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Le Français qui possédait l’Amérique

En évoquant l’immense terre de Saint-Fargeau, aussi appelée « Terre de Puisaye » nous avons mentionné son acquisition en 1714 par Antoine Crozat, grand financier du règne de Louis XIV, à l’égal de son grand rival Samuel Bernard ou encore des frères Pâris – dont l’un fut un temps baron de Toucy. Il revendit d’ailleurs Saint-Fargeau l’année suivante à Le Pelletier des Forts, Surintendant des Finances et l’un de ses obligés.

                                                           

Antoine Crozat (1655-1738), né simple bourgeois à Toulouse, accumula d’immenses richesses, obtenues par son esprit d’entreprise sans doute, mais aussi par sa propension à l’agiotage et aux vastes combines douteuses mais rémunératrices. Il fut un véritable co-fondateur de la colonie de Louisiane, qui reste, malgré son destin américain, un petit bout de France. Il fut aussi un grand orchestrateur du commerce maritime intercontinental de son temps, armateur et négociant, par le truchement de Fermes, comme celle du Tabac, et de Compagnies, comme celle des Indes, qu’il disputa à John Law. Il prit hélas une large part à la face la plus sombre de ces trafics, celle qui maltraita l’Afrique et les Africains.

A la fin de sa vie, il construisit même le Canal de Picardie (ex Canal Crozat), au grand dam de Saint-Simon – dont il est facile de deviner qu’il n’aimait guère ce parvenu – qui se fit indemniser le moindre dommage occasionné à ses terres par ce grand chantier.

L’hôtel Crozat, place Vendôme – aujourd’hui le Ritz – regorgeait d’œuvres d’art, et le financier s’était rendu maître de grandes terres en plusieurs régions, étant ainsi marquis du Chatel et de Mouÿ, entre cent autres fiefs considérables, dont Saint-Fargeau un court moment. Il fut même admis dans le saint des saints : l’Ordre du Saint-Esprit, fondé par Henri III, dont il fut opportunément le Trésorier. Il en porte le grand cordon et la croix à la colombe descendante, sur son portrait par Belle (ci-dessus).

Nous évoquons Crozat car une passionnante biographie intitulée « le François qui possédait l’Amérique » ou « La vie extraordinaire d’Antoine Crozat, milliardaire sous Louis XIV », par Pierre Ménard, avec une préface d’Emmanuel de Waresquiel, vient de paraître dans la collection Texto (Tallandier).

Une incroyable épopée à cheval sur deux siècles, avec ses immenses succès et ses lourdes ombres, racontées avec brio et humour par un très jeune auteur, à partir d’une riche documentation. A lire absolument !

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Saint-Georges, à Corvol

(Illustration : la chapelle Saint-Georges, près de Corvol-l’Orgueilleux)

Tout en approfondissant l’histoire des principaux fiefs et châteaux du Donziais, nos recherches se portent également sur de plus petites terres, où toute trace seigneuriale a disparu, mais que nous rencontrons dans des actes.

Il en va ainsi de Saint-Georges, qui est un petit fief de la paroisse et châtellenie de Corvol-l’Orgueilleux, non loin du Grand-Sauzay, et dont on peut suivre la possession depuis la fin du  XVème siècle, malgré sa discrétion.

Aucune trace castrale n’est visible de nos jours dans ce hameau, où subsiste cependant une belle chapelle du XVème siècle.

Son histoire nous fait découvrir notamment les Rodon et les Blosset. Ces derniers n’étaient pas nivernais d’origine.

Voyez ci-dessous une première tentative d’établir la succession des seigneurs du lieu, qui devra être complétée au début et à la fin. Merci de votre concours !

Saint-Georges   (V2 du 22/12/21)

 

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Corvol, Courvol : clarifications…

Il y a en Nivernais deux Corvol : Corvol-l’Orgueilleux et Corvol d’Embernard ; et il y eut une famille d’extraction chevaleresque dite « de Courvol ».

Cela mérite une clarification plus poussée que celle que nous avions proposée dans un article des débuts de ce blog, auquel celui-ci se substitue donc…

A tout seigneur tout honneur : Corvol l’Orgueilleux, gros bourg du canton de Varzy, conserve quelques traces de son importance passée. C’était le siège d’une des châtellenies du Donziais, unie très tôt à celle de Billy voisine, ni l’une ni l’autre ne comprenant un grand nombre de fiefs. En fait « d’Orgueilleux », surnom inspiré pour certains par ses fortifications anciennes, Corvol était plutôt « Argileux », ce qui est plus prosaïque, si l’on en croît Dom Charles de Courvol auteur de la généalogie de sa famille. Le mot se serait déformé au fil des siècles.

Cette terre faisait partie des vastes domaines que Saint Germain, évêque d’Auxerre, avait légués à son diocèse ou à l’oratoire de Saint-Maurice (d’Agaune), qui fut à l’origine de l’ abbaye de Saint Germain d’Auxerre. C’est sans doute pourquoi elle a eu plus tard un statut baronnial en Donziais, puis comtal en Nivernais. Il y avait là, avant même l’église recensée par Saint Trétice en 691, un monastère relevant sans doute de la grande abbaye.

L’ancien château comtal, modifié au fil du temps, a été en partie conservé, près de l’église et donc de l’ancien couvent : c’est un édifice composite qui paraît aujourd’hui relativement modeste.

                                                

Il n’y a pas trace dans les sources disponibles d’une « seigneurie particulière » à Corvol, ou d’une « vicomté » comme on en trouve à Druyes ou à Entrains, autres places comtales. Le château abritait sans doute un « capitaine » et peut-être une petite garnison, chargée de faire respecter les droits comtaux. Mais ces fonctions féodales se sont diluées et n’existaient plus à l’avènement du duché (XVIème siècle).

Corvol aurait donné son nom à la famille de Courvol, selon Villenaut, qui précise qu’ils n’en étaient pas les seigneurs, mais qu’ils y étaient simplement possessionnés. Cette question est peu documentée et reste discutée.

Voyez ci-dessous une nouvelle notice, enrichie, sur la généalogie de cette famille :

 Famille de Courvol

Corvol d’Embernard, modeste village du canton de Brinon de nos jours, était un fief ancien de la châtellenie de Montenoison, et n’était donc pas en Donziais. A-t-il donné son nom à la famille de Courvol, où lui a-t-elle donné, étant originaire de Corvol-l’Orgueilleux , comme certains l’avancent ?

Son église est dédiée à saint Gengoult et tout semble indiquer que cette paroisse fondée au 9ème siècle s’est formée sous les auspices d’un certain Dom Bernard. Ainsi au 14ème siècle, elle est mentionnée sous le nom de Corvolum Domipni Bernardi. Qui était ce Bernard  ?

Le fief paraît être sorti assez tôt de la famille de Courvol, dans des circonstances qui restent obscures : des Courvol font hommage au XIIIème siècle, mais dès la fin du XIVème, d’autres familles se succèdent à Corvol.

Corvol-d’Embernard est très proche géographiquement du Donziais et a appartenu aux sires de La Rivière, d’où l’intérêt de se pencher sur la succession de ses seigneurs  : 

Corvol d’Embernard

Merci de vos remarques et suggestions pour enrichir cette documentation !

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Port-Royal en Puisaye ?

(Illustration : l’expulsion des soeurs de Port-Royal)

Nous évoquons souvent sur ce blog le village de Treigny, en Puisaye donziaise. Il est riche de très nombreux sites castraux (Ratilly, Guerchy, la Bussière, la Cour-des-Prés, Boutissaint…), d’une belle église (Saint-Symphorien), et de l’extraordinaire chantier de Guédelon. Dans l’article consacré à Ratilly, nous avions mentionné que ce château fut acheté vers 1720 par un certain Carré de Montgeron, qui y abrita des jansénistes attirés par la protection de Mgr de Caylus, évêque d’Auxerre.

En fait, Treigny et Ronchères, devinrent, suivant les termes de Dugenne dans son « Dictionnaire biographique » un « centre de direction du parti janséniste » et un « second Port-Royal », au début du XVIIIème siècle.

Cette histoire curieuse du Jansénisme en Auxerrois eut deux protagonistes principaux : l’évêque lui-même, et l’abbé Terrasson, curé de Treigny, venu de Paris.

Charles de Caylus (1669 -1754) fut un prélat peu ordinaire et son épiscopat dura 50 ans. Il était issu d’une vieille famille du Rouergue, avait étudié au Collège Louis le Grand et au Séminaire Saint-Sulpice. Ses protecteurs, Mme de Maintenon – à qui sa famille était liée – et Bossuet, lui permirent d’être nommé très tôt Aumônier du Roi et de recevoir quelques « bénéfices ».

                                                                            

Remarqué par le Cardinal de Noailles, archevêque de Paris, il fut son Grand Vicaire et dirigea le Collège des Lombards.

Nommé à Auxerre en 1704 à la suite d’André Colbert, il choisit de résider dans le somptueux château de Régennes, à Appoigny, plutôt qu’au vieux Palais épiscopal. Il développa alors une grande activité, incluant une forte présence auprès des paroisses et un management volontariste du clergé, et fit de l’Auxerrois un bastion janséniste, en toute impunité royale.

                                                            

Habile et déterminé, après avoir feint d’accepter la Bulle Unigénitus du pape Clément XI (1714), il rejoignit en 1717 le camp des « appelants » contre cette bulle, dans le contexte moins répressif initié par le Régent. Il fut dès lors un propagateur infatigable et favorisa l’impression clandestine en Puisaye des « Nouvelles ecclésiastiques », l’organe de presse janséniste.

Il entraina avec lui, bon gré mal gré, une bonne partie du chapitre et du clergé. Le chanoine Lebeuf, qui nous est familier comme historien de l’Auxerrois, et donc du Donziais, ne fut pas en reste.

Mgr de Caylus accueillit notamment le fameux abbé Terrasson (Gaspard, 1680-1752, frère de Jean), et la cure de Treigny devint un centre de l’activisme janséniste, au grand étonnement sans doute de la population locale. Ratilly fut un lieu de séjour, de travail et de recueillement pour des zélateurs exilés ; le « Couvent de Treigny » devint une école. Aujourd’hui ce sont des hauts lieux du renouveau de la poterie de Puisaye

                                                          

L’abbé avait un grand talent de prédicateur et s’était fait remarquer par son oraison funèbre du Grand Dauphin à Troyes en 1711. Il avait été chassé de l’Oratoire après son refus de la Bulle.

Il mena en Puisaye une activité sociale et charitable importante, mais fut surtout l’organisateur d’une véritable dérive sectaire. On rejetait les divertissements profanes et on exaltait la « pénitence » : jusque là rien que de banal. Mais on entendait surtout contester l’Institution ecclésiale, certaines de ses pratiques et ses liens avec le pouvoir – ce qui rappelait un peu le Calvinisme – . On associait Rome dans ce rejet au nom d’un nouveau Gallicanisme (le « Richerisme » du nom d’Edmond Richer, que nous avons déjà rencontré comme…. abbé commendataire de Coche à Vielmanay). On allait jusqu’à regarder avec indulgence les excès des « Convulsionnaires » et on exaltait de pseudo-miracles.

Sans entrer dans les subtilités théologiques de ce temps, le sous-produit auxerrois du Jansénisme paraît bien éloigné de l’ambition doctrinale et de la pureté de Port-Royal, que Pascal avait soutenue, que Racine et Saint-Simon avaient admirée, et qui conserve une véritable aura à notre époque.

(Pour approfondir ces questions, un ouvrage de référence :  Histoire générale du mouvement jansénisted’Augustin Gazier (en bibliothèque). Le lien vous propose simplement une reproduction de l’avant-propos très éclairant de l’auteur, qui suggère aussi la lecture du « Port-Royal » de Sainte-Beuve.)

Finalement dénoncé après de longues années de prosélytisme qui ne laissent pas d’étonner, par l’archevêque loyaliste de Sens – le « supérieur » de Mgr de Caylus – pour ses « messes sèches » (sans consécration), Terrasson fut arrêté en 1735, détenu à Vincennes puis assigné à Argenteuil jusqu’à sa mort.

Cet épisode de luttes fratricides et de contestation au sein de l’Eglise ne fut pas sans conséquences dans le diocèse. Le Donziais, au contact de Sancerre et de La Charité, avait déjà été profondément marqué par les affres des Guerres de religion, omniprésents dans l’histoire des châteaux, de leurs occupants et des monastères, à la fin du XVIème siècle.

Les spécialistes considèrent que cette nouvelle parenthèse de troubles et de divisions fut un facteur puissant d’éloignement de l’Eglise, de son clergé et de la foi chrétienne, de populations qui ne les retrouvèrent pas, malgré les efforts des successeurs de Caylus. Les Lumières et la Révolution parachevèrent cette véritable « déchristianisation précoce » . Elle continua de caractériser l’Auxerrois, et s’incarna par exemple dans le cheminement politique d’un Paul Bert, natif de Bouhy.

Si ces questions vous intéressent, vous pouvez les approfondir en découvrant les liens que nous vous proposons au fil du texte, et vous reporter :

Bonne découvertes et merci de vos remarques !

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Les sires de La Tournelle

Les sires de La Tournelle, appartenant à une grande lignée chevaleresque bien connue des historiens et généalogistes du Nivernais, ont retenu notre attention, car une branche a fait une incursion en Donziais.

En épousant Jeanne de Bazoches, Tristan de La Tournelle-Maisoncomte est devenu pour quelques années le seigneur de la Motte-Josserand, forteresse mythique du Donziais, à Perroy, au bord du Nohain. Après sa mort en 1426, Jeanne céda cette terre et surtout la maison-forte au fameux Perrinet Gressart, capitaine routier à la solde des Anglo-Bourguignons.

Mais leurs filles : Alixant de La Tournelle, dame de Villargeau et Brétignelles, qui avait épousé Guyot Lamoignon, et Aalips, dame de Thorigny, mariée à Pierre de La Bussière, leur donnèrent une postérité en Donziais, où on les rencontre également par plusieurs alliances.

L’histoire de cette famille originaire du Morvan – la Motte de La Tournelle est à Arleuf – , qui portait « de gueules à trois tours d’or », ouvre sur des horizons bourguignons . Car ce massif dont le cœur est nivernais, s’étend aussi sur l’Yonne avec à son flanc nord, Vézelay, Chastellux, ou encore le monastère de la Pierre-qui-Vire, où Dom Angelico Surchamp, moine, photographe et peintre – récemment disparu – créa la fameuse collection Zodiaque ; mais aussi sur la Côte d’Or et la Saône-et-Loire, dont la vieille cité romaine d’Autun, siège d’un évêché et patrie du grand Chancelier Nicolas Rolin.

Les sires de La Tournelle, nivernais au premier chef et serviteurs des comtes et ducs, ont rayonné sur tout cet espace et servi également les Grands Ducs d’Occident. Leur vieux fief morvandiau, dont le château-fort a totalement disparu, fut érigé en marquisat pour les derniers représentants de cette grande famille.

Pourquoi fallait-il que l’avant-dernière marquise de La Tournelle, Marie Anne de Mailly-Nesle, vienne donner à ce nom une image sulfureuse en succédant à ses sœurs dans le lit du Roi Louis XV avec la même avidité ?

La saga des sires de La Tournelle que nous proposons dans la notice illustrée ci-dessous – qu’on trouve également dans la page consacrée aux Familles seigneuriales du Donziais – n’est que passagèrement donziaise, mais elle est riche en terres, en châteaux, en alliances, en services rendus au Nivernais, à la Bourgogne, au Royaume et à l’Eglise…

Elle devra être complétée, améliorée, et peut-être corrigée…Merci de votre concours au moyen de l’espace « Commentaire » ci-dessous…

La famille de La Tournelle

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