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Retour à Man-nay

(Illustration : blason des Lamoignon)

Vielmanay n’est pas seulement un charmant village, c’est aussi un site religieux de fondation ancienne, entouré de plusieurs autres, marquants du Donziais. Il nous faut y revenir pour quelques explications en réponse à des questions.

Le lieu, traversé par un affluent de l’Asvins, tirait sans doute son nom d’un riche gallo-romain qui y avait une villa. On l’appela Mannayum, puis Mannay – nom resté longtemps dans la mémoire locale et prononcé Man-nay – ou encore Mannay-le-Vieil, le Vieux-Mannay, et enfin Vielmanay, nom donné à la commune.

Il y avait là aux premiers siècles du christianisme un monastère mentionné par Saint Aunaire (Aunacharius), évêque d’Auxerre, dans son Règlement (578) : Mannacense monasterium. Il figure sur une belle « Carte du diocèse d’Auxerre où sont marqués seulement les Abbayes qui y subsistaient avec les 37 paroisses qui le composaient sous l’épiscopat d’Aunaire en 580… » de 1741.

                                                 

A l’image de Saint Germain qu’il vénérait, Saint Aunaire, qui appartenait lui aussi à l’aristocratie gallo-romaine, avait légué cette terre avec bien d’autres dans la contrée à son église.

Ce monastère devait être fragile puisqu’il il n’était plus mentionné un siècle plus tard dans le Règlement de Saint Trétice. L’église devint une simple parocchia, placée au XIème siècle dans la dépendance du grand prieuré clunisien de La Charité.

Il ne reste rien du monastère d’origine : l’église actuelle (XVème-XVIème) aurait été construite à la place d’un édifice roman et seuls de vieux murs arasés témoignent d’un établissement ancien indéterminé.

Curieusement, on citait encore aux XVIIème et XVIIIème siècles des « prieurs spirituels et temporels » ou simplement « temporels » de Cessy, Coche, Saint-Malo et Vielmanay réunis, ces trois derniers depuis longtemps anéantis. Ils s’intitulaient parfois « seigneurs » et étaient des laïcs. Sous l’effet de la commende le temporel prenait le pas sur le spirituel…

Les ouvrages très documentés de Chantal Arnaud sur « Les églises de l’ancien diocèse d’Auxerre » (Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne, Auxerre, 2009) et de Noëlle Deflou-Leca « Saint-Germain d’Auxerre et ses dépendances, Vème-XIIIème siècle » (Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2010), éclairent l’histoire de l’église Saint Pierre de  Vielmanay et son contexte.

Voyez aussi les indications très riches sur l’histoire du village et les belles illustrations fournies par le site « Cahiers du Val-de-Bargis ».

Nous avons déjà exploré les principaux sites historiques de Vielmanay : la Chartreuse de Bellary en lisière de la grande forêt ; l’abbaye fantôme de Coche, très tôt disparue ; et le château de Vieux-Moulin, caché au fond de son vallon, point de départ d’expéditions guerrières de chefs huguenots à la fin du XVIème siècle.

Nous avons évoqué les moulins et forges qui jalonnaient le cours de l’Asvins : la Ronce, les Pivotins et Vieux-Moulin, ainsi que les infatigables Lespinasse, maîtres de la plupart des forges de la région au XVIIème siècle.

Mais nous n’avions traité qu’indirectement de la seigneurie de Mannay ou Vielmanay elle-même, en présentant la généalogie des fameux Lamoignon, établis depuis le XIIIème siècle dans cette vallée, à Chasnay, Nannay et Mannay, et à Donzy. Il y aurait à Vielmanay des restes d’un château du XIIIème siècle.

La notice ci-dessous répare cette omission. Elle rappelle que le fief de Vielmanay – mouvant géographiquement de Châteauneuf – relevait féodalement en partie de l’abbaye de Saint-Germain d’Auxerre (cf. supra). Cela explique peut-être pourquoi aucun acte de foi et hommage le concernant ne figure dans l’Inventaire des Titres de Nevers de l’Abbé de Marolles.

Elle complète la succession des seigneurs, puisque Vielmanay passa dans d’autres mains que celles des Lamoignon au XVIIème siècle : Maumigny, Bar, Monnot, dans des conditions qui restent  d’ailleurs assez confuses.

Vielmanay (V. corr. du 9/1/22)

Des questions restent posées, qu’il faudra approfondir, avec votre aide bien sûr.

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Bonne rentrée !

Après le ralentissement estival, l’activité peut reprendre sur notre site !

Nous vous signalons qu’au cours des deux derniers mois la page consacrée aux familles seigneuriales de l’ancien donziais s’est enrichie de plusieurs notices et aujourd’hui même de celle consacrée aux Le Muet, riches bourgeois engagés au service des comtes et ducs de Nevers. Une branche originaire de Chateauneuf-Val-de-Bargis tint Nanvignes (Menou), et une autre, originaire de Varzy et beaucoup plus développée, tint notamment Corbelin.

Plusieurs sous-branches s’implantèrent aussi en Auxerrois, confirmant la grande proximité historique entre Donzy et ce siège épiscopal.

Etienne Le Muet (v. 1520-1566), Chanoine d’Auxerre et Pénitencier du Chapitre, Prieur de Saint Robert d’Andrye, curé de Saint-Amand, Sainte-Colombe, Lignoreilles et Villy ;  seigneur de Corbelin, Sauzay, Vesvres, Merry-Sec, Usselot et autres lieux….était considéré comme le plus riche ecclésiastique de son temps dans la région…. à défaut sans doute d’être le plus saint !

Bonnes découvertes !

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La galerie Renaissance de Bulcy

La paroisse de Bulcy, qui dépendait du Prieuré de La Charité, fut rattachée à la Châtellenie de La Marche (hors Donziais). Toutefois, les terres de Bulcy et de Neuville sont parfois citées comme relevant de Donzy dans certains actes et leurs seigneurs y avaient de nombreux liens…

Le château de Bulcy était considérable au moyen-âge : « L’ancien château féodal, de plan carré, entouré de fossés et renforcé de tours d’angles, est déjà présenté en ruines dans L’Album du Nivernois » paru en 1838. Il ne reste plus aujourd’hui de cette puissante demeure qu’une tour ronde découronnée, aux murs très épais, et deux des cinq baies du XVème siècle de la courtine Ouest ». (F. Cario, in Châteaux et Manoirs du Nivernais, Tome 1)

Le petit manoir, avec sa surprenante galerie Renaissance, a quant à lui été édifié au XVIème siècle par Denis de La Vigne, entre le vieux château et le colombier.

Au village de Neuville, fief ancien de ce nom ou démembrement de Bulcy – qui a donné son nom au fameux agent des Princes sous la Révolution : Guillaume Hyde de Neuville -, des éléments de l’ancien château, reconstruit à la fin du XVIème siècle, subsistent, largement remaniés.

Voyez ci-dessous la notice consacrée à ce site et ne manquez pas de nous faire part de vos remarques et suggestions…

Bulcy

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Un maître de forge avisé…

Hugues Cyr Chambrun Mousseaux, né en 1724 à Nevers et qu’on voit apparaître à Donzy vers 1750, était un maître de forge avisé.

Il fut choisi comme directeur des établissements que le Duc de Nevers y possédait : la forge dite de l’Eminence – ainsi nommée parce qu’elle avait été créée par le Cardinal Mazarin, grand-oncle du duc, qui avait offert à son neveu Philippe Mancini le duché de Nevers en 1686 – celle de Bailly en aval sur le Nohain, ou encore celle de Prémery.

Sa famille avait fait ses preuves depuis au moins quatre générations dans cette industrie exigeante mais lucrative, en plein essor depuis le XVIème siècle. On trouve les ancêtres d’Hugues en Berry, à Lignières, Charenton-du-Cher et Ardentes, et en Nivernais, au Gué-d’Heuillon près de Guérigny, ou à Vingeux à Saint-Aubin-des-Forges, par exemple.

Il était donc logique qu’un Chambrun soit attiré par les eaux abondantes et régulières du Nohain, par les forêts autour de Donzy et par le minerai qui affleurait partout.

Hugues  – qui s’était illustré dans un concours des élèves les plus lettrés du Collège de Nevers en 1737 – n’était pas malhabile : il avait épousé en 1749 la fille du « Receveur de la Marque des fers », Jean-Baptiste Grasset, de La Charité. Cet employé de la Ferme générale des Aides était chargé de collecter dans la région le droit perçu par la Couronne sur tous les fers et aciers produits. Cette perception affermée était une source de revenus importants, l’industrie métallurgique étant florissante en Nivernais. On peut penser que ce mariage accrut sensiblement le potentiel financier de notre ami… sans nuire à ses rapports avec les autorités.

Enrichi par ses fonctions au service du Duc, il acquit donc en 1767 la petite forge de Chailloy, sur l’Accotin, près de Suilly-la-Tour, fondée par la famille du théologien réformé Théodore de Bèze. Passant au travers des troubles de la Révolution, puisque son propre fils racheta ce Bien national lorsqu’il fut vendu, cette terre, cette forge et sa belle maison de maître, devinrent la base de sa famille jusqu’à l’époque moderne.

Elle fut même le berceau d’un militant socialiste : Charles Ferdinand Gambon (1820-1887), petit-fils de sa seconde femme Julie Lasné. Cet avocat républicain, député de la Nièvre à l’Assemblée constituante de 1848, fut prisonnier politique sous le second Empire. Libéré, il fit en 1869 une campagne restée célèbre pour entraîner les citoyens à refuser l’impôt : il laissa saisir par le fisc sa ferme de Léré (Cher) et une de ses vaches qui fut mise en vente aux enchères publiques. « La vache à Gambon » fut bientôt légendaire. La Marseillaise, journal d’Henri Rochefort, ouvrit une souscription à cinq centimes pour racheter la vache ; Gambon accepta à condition : « qu’elle resterait la propriété de la République, qu’elle serait achetée sur le marché de Sancerre où avait eu lieu la vente par le fisc, et qu’elle constituerait un premier fonds de rachat pour toutes les injustices dont nos frères, les pauvres paysans, les ouvriers et les soldats, sont victimes. ». Il fut ensuite député de la Seine en 1871 et membre de la Commune de Paris, condamné à mort par contumace. On imagine l’opinion qu’il devait avoir de ses aïeux maîtres de forge….

Quoiqu’il en soit, Pierre Charles Chambrun, succédant à son père Hugues à Chailloy, ajouta dès 1796 à la panoplie familiale la belle forge de Vergers, jouxtant le vieux château des sires d’Armes et des Chabannes, qui appartenaient aux moines de Bellary avant la Révolution. Augustin Borget, premier mari de Julie Lasné et donc grand-père de Gambon, y avait été maître de forge, ainsi que du Fourneau de Guichy, à Nannay. On restait en famille.

Mais dès la seconde moitié du XIXème siècle les roues s’arrêtèrent de tourner, les forges de chauffer et les martinets de battre, asphyxiés par la grande industrie naissante.

A Chailloy, qui a conservé son beau manoir, et à Vergers, avec son château néo-gothique, les forges et leurs anciens maîtres ne sont plus que des lointains souvenirs, et la belle énergie du Nohain se perd maintenant dans les prés…

Voyez ci-dessous une notice sur cette famille entreprenante :

Famille Chambrun-Mousseaux

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Le Donziais avant Donzy

(Illustration : le tombeau de Saint Germain, crypte de l’abbaye à Auxerre)

Nous avons tenté d’éclairer les origines de la baronnie de Donzy, dont les racines plongent dans la haute aristocratie carolingienne en Bourgogne et dans la matrice épiscopale auxerroise.

Mais comment se situait ce pays avant l’avènement de la féodalité ?

Sur le plan politique et institutionnel, l’imprécision prévaut car, comme l’indique Christian Sapin dans son ouvrage sur « La Bourgogne Préromane » (Picard, Paris, 1986) : « …nous devons reconnaître la disparité entre la notion d’espace géographique de la Bourgogne au Haut Moyen Age et le déplacement constant des limites imposées par le poids des volontés politiques ».

C’est particulièrement vrai pour la vallée du Nohain, qui était – et est toujours – aux confins de l’espace bourguignon.

Géographiquement ce pays appartient à l’espace ligérien, mais pour l’organisation politique il en allait autrement. Le fleuve était alors une frontière : à l’ouest c’était la grande principauté d’Aquitaine, avec la métropole de Bourges ; à l’est la Bourgogne, sous les différentes dynasties qu’elle a connues, des Burgondes aux Capétiens. Le Donziais était donc bourguignon, mais loin des centres nerveux de ce royaume devenu duché, il regardait vers la Loire.

Ce petit pays ne bénéficiait pas de l’attraction d’une ville en son sein, car les cités gallo-romaines – Entrains ou Cosne – avaient décliné après la chute de l’Empire. La vraie référence fut, dès son affirmation aux Vème et VIème siècles, le siège épiscopal d’Auxerre, où régnait une autorité spirituelle et temporelle puissante. Le Donziais était donc un élément essentiel de ce diocèse très politique, marqué par l’aura du grand Saint Germain, dont le tombeau a été préservé jusqu’à nos jours au cœur de l’abbaye qu’il avait fondée. C’était, avec les immenses biens de sa famille donnés à son église – notamment en Donziais -, des éléments clefs d’identification.

Par conséquent les traces de cette période sont à rechercher dans l’histoire religieuse, qui seule offre de vrais repères. Elle est assez bien documentée grâce notamment aux fameuses « Gestes des évêques d’Auxerre » (Les Belles Lettres, Paris, 2006), et au travail de l’abbé Lebeuf : « Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son ancien diocèse », augmenté par MM. Challe et Quantin (Auxerre, Perriquet, 1848).

Il n’y pas en Donziais de véritable trace architecturale des temps primitifs. Les restes de l’époque gallo-romaine sont détruits ou enfouis ; les édifices préromans également. L’architecture civile la plus ancienne est postérieure à l’an Mil.

Mais même si aucune construction antérieure au XIème siècle n’est aujourd’hui visible – voir l’article consacré au Donziais roman – les fondations paroissiales et monastiques avaient investi le pays dès les premiers siècles du christianisme.

Le fameux « Règlement de Saint Aunaire », évêque d’Auxerre, organisait le culte dans le diocèse à la fin du VIème siècle. Il mentionnait expressément les églises de Druyes, Colméry, Champlemy, Bargis, Donzy, Suilly, Cosne, Alligny, Neuvy, Bitry, Arquian, Bouhy, et Entrains. Une liste qui indique une densité paroissiale déjà importante et signale les sites les plus anciens. Il citait également les monastères de Saissy (Cessy-les-Bois), Mannay (Vielmanay), et d’Ulfinus (ou Wulfin, c’est-à-dire Saint-Laurent), dont les abbés assistèrent au concile qui se tint à Auxerre sous ce pontificat (Lebeuf). Le Règlement de Saint Trétice, un siècle plus tard, confirme cette énumération.

Aux début des monarchies franques, l’encadrement des populations par cette église institutionnelle en développement, qui avait l’ambition de régir toute la vie sociale, suppléa donc des institutions territoriales balbutiantes.

Toutefois le Donziais appartenait au pagus auxerrois et releva logiquement des comtes d’Auxerre. Il n’est pas certain que la mise en place de ces représentants du pouvoir royal aux VIIIème et IXème siècle ait changé la vie des habitants. Ce furent avant tout des princes guerriers comme Conrad de Bourgogne, Robert le Fort ou Hugues l’Abbé, dont ce titre supplémentaire renforçait la puissance.

Des agents royaux quadrillaient-ils la contrée ? La trace d’autorités administratives installées sur place et dotées de moyens n’apparaît pas dans les sources, il est vrai ténues. Peut-être des vicomtes ont-ils suppléé les comtes à la fin du premier millénaire, comme on peut le noter ici ou là ?

Il semble que ce dispositif, efficace pour assurer la défense du territoire, ne parvint pas à prendre le pas sur celui de l’église pour l’administration du pays et des populations. Il fallut en fait attendre l’avènement du système féodal et d’un « seigneur de Donzy » au début du XIème siècle, puis la multiplication de seigneuries châtelaines exerçant le ban, pour que le pouvoir laïc s’affirme ; ce qu’il fit paradoxalement sous la suzeraineté de l’évêque en Donziais.

Mais seules des plumes ecclésiastiques ont rendu compte de cette époque, et notre observation peut s’en trouver biaisée. Convenons que les textes et les images manquent et que ces siècles resteront obscurs.

Nous serions intéressés de connaître votre point de vue…

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