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1523 : le dilemme des seigneurs donziais…

(Illustration : sceau de la Prévôté de Villeneuve-le-Roi)

Nous avons souvent évoqué la dualité qui caractérisait la baronnie de Donzy : elle appartenait aux comtes puis ducs de Nevers depuis Hervé IV de Donzy, mais ils la tenaient en fief des évêques d’Auxerre, à qui ils devaient, bon gré mal gré, rendre hommage.

Revenons sur la fameuse « affaire du Bailliage », que nous vous avons déjà présentée, qui illustrait parfaitement cette dualité. Le diocèse d’Auxerre, incluant le comté et les baronnies de Donzy, Toucy-Saint-Fargeau et Saint-Verain, releva du vaste Bailliage royal de Sens, l’un des premiers créés, puis de la Prévôté de Villeneuve-le-Roi (aujourd’hui Villeneuve-sur-Yonne) qui en dépendait. Lorsque le comté d’Auxerre fut englobé dans le domaine royal le roi décida d’y établir un nouveau bailliage (1371), associé à Sens puis de plein exercice, dont le ressort devait englober « tous les territoires compris entre la Loire, la Cure et l’Yonne », au grand dam des officiers de Sens et de Villeneuve dont les affaires allaient en pâtir. Cela alimenta une querelle interminable.

Les seigneurs donziais étaient partagés : ils souhaitaient absolument conserver la Coutume d’Auxerrois qui les avait toujours régis, mais ne voulaient pas être agrégés au Gouvernement de Bourgogne avec le comté d’Auxerre. Leur baron, à qui ils rendaient hommage – qui n’était pas alors le maître de Nevers, mais son beau-frère Odet de Foix, « maréchal de Lautrec », époux de Charlotte d’Albret -, les y encourageait. Le comte de Nevers souhaitait quant à lui unifier ses possessions sous la Coutume de Nivernais et le bailliage royal de Saint-Pierre-le-Moutier. Après de longues joutes, le Parlement de Paris avait finalement tranché cet imbroglio en faveur d’Auxerre au début de 1523.

Des séances de concertation avec les seigneurs réticents furent donc organisées pour faciliter l’exécution de cet arrêt. Le pouvoir royal était certes en marche vers l’absolutisme, mais le droit féodal venu du fond des âges avec ses justices seigneuriales, leurs baillis, leurs lieutenants et leurs geôles, ne pouvait être négligé. Les donziais auraient préféré rester dans le ressort de Villeneuve-le-Roi, qui n’était pas bourguignon, mais ils acceptèrent finalement ce rattachement à condition qu’il n’entrainât pas dépendance de Dijon, dont ils craignaient les implications fiscales. Ils obtinrent gain de cause, ajoutant une couche au mille-feuille institutionnel de l’ancien régime.

L’Abbé Lebeuf, dans son grand ouvrage « Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse » (1743), décrit en détail ces séances. C’est un catalogue des titulaires de fiefs à cette date, incomplet cependant car tous n’étaient pas présents ou représentés. L’orthographe des noms et des lieux est approximative car le digne abbé a dû déchiffrer des procès-verbaux manuscrits d’époque, comme l’avait fait un siècle plus tôt l’abbé de Marolles pour son « Inventaire des Titres de Nevers ».

Nous connaissons presque tous les protagonistes de ces séances animées par un Commissaire désigné par le Parlement : Robert Thiboust, conseiller. Son impartialité fut contestée par les sénonais non sans raisons car il était le propre neveu de l’évêque Jean Baillet (1477-1513), prédécesseur à Auxerre de François de Dinteville (1513-1530). Mais le Parlement, vaste théâtre d’influences entre ces titulaires de charges vénales, ne s’encombrait pas de ce genre de scrupule.

Voyons qui était présent à Cosne le 10 octobre 1523 – peut-être dans la belle salle du Palais épiscopal – en reprenant l’énumération de Lebeuf avec quelques indications complémentaires (un lien vous permet d’accéder aux articles correspondants) :

  • « Edmond du Chesnoy, écuyer, seigneur de Neuvy, qui fit pour sa part les mêmes remontrances qu’il avait déjà faites : que ce serait à condition que Neuvy ne serait point réputé du Gouvernement d’Auxerre» ; ceux qui suivent faisaient les mêmes réserves ;
  • « Le procureur de Simon Guytois, dit de La Grange, écuyer, seigneur d’Arquien et de la Baudière» ; ce Simon était issu des sires de La Grange du Berry, qui avaient pris le nom et les armes des Guytois, anciens seigneurs d’Arquian, après une alliance ;
  • « Claude d’Ancienville, commandeur d’Auxerre, comme seigneur de Villemouzon» ; ce commandeur de la maison mère de Villemoison, était aussi le seigneur des terres que cette petite commanderie détenait autour de Saint-Père ; le temporel avait pris le pas sur le spirituel dans ces établissements en déclin ;
  • « Marie de la Fontaine, veuve de Gilbert de Saint-Quentin, dame en partie de Miennes et de Cours, et pour le tout de la Motte, du château des Barres, de Seuilly et de Senon, en la paroisse de la Celle-sur-Loire » ; en fait Marie de Fontenay, héritière par sa mère de biens des sires de La Celle de la maison de Saint-Verain, notamment Myennes et Cours;
  • « Marie de Prenay, dame usufruitière de Pontaubry» ; fille de Miles de Pernay, sgr de Port-Aubry, au bord de la Loire, et capitaine de la tour de Cosne ; épouse de Didier d’Armes, sgr de Busseaux ;
  • « Jacques et François de Prenay, sieurs de la Bretauche», les frères de Marie qui détenaient le fief de la Bertauche, sur le plateau entre Loire et Nohain, près de Montchevreau ;
  • « François du Chesnay, écuyer, sieur de la Cour » ; frère cadet d’Edmond ci-dessus ; la maison dite « de La Cour de Judée » est la plus ancienne de Neuvy ;
  • « Jean de Vieilbourg, écuyer, sieur de Mocques, Villardeau, paroisse de Saint-Martin-du-Tronsec, et la Rivière-du-Moulin-l’Evêque, paroisse de Nuzy» ; époux de Jeanne de Fontenay, sœur de Marie ci-dessus ;
  • « Les héritiers d’Alexandre de Corvol, écuyer, sieur de Faveray et Villiers» ; il s’agit ici de Favray, avec son petit manoir Renaissance au bord du Fontbout, à St-Martin-sur-Nohain, et du hameau voisin de Villiers ;
  • «Les héritiers de Jehan Baudu, seigneur de Saint-Dandelein » ; ce marchand de Cosne, mêlé de près au conflit qui mit le comte de Nevers, dont il était l’un des hommes, aux prises avec l’évêque d’Auxerre à Cosne, en fut châtelain ainsi que de Donzy et Châteauneuf ; il détenait la terre de Saint-Andelain, au cœur du vignoble ;
  • « Pierre de Corguilleray, écuyer, seigneur de Dracy, à cause des Ormes-Secs» ; c’était le seigneur de Tracy (-sur-Loire), fief tenu du comte de Sancerre, qui détenait aussi les Ormousseaux à Saint-Père ;

Lebeuf cite enfin quelques personnages et fiefs qui n’ont pas laissé de traces : « Guillaume Charnier ou Charmois, écuyer, sieur de Launay-les-Neuvy ; Renaud de Prégrimaud, écuyer, seigneur de Damemarie, tuteur des enfants de Charles Tholet ou Cholet, sieur du Mont et de Regard ; Jeanne Maillard , dame de l’Espineau ; Marguerite de Bruillard, veuve de François Léger, comme dame de la Celle, avec les enfants de Jean Baudu ; Pierre Boucher, écuyer… » . Il nous faudra les retrouver.

Ces quelques pages très vivantes énumèrent des titulaires de fiefs à l’ouest du diocèse, à qui ce rattachement pouvait poser problème, au cours de séances tenues également à Varzy, Donzy, Druyes, Saint-Fargeau et Clamecy au cours de ce même mois. Notre baronnie n’y est pas mentionnée comme échelon intermédiaire, alors que les protagonistes, sauf quelques exceptions à Saint-Fargeau, Varzy et Clamecy, étaient des seigneurs dont la justice relevait en appel du Bailli de Donzy. Il est vrai que les instances royales à Auxerre et Saint-Pierre-le-Moutier, transformées peu après en Sièges présidiaux, prenaient progressivement le pas sur celles de Donzy et de Nevers.

Quoiqu’il en soit, le dilemme des Donziais, dont Lebeuf témoigne fidèlement malgré son atavisme auxerrois, rappelle une fois encore la singularité de ce territoire écartelé entre deux dépendances, que des auteurs contemporains ont complètement identifiée et nous ont permis d’approcher.

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Bèze, à Lucy-sur-Yonne

     (Illustration : Théodore de Bèze)

     Le manoir de Bèze (parfois écrit Besze dans les actes) à Lucy-sur-Yonne, au bord de l’Yonne canalisée, face à Crain, était le siège d’un fief ancien relevant de Chatel-Censoir, qui avait peut-être donné son nom à la famille du théologien calviniste Théodore de Bèze, établie à Vézelay et en Nivernais.

Mais le premier seigneur repéré par un acte est un Jean de la Rivière. Le fief paraît ensuite divisé entre ses descendants, issus de plusieurs enfants (naturels ?) qu’il aurait eu d’une certaine Marguerite de Miniers. Claudine de la Rivière en apporta une partie à Adrien de Loron, sgr de Maison-Blanche à Crain, face à Bèze sur la rive gauche de l’Yonne, d’une lignée très engagée dans le camp huguenot. Bien qu’on relève d’autres titulaires postérieurement, il est possible que Bèze soit resté associé à la possession de Maison-Blanche.

Voyez ci-dessous une première notice sur l’histoire de ce fief, dont la dévolution, notamment à l’origine et au XVIIIème siècle, reste mystérieuse. Peut-être pourrez-vous nous aider à l’éclaicir ?

Bèze (V2 du 3 oct 2024)

 

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« Marchands de bois pour la fourniture de Paris »

Alors que dans la vallée du Nohain, au cœur de la baronnie de Donzy, l’essor des moulins à forge avait profondément bouleversé l’économie rurale, dans celle de l’Yonne – dont l’ancien Donziais incluait un tronçon autour de Chatel-Censoir, ainsi que le cours du Sauzay jusqu’aux portes de Clamecy – la fourniture du bois de chauffage pour la capitale joua ce même rôle à partir du XVIème siècle.

Initié à Moulins-Engilbert et à Clamecy par Rouvet et Sallonyer, le flottage des bois du Morvan depuis la Cure, l’Yonne et leurs affluents,  jusqu’au port de la Tournelle à Paris via la Seine, connut un développement exceptionnel qui perdura jusqu’au début du XXème siècle. Chatel-Censoir, comme Coulanges, Mailly-la-Ville ou encore Vermenton, en était une étape importante. C’est aux pieds de la vieille cité que le système des « trains de bois » fut expérimenté, qui remplaça avantageusement les bateaux dont les opérations de chargement et de déchargement alourdissaient le prix des bûches vendues à Paris.

« Aujour d’huy est venu au Bureau de la Ville maistre Charles Leconte, maistre des œuvres de charpenterie de l’Hostel de ceste ville de Paris, lequel nous a dict et remonstré avoir fait charroyer d’une vente de boys par luy prinse de Madame la duchesse de Nevers, les boys des Garammes près Chasteau-Sans-Souef (NDLR : Chatel-Censoir), pays de Nivernoys, grande quantité de bois de chauffage dont à présent il en a faict admener du port du dict Chasteau-Sans-Souef, sur la petite rivière d’Yonne, tant par la dicte petite rivière d’Yonne, la grande rivière d’Yonne et rivière de Seyne, à flotte, liez et garottez, la quantité de trois grans quarterons de mosle au compte du boys, et arrivez ce jour d’hier en ceste ville de Paris, au port des Célestins, pour l’expérimentation et première foys qu’il ayt esté admene boys de chauffage en flotte du pays d’amont, et affin d’en faire admener cy-après, en la dite sorte à ses dangers, despens, périls et fortunes. » (Procès-verbal du bureau de la Ville de Paris, 21 avril 1547)

A l’instar de la forge, cette activité donna du travail à des milliers d’hommes, parfois très jeunes – un travail difficile et dangereux, notamment sur les trains de bois – et fut très lucrative pour des dynasties marchandes industrieuses. Ces familles ne manquèrent pas, la fortune venue, de se doter d’assises foncières, ajoutant des noms de terres à leurs patronymes et permettant à leurs enfants d’accéder à des charges civiles ou militaires. Comme les maîtres de forges, ils furent les nouveaux « seigneurs » de la contrée. Ils passèrent généralement sans dommage au travers de la tourmente révolutionnaire, qui ne les visait pas et n’interrompit pas leur industrie.

Chatel-Censoir était le centre d’affaires de plusieurs d’entre elles qui y ont laissé des traces. On y trouve notamment, au cœur du bourg, la Maison de Vaulabelle et la Maison Gandouard. Sur les coteaux alentours dominant les méandres de l’Yonne, et dans de petites vallées, se trouvent les domaines dont ils prirent les noms pour distinguer leurs différentes branches et afficher leur nouveau statut.

Vaux-la-Belle, transformé en Vaulabelle, est l’un d’eux, aujourd’hui abandonné en haut d’un vallon, au contact du Vézelien. Ce joli nom a même accédé à la notoriété nationale, par le truchement d’Achille Tenaille de Vaulabelle (1799-1879), député de l’Yonne et éphémère ministre de l’Instruction Publique du gouvernement républicain de Cavaignac, en 1848. Il appartenait à l’une des branches de la dynastie Tenaille, « marchands de bois pour la fourniture de Paris » dès le XVIIème siècle, à Chatel-Censoir et Mailly-la-Ville. Son frère Eléonore Tenaille de Vaulabelle (1801-1859) fut quant à lui un littérateur d’un certain renom en son temps, malgré une discrétion soigneusement cultivée. D’autres membres de cette famille occupèrent des fonctions importantes à Paris et ailleurs.

Le nom de Vaulabelle a été donné à sa maison natale à Chatel-Censoir, construite en 1742, dont l’allure seigneuriale témoigne de la position acquise par les Tenaille dans la région.


La maison de Vaulabelle

Nous avons déjà rencontré d’autres branches de cette famille à la Roussille et à Saint-Cyr près d’Entrains, ainsi qu’à Bazarnes en amont de Clamecy, au XVIIIème siècle. Une généalogie complète des Tenaille a été donnée par un ouvrage consacré  à « La famille d’Achille Tenaille de Vaulabelle » (par F. Berthier de Grandry, chez l’auteur). On y trouve mentionnées leurs nombreuses possessions, dont certaines ont complètement disparu.

La Maison Gandouard, appelée parfois « le château » localement, est un élégant hôtel particulier de style Directoire construit au cœur du bourg par un membre de cette famille : Jean Baptiste Gandouard de Montauré (1742-1813), maire de la ville. Elle illustre le statut social de cette autre dynastie de marchands de bois, connue depuis un certain Romulus, originaire de Sens, installé à Clamecy. Son fils François est cité comme « Lieutenant criminel et civil de la châtellenie de Chatel-Censoir » vers 1650 ; une charge dans laquelle son fils Godefroy lui a succédé.

La maison Gandouard

Les Gandouard se sont alliés à des familles de marchands de bois établies à Chatel-Censoir : les Robineau, venus de Paris, ou les Pirethouy, notables connus localement depuis le XVIème siècle. Ils en ont hérité de biens dans la région ou en ont acquis d’autres : Montauré, Saint-Marc, ou encore Magny, dont ils ont pris le nom.

On pourrait citer bien d’autres exemples de réussites autour de ce commerce lucratif, qui s’ajoutent à ceux de leurs homologues de Clamecy et de Moulins-Engilbert. Des forêts du Morvan à Paris, les cours des ruisseaux, des rivières et du fleuve se sont animés pendant 400 ans de cette activité audacieuse et prolifique, avant qu’elle ne soit supplantée par l’essor du charbon, comme la forge artisanale l’a été par la grande métallurgie.

Voyez des informations précises sur le flottage et de belles illustrations de ce passé glorieux sur des sites spécialisés comme :

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« Seigneurs de Chatel-Censoir » ?

(Illustration : armes des sires de Mont-Saint-Jean)

Un habitué de ce site féru de généalogie médiévale bourguignonne a relevé l’existence de « seigneurs de Chatel-Censoir » dont nous n’avons pas parlé. Il s’interroge sur leur statut alors que cette cité était le siège d’une châtellenie de la baronnie de Donzy.

Nous avons évoqué Chatel-Censoir dans un court article. C’était une terre patrimoniale des Chalon-Vergy à l’instar de Donzy, dont elle a partagé le destin. La petite cité d’origine gallo-romaine au bord de l’Yonne, dominée par les restes d’une forteresse, était effectivement à la tête d’une châtellenie. L’Inventaire des Titres de Nevers nous en donne l’étendue, relativement modeste ; elle incluait outre Chatel-Censoir : les paroisses de Lucy, Lichères, Crain, et Surgy. Le contrôle de ce château fut disputé aux barons par les comtes de Nevers au XIIème siècle, comme Cosne et Châteauneuf. La rivalité ne cessa que lorsque les deux dynasties s’unirent. Ils y nommaient des châtelains, comme les Wibert, les Ascelin, des seigneurs possessionnés dans la vallée de l’Yonne, ou encore les sires de La Rivière.

Mais il y eut en effet aussi des seigneurs particuliers de Chatel-Censoir. La question posée par notre ami nous donne donc l’occasion d’approfondir ce point en étudiant la dévolution de ce titre et des droits qui y étaient associés.

Nous avons déjà rencontré de tels fiefs distincts de la châtellenie à Druyes ou à Saint-Sauveur, sites de statut comtal, mais de façon plus tardive. Le cas de Chatel-Censoir quant à lui nous fait remonter aux origines.

Le château – castrum censurii – était à l’origine celui de la famille de l’évêque gallo-romain Censure (472-502), dont il fit don à son Eglise avec la contrée qui l’entourait, comme l’avait fait avant lui le grand Saint Germain, dont il était le troisième successeur. L’abbé Lebeuf nous indique qu’il était contemporain de Sidoine Apollinaire et qu’il fut inhumé en 502 dans la crypte de l’abbaye auxerroise. Mais il n’en sait pas plus que ce qu’en dit sa très courte notice dans la Geste des Evêques d’Auxerre, sauf qu’il siégea pendant 38 ans.

Le château fut repris au IXème siècle par les Chalon-Vergy maîtres de la région, dans un contexte d’usurpation violente de biens d’Eglise. Il fut détruit dès le début du XIème siècle lors des guerres d’où sortit l’organisation territoriale définitive entre Auxerre, Donzy et Nevers, ou au XIIème siècle par le comte de Nevers Guillaume III. Les pouvoirs de commandement territorial et de justice qui y étaient associés, restèrent constamment aux mains des barons de Donzy puis des comtes de Nevers, qui les déléguaient à leurs chatelains et baillis.

Les comtes de Chalon détenaient également Entrains, Donzy et Cosne, soit cette longue bande de l’Yonne à la Loire qui constitua la baronnie de Donzy, au sud de la Puisaye et au nord du comté de Nevers. Ces terres furent placées sous la suzeraineté temporelle de l’évêque d’Auxerre après les guerres de l’An Mil, même si Chatel-Censoir, comme Avallon et Vézelay, appartenait sur le plan de l’organisation religieuse au diocèse d’Autun.

A partir de cette structuration historique, des droits féodaux particuliers sur Chatel-Censoir et ses environs, constituant un fief autonome sous la suzeraineté de l’évêque, en furent détachés par un partage ou la constitution d’une dot. Ils passèrent donc par une fille de Geoffroy de Semur, premier baron de Donzy, dans différentes familles bourguignonnes, principalement les comtes de Charny de l’antique maison de Mont-Saint-Jean (XIIIème-XIVème), qui portaient : « de gueules à trois écussons d’or posés 2 et 1 ».

Cette succession s’acheva avec Pierre de Bauffremont, comte de Charny, Maréchal de Bourgogne (1397-1472), chevalier de la Toison d’or, qui échangea ses droits sur Chatel-Censoir avec Jean de Ferrières, dont nous connaissons la famille qui tenait son nom d’un fief de la châtellenie de Druyes : Ferrières. Il était l’aïeul du fameux Jean de Ferrières, Vidâme de Chartres, compagnon d’armes du Prince de Condé réfugié en Angleterre après la défaite de Jarnac.

Divers éléments qui composaient ce fief à l’origine, à Chatel-Censoir même et dans les paroisses alentour, dont la Grange de Lichères et surtout Faulin, dont nous avons étudié l’histoire, en avaient été détachés au fil du temps, rachetés ou repris par le comte de Nevers ou des seigneurs locaux. A la fin du XVème siècle, lors du dernier hommage répertorié à l’évêque d’Auxerre (1484), cette seigneurie était réduite à peu de choses. Elle n’a plus laissé de trace ensuite, sans doute parce-que ses différentes composantes ont été dispersées.

Nous avons tenté dans la notice ci-dessous de reconstituer la dévolution du fief de Chatel-Censoir, grâce à l’apport décisif des « Recherches sur l’Histoire de Chatel-Censoir » proposées par le « Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne » (1880).

Nous sommes évidemment preneurs d’informations complémentaires qui permettraient de mieux comprendre ce cas particulier et de repérer la dévolution de ce fief à partir de la fin du XVème siècle.

Seigneurie de Chatel-Censoir (V1 du 7 avril 2023)

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