Tous les articles par Administrateur

La valse des noms…

Les relations entre noms de fiefs et noms de familles, du Moyen-Age à la Révolution, ont été complexes et évolutives. « L’inventaire des Titres de Nevers » de l’abbé de Marolles, est une source précieuse pour en apprécier la diversité.

L’étude des familles seigneuriales du Donziais que nous proposons sur ce site offre un panorama complet. Elle met en évidence une déconnection assez rapide des noms de familles et de terres, qui accompagne le passage progressif de la féodalité à un régime de propriété rurale classique. Mais les noms de fiefs connaitront un regain d'intérêt aux XVIIIème et XIXème siècles.

Le seigneur du Moyen-âge, soldat et justicier dans son fief, exprime sa fidélité à son suzerain – ici le baron de Donzy, puis le comte de Nevers – par un hommage. L’usage s’installe de l'identifier en associant à son nom – nos prénoms d’aujourd’hui : Jean, Geoffroy, Guillaume…– celui de sa terre : Geoffroy, baron de Donzy ; Jean, sire de La Rivière. Cette appellation devient progressivement, aux XIIème et XIIIème siècles, le nom de sa famille :  famille de Courvol, ou famille de Pernay.

Les cadets se voient dotés de fiefs secondaires, dont le nom identifie leur branche : Jacques de La Rivière, seigneur de La Garde (Perroy) ; Jean de La Barre, seigneur de Gérigny (La Charité), Hugues de Saint-Verain, sgr de la Maison-Fort (Bitry). Au fil du temps, ce nouveau nom est parfois substitué à l’ancien dans l’usage courant : M. de La Maison-Fort (famille du Bois des Cours).

Mais l’usage du nom d’une terre pour désigner une famille souffre de nombreuses exceptions. Il n’est pas rare que des familles anciennes tenant des fiefs importants soient connues sous de simples patronymes ou surnoms : ainsi des Le Muet, seigneurs de Corbelin (à La Chapelle-Saint-André), des Le Paulmier, seigneurs de La Rachonnière et des Granges (à Suilly), des Girard, seigneurs de Passy (à Varennes-les-Narcy), ou encore des illustres Damas, vicomtes de Druyes, de la même souche que les barons de Donzy eux-mêmes, dont le nom est issu du gallo-romain Dalmatius.

Certains fiefs paraissent n’avoir jamais donné leur nom à une lignée, ou bien sa trace est oubliée. La Motte-Josserand (à Perroy) – nommée ainsi par référence à Josserand de La Rivière son fondateur -, Vergers (à Suilly) ou Mocques (à Saint-Martin-sur-Nohain), sont dans ce cas.

Il y a beaucoup plus de fiefs que de familles nobles subsistant dans la durée : la plupart d’entre elles en détiennent donc plusieurs, proches ou plus éloignés – parfois même une liste imposante : ainsi François de la Rivière (+1536) est vcte de Tonnerre, sgr de la Rivière, Corvol-d'Embernard, Champlemy, Colméry, Ciez, Challement, Arzembouy, Sophin, vcte de Quincy, sgr d'Authiou, baron de Seignelay, et sgr de Lurcy-le-Châtel…-. Certains fiefs sont donc cités comme possessions complémentaires, ce qui n’exclut pas un château et un vaste territoire.

Au fil du temps la structuration féodale est devenue très complexe : un véritable écheveau de terres, de familles et d'allégeances s'est constitué, dont les fils sont ardus à dénouer. Par l’effet des partages et des alliances, des terres, même principales, sont détenues par des familles portant d’autres noms, venues parfois d’autres provinces : ainsi des Chabannes, seigneurs de Vergers, ou des Pernay, une lignée locale dont le fief d’origine (à Nannay) est passé à d’autres et qui s’est déplacée vers Cosne (Port-Aubry et le Magny à Suilly). Il arrive même qu’une famille donne son nom à un château, comme l’ont fait les sires de Menou, venus du Poitou, à Nanvignes au XVIème siècle.

 

Le seigneur des XVIème-XVIIème siècles continue à respecter les formes anciennes, comme en attestent les titres, et à détenir les droits traditionnels, mais il réside moins souvent sur place où il est simplement représenté, et s’allie dans d’autres provinces. Pour financer sa carrière militaire ou sa vie de courtisan, il cède des fiefs, notamment à la bourgeoisie montante, ou en acquiert de nouveaux avec les ressources que lui procurent ses « charges ».

Les noms des lignées et ceux des fiefs se différencient alors complètement. Il devient très rare que le seigneur d’un lieu en porte le nom : Henri de Morogues (en Berry) est seigneur de Fonfaye ; Jean d’Armes (près de Clamecy) est seigneur de Vergers. La Rivière fait exception : le fief reste entre les mains de la famille de ce nom jusqu’au début du XVIIIème siècle.

 

A la veille de la Révolution, le maître d’un château, toujours appelé « haut et puissant seigneur » dans les titres, et considéré comme tel par des " manants " plus ou moins affranchis, peut avoir des origines diverses. Il est rarement issu d’une lignée d’extraction chevaleresque, dont seuls quelques exemples subsistent. Il appartient plutôt à une famille parlementaire ou de la bourgeoisie d’affaires : ainsi des Lamoignon, qui possèdent de nombreux fiefs en Donziais et inventent même celui de « Lamoignon » à la sortie du bourg ; des Le Peletier, maîtres de Saint-Fargeau et de bien d’autres terres en Puisaye, ou encore des Nigot à Saint-Sauveur.

Le pouvoir féodal ancien, notamment judiciaire, s’est étiolé au profit des institutions ducales et royales, qui sont devenues largement compétentes. Il se concentre sur des questions d’économie rurale : le seigneur est devenu un simple « propriétaire ».

Pourtant il ajoute souvent à son patronyme bourgeois le nom d’une terre précédé d'une particule, pour le rallonger, et parfois même tenter de le faire oublier. Le XVIIIème siècle est l’heure de gloire de ces familles de la nouvelle noblesse : les Frappier de Montbenoit, ou les Maignan de Champromain.

Après l’épisode révolutionnaire au cours duquel on masque la particule pour échapper à l'opprobre ambiant ("M. Dubois-Descours"), la Restauration marque le grand retour de l'usage des noms de fiefs. Le regain des signes nobiliaires va même jusqu’à placer des particules devant des patronymes, les transformant en lieux imaginaires : les Damas d'Anlezy deviennent ducs "de Damas" ; ils n'avaient pourtant nul besoin de cet artifice.

Le chercheur moderne peine à s’y retrouver dans ce maquis. La succession à la tête des fiefs est difficile à appréhender si des sources précises ne sont pas disponibles. Leur importance réelle s'apprécie mal ex-post : tel grand château ne domine plus que quelques arpents ; tel petit manoir est à la tête d'une vaste propriété. Les plus grands noms peuvent se trouver « seigneurs d’un colombier, d'une crapaudière et d’une garenne » (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1), quand des bourgeois obtiennent l’érection d’une terre tout juste acquise, en marquisat.

Malgré nos recherches approfondies grâce à toutes les sources disponibles, cette confusion et cette difficulté sont à l’origine d’erreurs dans nos documents. Nous ne pourrons les corriger qu’avec votre concours, en particulier si vous avez accès à des archives locales ou familiales.

 

D enluminé

Share

BONNE ANNEE !

Bonne année à toutes les visiteurs du site, avec une mention particulière pour les contributeurs !

Que 2017 nous permette d'approfondir ensemble notre connaissance de l'ancien Donziais, qui éclaire notre passion partagée pour cette petite région, à la prospérité de laquelle nous sommes attachés !

Merci à l'avance de vos contributions à venir !

 

D enluminé

Share

Perchin, à Treigny

(Illustration : armes de La Rivière)

Perchin, aujourd’hui un hameau de la vaste commune de Treigny, avait conservé jusqu’au début du XXème siècle, des restes d’un ancien manoir seigneurial, et notamment une porte à linteau du XVème siècle.

Ce fief avait été tenu pendant longtemps par les sires de La Rivière, à qui cette terre avait été apportée par Isabeau de Chassin au XIIIème siècle.

Il passa ensuite aux La Ferté-Meung (voir la notice Beauvais-Lainsecq) puis aux Carroble, Le Caruyer, Perreau et Bonnin par des alliances.

Perchin fut en fait un fief secondaire, associé à des fiefs principaux comme Champlemy et Beauvais-Lainsecq. Au XVIIème siècle il était dans les mains de Jacqueline de Menou et fut dès lors associé à la possession de Ratilly.

Voyez ci-dessous la succession des seigneurs de Perchin, qu’on rencontre sur plusieurs autres sites :

Perchin  (V2 du 16/9/21)

D enluminé

Share

Le Chevreau de Cosne

Aux portes de Cosne, presque inclus dans la ville, le château de Montchevreau, appelé aussi « le Chevreau » autrefois, a abrité l’enfance du marquis de la Maison-Fort, agent des Princes pendant la Révolution et l’Empire, dont les Mémoires retracent de façon très imagée dans leurs premiers chapitres la vie d’un jeune et riche officier, en Nivernais, à la fin de l’Ancien Régime.

D’une facture très classique (XVII-XVIIIème), ce château a sans doute remplacé un édifice plus ancien, dont quelques traces subsistent.

Ce fief a été associé à celui, voisin, de la Bertauche, dont il est peut-être issu, et tous deux sont proches de Port-Aubry, au sud de Cosne, sur le versant de la Loire. Il sont passés par acquisition dans les mains de riches parlementaires et officiers royaux aux XVIIème et XVIIIème siècles, dont l’un a dû faire construire le château actuel, avant d’être acquis par les du Bois des Cours, de la Maison-Fort.

Voyez ci-dessous l’état actuel de nos connaissances sur la succession des seigneurs de La Bertauche et de Montchevreau, qui demande à être précisée sur plusieurs points. 

Un contributeur du site, A. Boucher-Baudard, grand connaisseur de la région de Cosne, a permis par ses recherches approfondies d’enrichir considérablement cette étude (Avril 2019).

           Montchevreau et La Bertauche (V10 enrichie du 24 sept 2021)

D enluminé

Share

Les seigneurs de Guédelon

Les amis de la Puisaye connaissent l’extraordinaire chantier de construction d’un château médiéval à Guédelon, dans un site forestier au nord de Treigny.

Les « seigneurs de Guédelon » d’aujourd’hui sont les compagnons qui élèvent, jour après jour depuis près de 20 ans, en recourant aux techniques ancestrales et en utilisant les matériaux disponibles sur place, cette forteresse typique des XII-XIIIème siècle.

Voyez, si vous n’avez pas encore eu la chance de découvrir ce chantier, le magnifique site internet de ce projet unique : www.guedelon.fr, qui répondra à toutes vos interrogations et propose de très belles images.

                                                     chateau_guedelon_1200

Mais il y eut autrefois des véritables seigneurs de Guédelon, qui était un fief de la paroisse de Treigny, châtellenie de Saint-Sauveur, en Puisaye donziaise.

Cette très vaste commune est particulièrement riche en sites médiévaux, que nous nous efforçons de vous présenter par ailleurs : le grand château de Ratilly, dont Guédelon est proche à travers la forêt ; l’ancien prieuré de Boutissaint et le fief de La Bruère ; les manoirs de Guerchy et de La Bussière plus au sud ; la Cour-des-Prés au bord de la Vrille, ou encore Perchin, fief des sires de La Rivière où il n’y a plus trace d’un château, et l’ancienne baronnie de Perreuse, dont les fiefs de Treigny relevaient (ce village est aujourd’hui associé à Treigny). Sans parler de l’ancien Prieuré de Moutiers, relevant de Saint-Germain d’Auxerre, situé non loin, et dont Guédelon a pu être une possession.

Treigny est également un haut lieu du renouveau de la poterie de Puisaye, avec le Centre d’Art vivant de Ratilly, et le Couvent de Treigny.

Marolles ne fait pas état du fief de Guédelon dans la liste annexée à son « Inventaire des titres de Nevers », mais Villenaut le mentionne expressément dans son « Nobiliaire Nivernais », dans la notice consacrée à la famille de La Bussière, originaire du Berry.

Pour trouver la première mention de Guédelon, il faut remonter au XVème siècle, à Simon Coignet, sgr de Villefargeau en Auxerrois et de Guédelon. Le fief passa à Jean de Thiard son gendre (voir à leur sujet la notice consacrée aux Granges, à Suilly-la-Tour), puis à Jean de Forests, sgr de Boutissaint et d’Angéliers, dont la fille l’apporta en 1576 à Claude de La Bussière, sgr de la Bruère – une terre où s’exerçait une activité verrière et à laquelle Guédelon resta ensuite associé, comme à Boutissaint -. 

Voyez ci-dessous une notice consacrée à la généalogie de cette famille, à ses différentes branches, et aux fiefs qu’elle a tenus :

Famille de La Bussière

Les descendants de Claude, seigneurs de Guerchy et La Bussière : Jean, Jacques, Edme et François ; puis d’Angeliers (à Dampierre-sous-Bouhy, voir cette notice) : Claude-Edme et Jacques-Jean, guillotiné à Paris en 1794, paraissent avoir conservé Guédelon.

Rien n’indique qu’il y ait eu dans la forêt de Guédelon ou au voisinage de l’étang de ce nom un manoir ou un château.

Par chance, les bâtisseurs modernes de Guédelon renouent avec le souvenir de l’ancien fief et lui redonnent vie de façon remarquable.

Nous sommes bien sûr intéressés par toute indication sur l’histoire ancienne de Guédelon…

D enluminé

Share