Tous les articles par Administrateur

Le Grenier à Sel

(Illustration : les marais salants de Guérande)

Plusieurs possesseurs de petites seigneuries du Donziais exerçaient des fonctions auprès des Greniers à Sel de Cosne, Nevers ou Clamecy.

Ainsi Jehan Vaillant de Guélis, sgr de Brétignelles (XVème s.) ou Pierre Frappier, sgr de Dalinet étaient « Procureur(s) du roi au grenier à sel de Cosne » ; ou encore Jean-Jacques de Beaubois, sgr des Grandes-Maisons et du Liarnois (XVIIème), receveur du même grenier.

                                                                  

Un blason était attribué aux officiers du grenier de Cosne : « Tiercé en barre d’argent, de gueules et d’or. » Sans doute ces fonctions leur fournissaient-elles les moyens d’acquérir ou d’élargir leur assise foncière, antichambre de l’anoblissement auquel aspirait si ardemment la bourgeoisie urbaine. Il s’agissait là d’offices à caractère judiciaire et fiscal, autour du monopole royal du sel et de la perception de la gabelle. Ils étaient attribués par le roi (en pratique l’Intendant de la Généralité) et requerraient théoriquement une certaine compétence juridique. 

Le grenier à sel était, comme son nom l’indique, un entrepôt, au cœur de la ville, où l’on conservait ce produit rare, indispensable à la vie des animaux et des hommes et seul moyen de conservation des poissons et viandes. Le pouvoir régalien en contrôlait totalement la distribution. Le sel était naturellement acheminé par la Loire depuis les zones de production, en particulier les salines de Guérande.

                                                         

Du point de vue institutionnel les greniers étaient des tribunaux où se jugeaient, dans la limite d’un plafond assez bas, les contentieux de la « Gabelle ». Ils faisaient vivre, outre leurs officiers et employés, des kyrielles d’avocat fiscaux et autres « praticiens » des campagnes, dont nos fiches donnent de nombreux exemples. Pour un enjeu fiscal supérieur ou en appel, la Cour des Aides – celle de Paris en l’occurrence pour notre région – était compétente.

En Donziais, seul le grenier à sel de Cosne est officiellement répertorié dans les sources, avec ceux de Nevers, La Charité, Clamecy, Château-Chinon, Luzy, Decize et Moulins-Engilbert en Nivernais, dont certains n’étaient sans doute que des dépôts. Les paroisses de l’ancienne baronnie en relevaient. Il fonctionna de 1473 à 1750, dans des bâtiments situés près de la chapelle du palais épiscopal dite « N.-D. de Galles », fondée au IXème siècle et reconstruite au XVème, qui abrite aujourd’hui un temple maçonnique.

Un grenier est mentionné à Donzy, « au coin de la rue des Bancs et de la place du Marché » et figure sur le plan reconstitué de la ville d’Amédée Jullien, mais il s’agissait sans doute d’une simple annexe, à laquelle une activité judiciaire ne paraît pas avoir été attachée. Il n’existe plus.

Celui de la Charité-sur-Loire, établi dans une maison construite par les moines au XIIème siècle et attribuée à cet office en 1690, est délabré mais toujours visible. Celui de Clamecy, superbe bâtisse du XVème siècle, a disparu.

L’histoire des greniers à sel, créés en 1342 par le roi Philippe VI de Valois – qui entendait se doter des moyens de ses ambitions – est étroitement liée à celle de la gabelle, un impôt indirect qui allait représenter pour le trésor royal une importante ressource. Sa perception fut affermée dès le XVIème siècle, cantonnant les officiers des greniers à une fonction strictement judiciaire, alors que des employés des Fermes se chargeaient de la commercialisation. Des réorganisations successives conduisirent à une Ferme Générale unique au XVIIème siècle.

Dans les pays dits de « Grande Gabelle », comme c’était le cas de la Généralité d’Orléans et de toute la moitié nord du pays (sauf la Bretagne) les greniers dits « de vente volontaire » imposaient aux assujettis d’acheter chaque année au moins un minot de sel d’une contenance de 72 litres (réputés peser 48,9 kg) pour quatorze personnes de plus de huit ans. On parlait de « vente volontaire » parce que les contribuables pouvaient acheter leur sel au moment qui leur convenait, et que les pauvres n’étaient pas tenus à l’achat. Liberté oui, mais dans certaines limites…

La Révolution supprima ce monopole et la gabelle, qui toutefois ressuscita sous l’Empire et perdura avec des éclipses jusqu’à la seconde guerre mondiale. L’opprobre populaire se fixa donc longtemps sur les « gabelous », une corporation honnie des contrebandiers en puissance de nos campagnes.

Les greniers à sel, institutions vénérables et craintes de la monarchie absolue, avaient tenu une place importante dans la vie des populations du moyen-âge finissant à l’époque moderne. Des noms de rues rappellent souvent leur mémoire au cœur des vielles cités.

Nous serions intéressés par toute information ou source concernant le Grenier de Donzy…

Share

Et le château de Donzy ?

Un internaute s’étonne à juste titre que nous n’évoquions pas explicitement le « château de Donzy » qui fut le siège de la baronnie et conserva ensuite ce statut au sein du comté-duché.

C’est une omission malaisée à réparer car l’histoire de ce monument est peu documentée. Il n’est d’ailleurs pas mentionné dans les ouvrages généraux consacrés aux châteaux de la Nièvre, et n’a fait l’objet d’aucune étude publiée.

Nous ne disposons pas davantage de représentations de sa configuration ancienne, à l’exception de celle proposée dans « La Nièvre à travers le passé » par Amédée Jullien (1883), qui est une intéressante reconstitution.

Voyez un cliché de cette gravure et le texte que consacre cet auteur au château de Donzy dans la notice ci-dessous :

Château de Donzy (A.Jullien)

De la vieille forteresse qui dominait la petite cité constituée progressivement autour d’elle, il ne reste de nos jours qu’une grosse tour réduite d’un étage, et un mur percé d’anciennes ouvertures. Des adjonctions et modifications ont été effectuées, notamment au XIXème siècle, pour en faire une résidence privée, entourée d’un vaste parc oblong, clos par les hauts murs en surplomb de l’ancienne citadelle.

On y entrait à l’origine par une porte fortifiée à l’est et une rampe d’accès, à l’emplacement de l’entrée actuelle, la seule praticable, tournée vers la forêt et la route de Cessy.

Des fouilles réalisées en 1998 à l’occasion de travaux ont permis de dater des Xème et XIème siècles la première occupation du site, ce qui coïncide avec l’avènement des premiers seigneurs de Donzy de la Maison de Semur, qui tenaient cette terre des anciens comtes de Chalon, et s’y fortifièrent (voir à ce sujet : « Annales des Pays nivernais », n°153 consacré à Donzy, Camosine, Nevers, 2013)

De même, on sait que le dernier seigneur en fut Louis-Jules Mancini-Mazarini (1716-1798), « duc de Nivernois et Donziois », puisque la baronnie, jointe au comté de Nevers en 1199, lui fut associée jusqu’à la Révolution. Visita-t-il seulement son vieux château lorsqu’il fut accueilli à Donzy en 1769 par Jean-Baptiste Voille de Villarnou, son ancien condisciple au Collège Louis-le-Grand ? Ce qu’il en restait fut vendu en 1792 comme « Bien de la Nation », le duc ayant été emprisonné sous la Terreur, et acheté par des particuliers.

L’histoire du château coïncide donc avec celles des barons, puis des comtes et ducs de Nevers, annexées à l’article Baronnie de Donzy.

Mais son évolution architecturale reste largement méconnue. Des étapes la jalonnent :

  • la construction aux Xème et XIème siècles de la forteresse sur la plate-forme rocheuse qui domine le confluent du Nohain et de la Talvanne, en amont du site plus ancien de Donzy-le-Pré ;
  • son démantèlement par le roi Louis VII aidé du comte de Nevers Guy, en 1170, pour punir le baron Hervé III d’un traité avec le roi Henri II Plantagenêt, et faire un exemple ;
  • sa reconstruction autorisée par le pardon du roi peu après, mais sur des bases plus modestes, poursuivie semble-t-il jusqu’au XIVème siècle ;
  • l’enfermement de Pierre de Courtenay, comte de Nevers, dans une tour du château par son vainqueur et futur gendre Hervé IV de Donzy, en 1199 ;
  • son abandon progressif, dès lors que la lignée des barons accéda au comté de Nevers

Confié à la garde de capitaines et/ou gouverneurs assistés d’une petite troupe, à l’instar des autres châteaux de même statut (Cosne, Entrains, Châteauneuf, Druyes…), le château de Donzy ne fut plus qu’occasionnellement une résidence baronniale, d’autant que le comté et avec lui la baronnie de Donzy étaient passés à des familles princières proches de la cour (Bourgogne, Clèves, Gonzague…), qui n’avaient aucune raison d’y séjourner.

L’étude sur les « Comptes des travaux exécutés aux châteaux du Nivernais » (XIVe-XVe siècle) (in BSNLSA, Nevers, T. n°28, 1933) de Léon Mirot atteste en tout cas de la présence à Donzy à cette époque d’une garnison, avec écuries, forge et armurerie.

Certains des officiers qui ont tenu la place nous sont familiers : ainsi Jean de La Rivière, chambellan, nommé capitaine par Jean de Bourgogne, cte de Nevers, au XVème siècle et Guillaume d’Assigny son gendre ; ou encore Etienne de Lamoignon, sgr de Vielmanay, au début du XVIème  ( ); et enfin plus prosaïquement Antoine Lucquet, sgr de Presles (1656) ().

Au fil du temps, la paix étant revenue en Nivernais-Donziais après les interminables épisodes sanglants de la Guerre de Cent ans et des Guerres de religion, cette fonction et le site castral qui l’abritait avaient inexorablement décliné, passant de grands féodaux à de simples officiers ducaux.

Les restes du vieux château, cachés par de grands arbres, surplombent cependant toujours la petite cité, rappelant ses origines et sa gloire passée.

Nous serions intéressés toute indication que vous pourriez nous fournir pour étoffer cette approche succincte en accédant à d’autres sources.

Share

Aubigny, sur ses souterrains de pierre

(L’Opéra Garnier, construit en pierre d’Aubigny)

Aubigny, aujourd’hui un hameau de la commune de Taingy (89), fut constitué en fief avec justice relevant de Druyes par la comtesse de Nevers en 1500 pour Regnault Mullot, un de ses serviteurs, à charge « d’y faire construire des maisons ».

Ajouté aux terres du Colombier, de Panardin, Villenaut, du Fey et de la Poëse, cela faisait de lui un riche seigneur dans les espaces boisés compris entre le Nohain et le Sauzay et au nord de Druyes. Ce fief paraît avoir été conservé jusqu’à la Révolution par une branche de cette même famille.

Il n’y a pas de trace castrale à Aubigny, connu par contre pour ses carrières souterraines de pierre qui ont permis bien des constructions dans la région et à Paris, via l’Yonne et la Seine, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Voyez ci-dessous la notice présentant la succession des Mullot dans cette terre. Merci de vos remarques et suggestions !

Aubigny (V. du 15 juin 2022)

Share

Un riche ecclésiastique !

Dans la famille Le Muet, demandez l’oncle Etienne, chanoine d’Auxerre !

Il était réputé le plus riche ecclésiastique de son temps, tout au moins à l’échelle du diocèse. Son exemple était à l’évidence un défi aux consciences en ces temps de remise en cause religieuse.

Etienne Le Muet, né vers 1520 et décédé le 6 novembre 1566, fils de Guillaume, sgr de Corbelin et d’Ardeau, capitaine de Varzy, et de Cécile Gouste, dame du Grand-Sauzay, fut orienté vers la carrière ecclésiastique, suivant l’usage du temps pour les cadets, après des études de Droit. Il y montra de grands talents et jouit sans doute de la faveur du prince.

Il fut Pénitencier du chapitre canonial. Cette fonction prestigieuse, établie par le quatrième concile du Latran en 1215 de façon obligatoire dans les chapitres cathédraux, correspondait à une mission de prédication et de confession, avec des pouvoirs particuliers d’absolution dans certains cas. Au fil du temps elle était devenue elle aussi un « bénéfice », assorti de revenus procurés par des biens fonciers. A Auxerre elle s’accompagnait de celui de la cure de Saint-Amand-en-Puisaye, où un vicaire officiait en lieu et place du chanoine-curé. Elle procurait également le revenu de vignobles à Cry, dans la vallée de l’Armançon, par exemple.

Il semble qu’Etienne en fut pourvu dès son plus jeune âge puisqu’il est cité en cette qualité en 1537  – la valeur n’attendait pas le nombre des années ! – et qu’il l’exerça jusqu’à la fin de ses jours. Il fut d’ailleurs inhumé dans la Chapelle du Pénitencier de la cathédrale Saint-Etienne.

Mais ce n’était pas assez pour ce fils d’une riche famille originaire de Varzy, cité épiscopale, et à ce titre proche des évêques, mais aussi des ducs de Nevers de la Maison de Clèves. Il fut pourvu de la charge de Prieur de Saint Robert dAndryes, antique monastère bénédictin relevant de la Chaise-Dieu. La décadence résultant de sa mise en commende l’avait transformé en simple bénéfice, dont le prieur versait aux religieux subsistants leur « portion congrue ». La belle maison du prieur subsiste à Andryes, dominant le village : Etienne dut y faire quelques séjours.

Il fut également curé de Sainte-Colombe, de Lignorelles et de Villy, en Chablisien, des paroisses où il dut se rendre une fois ou deux en grande pompe.

Dans le même temps, il ne dédaignait pas les biens fonciers laïcs, et fut seigneur, avec ses frères et sœurs, de Corbelin et de Sauzay, mais aussi à titre personnel de Vesvres à Rouy (58), qu’il aurait acquis des moines de Bourras, de Merry-Sec et d’Usselot en Forterre.

Il remania le château de Corbelin, où il demeurait plus souvent que dans sa maison du cloitre du chapitre à Auxerre, faisant construire en 1559 le magnifique logis Renaissance. Il y recevait l’évêque quand ce dernier séjournait à Varzy.

Cette carrière ecclésiastique était une entreprise familiale, puisque les richesses accumulées, d’autant plus importantes que l’impétrant avait mené – ou non – une existence sobre, revenaient inexorablement à des neveux et nièces.

C’est d’ailleurs la lecture de son testament, parvenu jusqu’à nous via des archives privées, qui renseigne sur l’étendue de ses biens fonciers et numéraires, puisqu’il les a soigneusement légués, un peu à l’Eglise et beaucoup à sa famille. Ainsi par exemple Charles Le Muet devint-il seigneur de Merry-sec, son frère François, de Vesvre-les-Varzy, et Guillaume Bérault, d’Usselot. Quant à Hélène, il « l’aida à se marier » avec 100 livres ; Cécile en eut 500. Pierre Bérault, autre neveu et son successeur comme chanoine d’Auxerre, eut « 500 livres et deux couppes d’argent et deux esguierres d’argent telles qu’il voudra, sa robbe doublée de velours, une autre de satin, une saye de velours… ».

Peu après sa mort, les huguenots – des voisins, des parents, des amis – déchainés contre la simonie et contre les excès d’une Eglise étouffée par ses richesses, firent subir de rudes violences à leurs bénéficiaires, à la cathédrale, aux églises, et aux monastères en Auxerrois et en Donziais. Etienne y avait échappé de peu. Il ne vit pas la prise d’Auxerre par les troupes de Coligny, et le pillage des trésors de la cathédrale et de l’abbaye (1567-1568), favorisé par l’absence de l’évêque, le Cardinal de la Bourdaisière, ambassadeur auprès du Saint-Siège.

Voyez ci-dessous la notice consacrée à sa famille.

Famille Le Muet

Share

Le Fey et la Poëse, à Billy et Etais

(Illustration : armes de Mullot)

Le Fey et la Poëse, à cheval sur Billy (58) et Etais (89), étaient des terres tenues à cens et rentes par Regnault Mullot, érigées en fiefs pour lui par Françoise d’Albret, baronne de Donzy, en 1526.

Aucun de ces deux fiefs, dont la constitution est assez récente, n’est cité pour des hommages ou dénombrements dans l’Inventaire des Titres de Nevers de l’Abbé de Marolles.

Au Fey, grand domaine agricole, une maison de maître (XVIIIème ?), atteste de l’ancien statut.

Ces terres se sont transmises de génération en génération chez les descendants de Regnault, jusqu’à la Révolution.

Voyez ci-dessous une notice résumant la succession des seigneurs :

Le Fey et La Poëse (Billy)

Share