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La Roussille, aux sources du Nohain

(Illustration : le Nohain près de sa source, aux pieds de la Roussille)

Le fief de la Roussille, qui aurait donné son nom à une famille oubliée, eut un destin associé à ceux des autres fiefs voisins d’Entrains : Miniers et St-Cyr, Réveillon, Château-du-Bois

Un manoir y subsiste, qui domine les sources du Nohain, en amont d’Entrains.

Cette terre a changé plusieurs fois de mains au XVIIIème siècle. L’un de ses propriétaires, Jean-Baptiste Amelot, connut une certaine notoriété en concevant le projet de Canal de la Loire à l’Yonne, qui serait passé précisément aux pieds de la Roussille (voir l’article précédent : Donzy, port fluvial ?).

Nous sommes évidemment intéressés par des informations complémentaires qui permettraient d’étoffer et de préciser la notice ci-dessous qui présente l’état actuel de nos connaissances sur la suite des seigneurs de :

La Roussille  (V2 du 29/7/21)

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Donzy, port fluvial ?

(Illustration : Camille Pissaro : "Ecluse sur l'Oise")

Il s’en est fallu de peu que Donzy ne devienne au XVIIIème siècle un port fluvial !

Un certain Amelot avait conçu vers 1700 le projet d’un canal de la Loire à l’Yonne, empruntant notamment le cours du Nohain, à partir de Cosne. Cette voie aurait permis de transférer des marchandises qui descendaient le cours de la Loire vers le bassin de la Seine et Paris, et d’y acheminer les productions du Nivernais et du Morvan. La « Fourniture de bois à destination de Paris » une activité qui mobilisait bien des énergies dans les hautes vallées de l’Yonne et de la Cure depuis le XVIème siècle, mais subissait les contraintes du « flottage », en aurait été sensiblement améliorée. Les productions métallurgiques aussi auraient trouvé de nouveaux débouchés.

Pourtant ce projet ne vit jamais le jour.

C'est qu'il n’avait pas que des amis et ses détracteurs rivalisaient d’arguments de plus ou moins bonne foi pour en contester la pertinence.

En Gâtinais et en Orléanais on voyait le canal de Cosne comme un concurrent potentiel de ceux de Briare, d’Orléans et du Loing. Le duc d’Orléans, qui exerçait le pouvoir suprême au moment même où le projet était sur la table, appuyé par un puissant réseau d’influence, se posa en protecteur de ces ouvrages, qui alimentaient sa cassette.

Il n’est pas certain que les maîtres de forges du Donziais y aient été plus favorables. Car un tel aménagement aurait capté une part du débit du Nohain et de ses affluents, au détriment de l’efficacité de leurs usines au fil de l’eau.

Il faut admettre enfin que son activité aurait été de courte durée, puisque le déclin du bois de chauffage et celui de la petite industrie métallurgique étaient imminents.

C’était cependant un beau projet et il eut changé radicalement l’aspect du pays !

Léon Mirot, historien clamecycois et archiviste, en a raconté l’histoire dans une brochure parfaitement documentée : « Projets de jonction de la Loire et de l’Yonne ; le canal de Cosne à Clamecy » (Paris, Nevers, 1907).

Les « Annales des Pays Nivernais », dans leur livraison consacrée à Donzy (Camosine, Nevers, n° 153, 2013), évoquent ce projet.

Son porteur principal et presque unique, Jean-Baptiste Amelot (1674-1742), ingénieur des Ponts-et-Chaussées, était le fils d’un marchand de Cosne. Devenu « seigneur de la Roussille » près d’Entrains (voir l'article correspondant), en surplomb des sources du Nohain justement, il fut connu comme « Entrepreneur des travaux du Roi ». Il se remaria en 1718 avec la fille d’un huissier du Châtelet de Paris et en eut des enfants, dont l’un, Jean-Henri, Contrôleur des droits réunis en Languedoc, lui succéda dans l’entreprise.

Amelot avait obtenu l’appui d’un puissant personnage : le maréchal d’Estrées, Amiral, Grand d’Espagne, Gouverneur de Nantes et Vice-Roi d’Amérique, qui fut son défenseur au Conseil du Roi et son associé un temps. « Le maréchal d'Estrées et l'abbé son frère étaient honnêtes gens » écrit Saint-Simon, « et tout-à-fait portés à M. le duc d'Orléans, mais si faibles, si courtisans, si timides, qu'il y avait à rire de leurs frayeurs ».

Amelot en obtint des lettres patentes pour la création de la société du canal le 27 juin 1719. Elles furent aussitôt contestées et n’entrèrent jamais en vigueur, malgré 23 ans de débats techniques et judiciaires, qui laissèrent Amelot amer et ruiné. L’arrêt définitif du Conseil du Roi du 22 avril 1742 finit par « faire défense aux promoteurs du projet de construire le canal de Cosne, ni de troubler directement ou indirectement M. le duc d’Orléans… ».

Le projet refit surface pendant la Révolution, à l’initiative des héritiers du fondateur, son fils et son gendre. Mais un nouvel examen du dossier mit à nouveau en évidence la nécessité de préserver l’activité des nombreux moulins et d’assurer la navigabilité de l’Yonne jusqu’à Auxerre, ce qui le rendait improbable. Il s’enlisa à nouveau.

Le parti d’aménagement était pourtant fort simple puisqu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’utiliser la vallée du Nohain qui offre une pente douce et régulière sur 45 kms, de Cosne à Entrains où il prend sa source. La seule difficulté consistait à franchir ensuite le seuil qui sépare cette vallée d’Etais-la-Sauvin, pour rejoindre le cours du ruisseau d’Andryes qui rejoint l’Yonne à Surgy.

Lors de la réactivation du projet en 1790, on imagina même une variante qui aurait obliqué vers le sud à Entrains, pour rejoindre après un seuil le ruisseau de Corbelin et le Sauzay, et atteindre Clamecy par Corvol-L’Orgueilleux.

Autant vaut dire qu’à l’image du Nohain qui en est l’âme, ce canal aurait été éminemment Donziais. Il aurait transformé le pays et serait devenu de nos jours un excellent vecteur touristique. On aurait visité la forteresse de la Motte-Josserand, le prieuré de Notre-Dame-du-Pré ou le château des Granges depuis les escales fluviales. Des ports à Etais, Entrains, Donzy, auraient animé ces petites cités, sans parler de Cosne dont la vocation de carrefour eut été renforcée.

Mais ce canal resta une chimère ; le flottage du bois a cessé ; le bruit des martinets s'est tu.  Heureusement le Nohain, belle rivière sauvage, ne cesse de nous enchanter.

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Le Liarnois, proche de la Commanderie

(Illustration : la Commanderie de Villemoison)

Le petit manoir du Liarnois, à Saint-Père, domine une plaine cultivée, non loin de Cosne.

Il aurait été une dépendance de la Commanderie de Villemoison, mais on le trouve entre des mains privées à partir du XVIIème siècle.

Ci-dessous une notice sur ce site, complétée en 2023, qui a vocation à être corrigée, enrichie et précisée, pour éclairer mieux l’histoire de ce fief des sires de Saint-Verain. Les données restent, pour certaines, hypothétiques. 

Merci de vos contributions !

Le Liarnois (V5 du 18 avril 23)

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Les amis des rois

(Illustration : statue de Bureau de la Rivière – Cathédrale d’Amiens, vers 1375)

Les frères Jean (1338-1385) et Bureau de La Rivière (+1400), issus de la lignée donziaise de ce nom, très présente dans ces pages, lui ont conféré une véritable célébrité (voyez la généalogie complète de la famille de la Rivière, attachée à l’article consacré à leur terre d’origine).

On dirait aujourd’hui qu’ils étaient « bourrés de talent » puisque malgré l’obscurité supposée de leurs origines, ils s’affirmèrent comme de grands administrateurs du royaume sous les rois Charles V et Charles VI, à la fin du XIVème siècle. Ces conseillers du roi « d’humble naissance » étaient surnommés ironiquement les « Marmousets » – petit singe, ou personnage de petite taille en position extravagante dans la sculpture de l’époque – selon Froissart. Cela a même induit une conception longtemps dominante suivant laquelle le grand-père de Bureau aurait été un « serf affranchi ». Mais la plupart des généalogistes s’accordent aujourd’hui à penser que les seigneurs de La Rivière à Couloutre étaient d’ancienne extraction chevaleresque, et peut-être même des parents des barons de Donzy de l’illustre maison de Semur.

Quoiqu’il en soit, Jean, comme diplomate et Premier Chambellan de Charles V, et à sa suite Bureau, comme Premier Chambellan, ami du même roi et fidèle contre vents et marées au jeune et malheureux Charles VI, ont laissé l’image de grands serviteurs, loyaux et efficaces en ces temps troublés.

Jean de La Rivière (1338-1385) montra l’exemple, mais sa carrière fut brève. Vers 1358 il quitta avec son frère leur Nivernais natal pour Paris. Il entra très vite au service du Dauphin Charles comme Chambellan grâce à l’appui de son oncle Jean d’Angerant, grand soutien du Dauphin, évêque de Chartres puis de Beauvais, Président de la Chambre des Comptes, dont la famille était investie au service des rois. Voyez une note sur cette lignée en cliquant sur le lien ci-dessous :

Famille d’Angerant (V. corrigée et complétée du 12/6/17)

Dès 1364 Jean devint Premier Chambellan, c’est-à-dire le premier serviteur du roi et son compagnon au quotidien. Il fut chargé de délicates missions diplomatiques, et s’attacha à  Pierre Ier de Lusignan, roi de Chypre (1328-1369), qu’il accompagna en Europe pour organiser une nouvelle croisade, dont les objectifs paraissent rétrospectivement un peu confus. Il partirent en juin 1365 de Venise vers Rhodes et Alexandrie, qui fut pillé. Les « croisés », chargés d’un énorme butin, firent voile vers Famagouste, à Chypre, où Jean mourut à la fin de cette même année. Sa mort toucha profondément Charles V qui fut fidèle à sa mémoire en choisissant son jeune frère Bureau pour lui succéder. Le roi lui avait fait épouser Marguerite des Préaux, riche héritière de grandes lignées normandes, mais il ne paraît pas en avoir eu une postérité viable.

Charles dit « Bureau » de La Rivière (+ 1400), Premier Chambellan à son tour, devint très vite un ami très proche du roi. Intelligent, actif, modeste et fidèle, il s’affirma comme le premier serviteur de l’Etat, à l’extérieur – il accueillit par exemple l’Empereur Charles IV en 1377 – comme à l’intérieur – il fut compagnon de Bertrand du Guesclin en 1370, puis chef de l’armée en Bretagne en 1379 -. Charles V mourut dans ses bras en 1380. Il avait décidé quelques années auparavant que Bureau serait inhumé à ses côtés.

Critiqué et même écarté par les Grands du royaume, en particulier les oncles du roi, dont Jean de France, duc de Berry, qui entendaient prendre le contrôle du jeune Charles VI, Bureau fut vite rétabli par ce dernier dans ses fonctions et lui fut aussi précieux qu’à son père pendant près de 20 ans. Il fut « ministre d’Etat » en son Conseil, et avec lui les « Marmousets » ( Le Mercier, Montagu) revinrent sur le devant de la scène.

Mais le règne s’enfonçait dans les rivalités, aggravées par la démence du roi. Malgré son soutien épisodique, Bureau dut s’effacer. Il fut privé d’une partie des grands biens dont on lui avait fait don, et mourut en 1400. Il rejoignit alors dans la nécropole de Saint-Denis Bertrand du Guesclin, aux pieds de l’enfeu de Charles V. Charles VI poursuivit sa triste existence jusqu’en 1422. Les troubles qui en découlèrent ne manquèrent pas de relancer la Guerre de Cent ans, qui n’épargna pas le Nivernais.

De sa femme Marguerite, dame d’Auneau et de Rochefort, une personne remarquable qui appartenait à la maison de Dreux, amie de Christine de Pisan, Bureau de la Rivière avait eu cinq enfants, dont Charles, comte de Dammartin.

Jean et Bureau sont inscrits dans la longue tradition des grands serviteurs de l’Etat qui ont fait la France. Depuis leur vallée du Nohain, ils ont porté haut et loin l’écu « de sable à la bande d’argent ».

                                                                                  

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Le « Nobiliaire de Nivernois » de Villenaut

Parmi les sources qui permettent d’approcher les seigneurs de l’ancien Donziais, le « Nobiliaire de Nivernois » d’Adolphe de Villenaut (1836-1897), consacré aux « Familles de gentilshommes fixées en Nivernois et y étant en possession de la noblesse avant 1560, avec notices nivernaises de leurs alliances » (chez Vallières à Nevers, 1900) réalisé avec la collaboration de M. de Flamare, archiviste du Département, tient une place essentielle.

                                                      

Son auteur était éminemment donziais, étant issu d’une famille établie au XVème siècle en Puisaye. Le premier échelon connu fut un Regnault Mullot (+ avt. 1522), capitaine de Druyes, à qui la comtesse de Nevers attribua des terres, peut-être à l’occasion de son mariage avec une de ses Dames d’Honneur. Nous avons rencontré cette famille au Colombier (à Etais-la-Sauvin), qu’ils ont toujours détenu, ou à Maupertuis près de Druyes.

Ils portaient « d’azur à la bande d’argent chargée de trois coquilles de gueules, accompagnée de deux étoiles d’argent, l’une en chef, l’autre en pointe ».

                                                                     

Avec le temps le nom de la terre de Villenaut (aujourd’hui Les Villenots, un hameau d’Etais proche du Colombier) prit le pas sur le nom d’origine. Adolphe était le descendant direct à la neuvième génération de Regnault. Il avait eu une formation d’ingénieur des Arts et Manufactures et vécut à la fin de sa vie au château de Vauzelles, aux portes de Nevers.

Généalogiste nobiliaire du Nivernais, très documenté, il fut le digne héritier de l’abbé de Marolles, auquel il se référa constamment.

Il consigna les résultats de ses recherches dans cet ouvrage ambitieux, dont un seul tome, le second, consacré aux familles dont les noms commençaient par les lettres A à N, a été publié peu après sa mort. Un premier volume devait être consacré à un Historique du Pays de Nivernois, qui ne parut jamais.

Ce recueil est composé de notices consacrées à des lignées anciennes du Nivernais, auxquelles sont adjoints des notices plus courtes sur des familles alliées et un riche appareil de notes. Malgré quelques hypothèses que des travaux ultérieurs ont pu remettre en question, cet ouvrage reste la référence pour les généalogies traitées.

Le choix des notices principales peut paraître hétérogène. Ainsi on y trouve mis sur le même pied les Lamoignon et les sires de Mello ; les fameux Chabannes ou les anciens seigneurs de Lormes, sont présentés en note. Mais cette noblesse était effectivement diverse, et la vision de l’auteur était celle d’un érudit de la fin du XIXème siècle, influencé par ses contemporains malgré une quête évidente de vérité.

Un beau décor dans le goût de 1900, et une mise en page grand format, donnent à cet ouvrage un charme particulier. Il est aujourd’hui presque introuvable, mais il a été numérisé et on peut se procurer facilement une réimpression. Il est accessible en ligne sur Gallica : Nobiliaire de Nivernois.

                                            

 

Villenaut présente les générations, les mariages, les fratries, les titres et les fiefs, relie les lignées entre elles et renvoie de l’une à l’autre. Il déroule une sarabande de familles, survolant les vallons du Nivernais et les siècles. Cette cohorte nous devient familière malgré le nombre, et son travail imprègne nos articles.

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