Treigny, 89)

Un correspondant s’étonne que nous parlions ici ou là de la « Puisaye donziaise ». Ce sont pour lui deux régions contigües mais distinctes. Elles le sont en effet, mais elles ont aussi été entremêlées.

Rappelons d’abord que ces deux ensembles territoriaux sont de nature différente. La baronnie de Donzy est un objet institutionnel et historique ; une structure féodale sans véritable unité naturelle, entre Loire et Yonne. La Puisaye est un objet géographique, une région naturelle qui n’a jamais été unie sur le plan institutionnel.

Nous avons évoqué l’étendue de la baronnie de Donzy, ses limites et sa nature entièrement féodale : son affirmation comme un grand fief relevant de l’évêque d’Auxerre vers l’an Mil, à partir sans doute de possessions anciennes des comtes de Chalon ; sa disparition en 1789.

Son histoire est développée dans l’étude que nous avons publiée l’an passé sous le titre : « Terres et seigneurs en Donziais, la baronnie de Donzy des origines à la Révolution ».

La Puisaye quant à elle est une région naturelle de forêts et d’étangs, traversée de vallées verdoyantes, à cheval également sur les bassins de la Seine, par le Loing et l’Ouanne, et de la Loire, par la Vrille. Elle est bordée au nord par le Gâtinais et inclut Toucy, Champignelles et Rogny-les-Sept-Ecluses ; à l’ouest elle vient à quelques kilomètres de la Loire, incluant par exemple Arquian ; au contact du Donziais au sud elle comprend Saint-Verain, Bitry, Treigny ; elle borde l’Ouanne à l’est, incluant Fontenoy, Lalande et Toucy, aux portes de l’Auxerrois.

Elle est aujourd’hui comprise pour l’essentiel dans le département de l’Yonne, dont Toucy, St-Fargeau, St-Sauveur, et Bléneau sont des chefs-lieux de canton, mais une fraction a été versée dans la Nièvre, autour de St-Amand-en-Puisaye.

Cette petite région attachante, dont les habitants partagent des pratiques communes : polyculture-élevage, exploitation forestière, étangs et chasse ; unie par un artisanat ancien devenu un art, la « poterie en terre », n’a pas eu d’existence institutionnelle en tant que telle. Un titre de « seigneur de Puisaye » apparaît certes dès le XIIème siècle chez les barons de Toucy – la capitale d’origine – mais appliqué à un territoire plus restreint puisque co-existent à ses côtés la baronnie de Saint-Verain et celle de Donzy, qui englobent des parties non négligeables de la Puisaye.

A la mort du maréchal Jean de Chabannes (v. 1503), « sgr de Toucy, Saint-Fargeau et Puisaye », cet ensemble est divisé entre ses deux filles. La « Terre de Puisaye » est dès lors associée à Saint-Fargeau – un site castral d’ancienneté comparable – qui en devient le centre en lieu et place de Toucy qui décline. Elle passera par des alliances aux Anjou-Mézières et aux Bourbon-Montpensier. Mais ce titre de « seigneur de Puisaye » au contenu féodal incertain, effacé par celui de « comte de Saint-Fargeau » dès le XVIème siècle, est oublié sous ces grandes familles princières, ainsi que chez les Le Pelletier, derniers titulaires du comté par acquisition en 1715.

A son flanc sud, la baronnie de Donzy, qui inclut la châtellenie de Saint-Sauveur et celle de Druyes depuis le début du XIIIème siècle, perdure comme fief relevant de l’évêque jusqu’à la Révolution, aux mains des comtes puis ducs de Nevers, qui lui font hommage de plus ou moins bon gré. Une dépendance de St-Fargeau en fait partie, la petite « baronnie de Perreuse », qui contrôlait des arrière-fiefs à Treigny, dont la belle église Saint Symphorien est surnommée la « cathédrale de la Puisaye ». A l’ouest, la baronnie de Saint-Verain, divisée entre des cohéritiers multiples et ennemis, est reprise par les comtes de Nevers à la fin du XVème siècle. Elle disparaît alors en tant que telle et devient à son tour une châtellenie rattachée à Donzy.

La région naturelle de Puisaye a donc eu une histoire féodale morcelée et évolutive, sous une suzeraineté unique cependant, celle des puissants évêques d’Auxerre.

Saint-Fargeau a connu sous ses prestigieux comtes – dont la Grande Mademoiselle qui y a vécu en exil – une vraie célébrité, grâce à son magnifique château préservé et à son dernier comte : Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau, brillant acteur de l’abolition des privilèges, régicide assassiné.

Toucy est resté un fief autonome jusqu’à la Révolution, dont le titulaire devait, comme ceux de Donzy, de Saint-Verain et du comté d’Auxerre, porter le nouvel évêque de l’abbaye de Saint-Germain à sa cathédrale. Le fief a été érigé en marquisat pour les sires de Prie au XVIIème siècle. Ce titre et les revenus associés sont passés de mains en mains, y compris dans celles de quelques spéculateurs dont le fameux Law pendant quelques mois, ou l’influent Parîs de Montmartel. Mais le vieux château abandonné dès le XVIème siècle pour celui de Miton en contrebas, reconstruit au XVIIIème, ne régnait plus que sur un territoire limité.

La « Puisaye donziaise » a donc bien existé. Elle a largement contribué, avec des sites aussi importants que Ratilly (à Treigny), la Maison-Fort (à Bitry), ou encore Saint-Amand, à forger notre histoire féodale.

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Françoise et la Reine Margot

(Illustration : l’église Saint-Martin-du-Pré à Donzy)

En retraçant l’histoire du fief de Favray, à Saint-Martin-sur-Nohain, nous avons évoqué la figure de Françoise de La Rivière (1586-1606), épouse de François de Reugny, dame d’honneur de Marguerite de Valois (1553-1615), fille d’Henri II et première femme d’Henri de Navarre, futur Henri IV : la Reine Margot.

L’image de cette jeune femme morte à vingt ans est parvenue jusqu’à nous grâce à sa belle dalle funéraire conservée dans la petite église romane Saint-Martin-du-Pré, à Donzy. Aujourd’hui scellée verticalement contre un mur, brisée en deux morceaux, cette pierre a failli disparaître : en 1682, le Curé avait entrepris de détruire ce tombeau, mais on y trouva le corps de la dame sain et entier. L’évêque d’Auxerre imposa sa préservation.

Malgré l’usure du temps, on peut lire sur son pourtour l’inscription suivante : « DANS . CE . RECANT . TOMBEAV . REPOSE . LE . CORPS . DE . FRANCOISE . DE . LA RIVIERE . DAME . DE . LA . ROYNE.  MARGVERITE . ESPOVSE . DE . FRANCOIS . DE . REVGNY . SEIGNEVR . DE . FAVERAY . LAQVELLE . DECEDA . EN LAAGE . DE . 20 . ANS . ESTANT . A . PARIS . AV . SERVICE . DE . LADICTE . ROYNE . LE . 19 . AVRIL . 1606 ».

La dame y apparaît vêtue d’habits de cour du temps d’Henri IV, tête reposant sur un coussin encadré par les armes de Reugny et de La Rivière ; large vertugadin en forme de plateau, mains jointes en prière, visage juvénile et doux mis en valeur par une large collerette de dentelle, cheveux frisés tirés en chignon. Le sculpteur a soigné le portrait de Françoise, qui devait être aimée de son commanditaire.

Les circonstances de sa vie et de sa mort restent hélas totalement méconnues.

Faute de source probante, on doit, avec les auteurs nivernais qui se sont penchés sur le sujet, considérer qu’elle était une fille de Jacques de La Rivière, sgr de la Garde (à Perroy), en raison des dates et de la proximité géographique. Dernier fils de François, seigneur de Champlemy, vicomte de Tonnerre et de Quincy, Jacques était destiné aux Ordres et avait été moine cistercien à Pontigny, une abbaye proche des possessions de cette branche. Mais dans le contexte de la Réforme, dont l’influence galopait dans la noblesse locale, il avait obtenu du Parlement de Paris l’annulation de ses vœux. Ainsi légalement « défroqué » il s’était marié et remarié après deux veuvages. Les dates suggèrent que la mère de Françoise devait être sa troisième épouse, Léonarde de Loron, fille du seigneur d’Argoulais en Morvan, d’une famille connue pour son engagement, parfois exalté, dans la Réforme – voyez à ce sujet la notice consacrée au manoir de Maison-Blanche à Crain -.

Son mari, François de Reugny, était issu d’une vielle famille nivernaise, dont plusieurs membres ont été inhumés dans cette même église Saint Martin. Son frère Charles, moine de La Charité, était Prieur de Notre-Dame-du-Pré toute proche. Leur mère était Catherine de Loron, cousine germaine de Léonarde. Ils étaient donc parents et l’environnement familial était marqué par le protestantisme, auquel on ne sait si Françoise adhérait.

On ne sait pas non plus où elle était née. Sans doute à la Garde, le fief de son père supposé, où subsistent de beaux restes de l’époque, dont une chapelle ; mais peut-être en Auxerrois où il avait de nombreuses possessions venues des Savoisy…

On peut supposer qu’elle devint dame d’honneur de la Reine Marguerite de Valois après son mariage, vers 1602. Elle lui avait peut-être été présentée auparavant par la duchesse de Nevers, Henriette de Clèves, sa contemporaine – dont elle était vassale – très liée à Margot pour le meilleur et pour le pire.

La reine Margot

Cette reine, ultime représentante des Valois, d’une beauté relevée par ses contemporains, cultivée et libre, immortalisée par Alexandre Dumas et Isabelle Adjani, était alors au déclin de sa vie aventureuse. Son mariage forcé avec Henri de Navarre, infécond et malheureux – ils étaient tous deux d’inlassables séducteurs – avait été annulé en 1599 par le Pape. Ayant choisi le parti de la Ligue et collectionnant les amants – dont le fameux La Mole – elle avait été assignée à résidence par le roi Henri III son frère au château d’Usson, au cœur de son apanage, « parmy les déserts, rochers et montagnes d’Auvergne » selon son ami Brantôme. Elle y passa 19 ans puisque son époux l’y maintint à son avènement au trône pour des raisons autant personnelles que politiques. Il ne l’autorisa à revenir à Paris qu’en 1605 pour soutenir un procès. Elle y mourut en 1615.

Notre Françoise ne connut donc la reine que dans un âge avancé, la débauche ayant laissé place à la dévotion. Elle a certainement fait partie de sa petite cour à Usson, où elle exerça sa charge sous une « Madame de Vermont », première dame d’honneur. Cette forteresse médiévale, la principale d’Auvergne alors, renforcée par Louis XI, dût être une résidence bien froide et austère pour ces dames de la Renaissance, mais Margot y réunissait quelques beaux esprits. On ne peut en voir de nos jours que les ruines, puisqu’elle a été abattue sur ordre de Richelieu en 1634, comme tant d’autres.

Françoise a sans doute accompagné Margot à son retour à Paris et résidé avec elle à l’Hôtel de Sens – où elle a dû mourir – mais n’a pu connaître son nouvel « Hôtel de la Reine», face au Louvre sur la rive gauche, au Pré-aux-Clercs, construit à partir de 1606 et aujourd’hui disparu.

Elle n’aura sans doute pas beaucoup vécu à Favray, une terre de son époux, avec qui elle n’eut que trois ou quatre ans de vie commune, à supposer que leurs obligations respectives ne les aient pas constamment éloignés l’un de l’autre. François se remaria en 1609 et eut une postérité.

Il reste incompréhensible que l’historiographie régionale n’ait pu accéder à des documents qui éclaireraient le destin de cette jeune femme, issue de la plus importante dynastie donziaise, au-delà des quelques mots gravés sur sa pierre tombale.

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Figures donziaises dans la Révolution : le marquis de Bonnay

Le marquis de Bonnay (1750-1825) fut un personnage important des débuts de la Révolution, dans le camp des monarchistes, mais acquis aux idées nouvelles.

En Donziais il était un seigneur modeste, n’y possédant que la petite terre de Presle, détachée au XVIIème siècle de celle de Suilly, apportée par son aïeule Marie Lucquet, d’une famille de notaires de Donzy.

Restes du manoir de Presle

Il était le dernier représentant d’une lignée chevaleresque originaire du Bourbonnais, implantée également en Berry et en Nivernais, connue depuis le XIVème siècle, né au château de la Grange à Cossaye (58).

Après avoir été page du roi Louis XV (1765) il avait été reçu dans la prestigieuse « compagnie de Villeroy » des Gardes du Corps, et avait accédé aux grades de capitaine puis de mestre de camp de Cavalerie.

A 39 ans, il entama une carrière politique en devenant député suppléant de la noblesse du Nivernais-Donziais aux Etats-Généraux, où il siégea rapidement comme titulaire après la démission du comte de Damas d’Anlezy. Il joua dès lors un rôle marquant aux Assemblées Constituante puis Législative, dont il fut élu Président deux fois en avril puis en juillet 1790. Il est connu principalement pour sa contribution décisive à l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il avait participé à sa rédaction et animé avec brio les débats pour obtenir un consensus qui paraissait impossible. On lui doit en particulier plusieurs points essentiels comme la non-rétroactivité des lois pénales ou encore l’article 10 sur la liberté d’opinion.

Ancien élève du Collège des Oratoriens de Juilly, dont les méthodes participatives d’enseignement faisaient appel à l’intelligence et non plus seulement à l’apprentissage répétitif, Bonnay s’était ouvert aux idéaux des Lumières, tout en restant fidèle à la couronne par atavisme familial, prônant donc une monarchie tempérée.

Le destin funeste du roi devait mettre fin rapidement à sa première carrière politique. Au lendemain de Varennes, il fut accusé d’avoir été informé de la fuite du roi et de ne pas l’avoir dénoncée. Mais il s’en défendit avec clarté et succès : « Si le roi m’avait consulté, dit-il, je ne lui aurais pas conseillé ce voyage ; mais si j’avais reçu l’ordre de l’accompagner, je me serais empressé d’obéir et de mourir à ses côtés ».

Quand le pouvoir fut retiré au monarque, il décida de ne plus prendre part aux délibérations de l’Assemblée, dont il avait refusé de prendre à nouveau la présidence en décembre 1790. Il émigra alors avec le comte de Provence – futur Louis XVIII – pour remplir près de lui les fonctions de ministre pendant son séjour à Varsovie, puis en Angleterre.

La Restauration le ramena aux affaires. En juin 1814, il fut nommé ministre plénipotentiaire à Copenhague et resta à ce poste pendant les Cent-Jours. Nommé Pair de France en 1815, il vota pour la mort dans le procès du maréchal Ney. Il fut promu lieutenant-général la même année et nommé en 1816 envoyé extraordinaire et plénipotentiaire à Berlin.

Il acheva son brillant parcours comme ministre d’État, membre du Conseil privé du Roi (1820) et gouverneur du château de Fontainebleau (1821). Il mourut le 25 mars 1825 à Paris laissant deux enfants de sa première femme, fille d’un riche bourgeois de Valenciennes.

Il avait eu plusieurs maîtresses dont la fameuse « madame de La Briche », Adélaïde Prévost, fille d’un Receveur général et femme d’un Introducteur des Ambassadeurs, d’une riche famille de Fermiers généraux, qui l’avait laissée veuve très jeune. Elle tenait un salon brillant qui prenait ses quartiers d’été au château du Marais, où Bonnay fut assidu.

Véritable rival de Mirabeau au sein de l’assemblée, Charles François de Bonnay – plus rigoureux à certains égards que « l’Orateur du Peuple » – est tombé dans l’oubli car si son rôle personnel fut important au tout début de la Révolution, il s’en était éloigné très vite. Sa seconde carrière sous la restauration fut moins marquante.

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Figures donziaises dans la Révolution : Toulongeon

Avec François-Emmanuel de Toulougeon (1748-1812), historien et homme politique, voici une autre de ces figures mutantes, de l’ancien monde au nouveau au tournant du XIXème siècle.

Le vicomte de Toulongeon appartenait par sa famille paternelle, connue depuis le XIIIème siècle, à la noblesse franc-comtoise d’ancienne extraction chevaleresque. Fils cadet du comte de Toulongeon, né au château de Champlitte (Haute-Saône), il siégea aux Etats-Généraux au titre de la noblesse de Franche-Comté, puis fut député de la Nièvre à l’Assemblée législative, du fait de son installation en Nivernais.

Ayant renoncé aux Ordres religieux auxquels sa famille le destinait, il avait mené une carrière militaire jusqu’au grade de « colonel des Chasseurs de Franche-Comté ». Mais à la différence de ses deux frères, officiers généraux démissionnaires en 1792, il adhérait aux idées nouvelles et n’émigra pas.

Dans son discours d’admission à l’Académie de Besançon en 1779, il avait montré ses préférences en faisant l’éloge de Voltaire et de Fontenelle. Il s’était fait connaître à l’occasion des Etats de Franche-Comté réunis à Quingey, en publiant en 1788 des « Principes naturels et constitutifs des assemblées nationales », qui montraient un intérêt pour une monarchie constitutionnelle, le désignaient à l’attention de ses pairs, et lui permirent d’être élu du Bailliage d’Aval (Lons-le-Saulnier) ; son frère l’étant au Bailliage d’Amont.  En juin 1789 il fut parmi les premiers à choisir de siéger avec le Tiers.

Retiré à la campagne en 1791, à la fin de l’Assemblée Constituante, il se consacra à l’histoire, à la littérature, à la gravure et à la musique dans son château du Grand-Sauzay à Corvol-l’Orgueilleux, dont nous avons proposé l’histoire, qu’il tenait de la marquise d’Azy, sœur de sa mère.

L’ancien château (ferme fortifiée) du Grand-Sauzay à Corvol-l’Orgueilleux

Il montra toujours un intérêt intellectuel pour la vie publique, publiant par exemple en l’an IV un « Manuel révolutionnaire » qui lui valut d’être élu à l’Institut dans la classe des sciences morales et politiques. Le moment venu, il rallia l’Empire et fut à nouveau, malgré ses réticences vis-à-vis de l’action politique, député de la Nièvre en 1802, siégeant au Corps Législatif jusqu’à sa mort en 1812.

Toulongeon est surtout connu pour son « Histoire de la France depuis la Révolution de 1789, écrite d’après les mémoires et manuscrits contemporains recueillis dans les dépôts civils et militaires » (Trettel et Würtz, 1801-1810), qui eut un grand succès. Mais il s’intéressa également à l’économie et à la botanique, et publia de nombreuses études ou travaux pour l’Institut.

Jacques Bertaux : « La prise des Tuileries » 

Il avait épousé Emilie Bertaux, fille du peintre Jacques Bertaux, dont il n’eut pas d’enfants. En mars 1801 furent publiées des « Lettres de la Vendée, écrites en fructidor an III, jusqu’au mois de nivôse an IV » signées Emilie T. Ces lettres d’une femme constituent le roman des amours contrariés de Louise, la noble Vendéenne, et de Maurice, le gendarme républicain.

Œuvre de réconciliation au lendemain de la guerre de Vendée, le roman met en scène la vie quotidienne pendant la Révolution et propose une réflexion originale sur les relations entre les femmes et les hommes. Si Louise parvient à aimer librement Maurice, la Vendée pourra consentir à la République. Certains critiques considèrent, en raison des analyses politiques que l’œuvre recèle, que Toulongeon en était l’auteur.

Petit château du Grand-Sauzay (XVIIIème)

Retiré en Donziais, François-Emmanuel de Toulongeon fut un « honnête homme » du XVIIIème siècle, ouvert aux idées des Lumières, prêt à renoncer à ses privilèges et adepte d’une monarchie constitutionnelle. Il fut un analyste clairvoyant de la Révolution – depuis son cabinet qui dominait la vallée du Sauzay – plutôt qu’un de ses acteurs.

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La belle dame de la Motte-Josserand (1650-1685)

(Portrait : Hortense Mancini, duchesse de Mazarin et de La Meilleraye)

Depuis 1447, date de son acquisition par le Chancelier Jean Jouvenel des Ursins, la Motte-Josserand, forteresse mythique du Donziais au bord du Nohain à Perroy, dont nous avons souvent parlé, passait par héritage de famille en famille.

Mais vers 1650 elle fut vendue par son dernier héritier, le maréchal de Vitry, au duc de Villars. Ce fut la première d’une série de cessions qui fit de ce haut lieu de la Guerre de Cent Ans un simple objet de spéculation. Les seigneurs n’y résidaient généralement pas : le château était solide – n’est-il pas toujours debout ? – mais inconfortable pour ces habitués des beaux hôtel parisiens.

Le duc de Villars fit don de La Motte-Josserand à Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles, lieutenant général, frère de sa première épouse. Cette grande famille lorraine avait donné un siècle plus tôt deux prieurs de La Charité : Robert de Lenoncourt (1510-1561), archevêque de Toulouse et cardinal, mort au prieuré où il s’était retiré, et son neveu Philippe de Lenoncourt (1527-1592), évêque d’Auxerre, lui aussi cardinal et surtout proche conseiller du roi Henri III.

Lenoncourt, en Lorraine : « D’argent à la croix engrêlée de gueules »

La fille de Joachim, Marie Sidonie de Lenoncourt, (1650-1685), encore enfant, resta seule héritière de ses grands biens, dont la Motte-Josserand. Devenue marquise de Courcelles  par son mariage avec Charles de Champlais, lieutenant général de l’Artillerie, neveu du maréchal-duc de Villeroy, elle eut une vie mouvementée. Son incorrigible galanterie et l’éternelle convoitise des hommes, la perdirent. Ses Mémoires donnent un récit édifiant des passions et des malheurs de cette ravissante jeune femme, dans les premières années du règne de Louis XIV.

Sidonie de Lenoncourt, marquise de Courcelles, dame de La Motte-Josserand

Soustraite très tôt à l’influence jugée néfaste de sa mère, une princesse allemande qui menait une vie déréglée, elle fut élevée par une tante austère, abbesse de St-Loup d’Orléans. Mais elle fut retirée à l’autorité de l’abbesse par Colbert qui convoitait son nom et sa fortune pour son frère Maulévrier. Elle fut donc confiée par lui à la garde de Marie de Bourbon-Condé, princesse de Carignan et subit auprès d’elle à l’hôtel de Soissons, haut-lieu de l’intrigue, l’influence déplorable de sa belle-fille, Olympe Mancini, nièce du cardinal Mazarin, dont la vie ne fut que scandales.

Prise dans un maelström de débauche et de pouvoir, elle fut mariée à 16 ans au marquis de Courcelles par les sœurs de ce dernier dont l’objectif était de la pousser dans le lit de Louvois, qui se consumait d’admiration pour elle. Malgré l’aversion qu’il lui inspirait, elle fut contrainte de devenir la maîtresse du puissant ministre à 18 ans.

Elle entama peu après avec François de Neufville, duc de Villeroy, maréchal de France, un cousin de son mari, une carrière amoureuse pleine de rebondissements. Villeroy, qui avait d’autres attachements, l’abandonna à la colère de son mari trompé, qui l’exila à Courcelles chez sa belle-mère. Elle y rencontra un certain sieur de la Ferrière dont elle eut une fille qui ne vécut pas.

Le marquis de Courcelles, excédé, la fit alors enfermer au couvent des Filles de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine – dont seule l’église subsiste, devenue un temple protestant – . Elle y retrouva Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, sœur d’Olympe, aussi jolie et délurée qu’elle et que leur sœur Marie, le premier amour du jeune Louis XIV. Toutes trois étaient soeurs de Philippe Mancini, duc de Nivernais, suzerain de la Motte-Josserand à cause de Donzy. Le mari d’Hortense, duc de la Meilleraye, Grand-Maître de l’Artillerie, avait placé sa femme dans ce couvent pour les mêmes raisons. Sidonie s’en échappa après quelques mois, mais les jalousies additionnées de son mari et de Louvois lui valurent d’être enfermée à la Conciergerie, et condamnée en 1672 au cloître et à la confiscation de ses biens.

Mme de Sévigné s’en amusait : « L’affaire de Mme de Courcelles réjouit fort le parterre ; les charges de la Tournelle sont enchéries depuis qu’elle doit être sur la sellette. Elle est plus belle que jamais, elle boit, et mange, et rit, et ne se plaint que de n’avoir point encore trouvé d’amants à la Conciergerie. »

Grâce à quelque complicité, elle parvint à nouveau à échapper à ses gardiens et gagna la Franche-Comté puis Genève, Annecy, et Avignon, non sans de nouvelles aventures. Elle rejoignit alors Hortense à Londres, où elle était devenue la maîtresse du roi Charles II. Revenue à Paris et enfin veuve, Sidonie fut à nouveau arrêtée en 1678, car son beau-frère avait repris les charges contre elle. Elle ne fut libérée qu’en 1680 et épousa cette fois un obscur capitaine de dragons, Jacques Gaultier. Elle mourut 5 ans plus tard, sans descendance .

Il est probable que ses passions, ses enfermements et ses exils ne lui laissèrent pas l’occasion de venir à la Motte-Josserand, dont ses hommes de loi s’occupaient et qui fut vendue sur saisie après sa mort. Un acte de 1694 conservé aux archives de l’Yonne évoque : « les droits des sieurs François Le Boultz de Chaumot et Gaspard Brayer, conseiller au Parlement, adjudicataire au prix de 30.000 L. de la terre et seigneurie de La Motte-Josserand, saisie réellement sur les successions de Marie-Sidonie de Lenoncourt, épouse de Jacques Gaultier, sgr du Tilleul…etc. »

En ce siècle de tous les débordements, la beauté et la richesse, privées des remparts de la vertu, avaient valu bien des déboires à cette belle « dame de la Motte-Josserand ».

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