« Village sous la neige » par Albert Drachkovitch (Garchy)
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Cartes et territoires
Certains correspondants expriment le souhait de pouvoir localiser plus facilement les sites que nous présentons et de mieux s’y retrouver dans les limites de l’ancien Donziais et des différentes châtellenies qui le composaient, grâce à une ou des cartes.
Nous avons dû renoncer à la carte indexée (google maps) que nous présentions au commencement de ce blog pour des raisons techniques. Mais pour répondre à ce souci légitime, voici quelques rappels et liens utiles.
1/ S’il s’agit de localisation purement géographique et contemporaine, les premiers outils à notre disposition sont naturellement les cartes IGN au 1/25000, très précises et documentées sur les lieux-dits, les châteaux, les églises, les chemins, les cours d’eau même les plus minces. Il est très facile de se les procurer en ligne sur le site de l’IGN/boutique/série bleue France. Attention : les orthographes ont souvent évolué.
Si l’on souhaite visualiser le territoire, le moteur de recherche très sophistiqué de l’application Google Earth Pro (à installer au préalable) permet un repérage très rapide des lieux , avec une vision du ciel extrêmement précise (ci-contre : le château de Ratilly, à Treigny, 89). Par contre, dans le mode Street vew, c’est-à-dire vu du sol, seuls les itinéraires principaux sont filmés ce qui ne permet pas toujours d’accéder à une vieille tour ou à une petite chapelle, en milieu rural peu dense. A l’inverse les sites urbains peuvent être visualisés en détail.
2/ S’il s’agit de géographie historique, la documentation disponible est par contre très restreinte.
La « Carte du Nivernois, divisé en 34 châtellenies » figurant en annexe de « l’Inventaire des Titres de Nevers » de l’abbé de Marolles, édité par Soultrait en 1875 (Nevers, Paulin Fay) est l’outil de référence car elle illustre l’organisation féodale, en traçant les limites des châtellenies, décrites aussi en fin d’ouvrage. C’est donc la seule qui figure les contours exacts de la baronnie de Donzy puisqu’elle inclut les châtellenies au contact de l’Auxerrois au nord : Saint-Sauveur, Druyes et Chatel-Censoir, qui lui avaient été rattachées au XIIIème siècle, et furent versés au département de l’Yonne cinq siècles plus tard.
L’auteur souligne la difficulté de l’exercice dans son Appendice, et justifie ses choix en écrivant : « Les régions qui ont été le moins étudiées sont le Donziais et la Puisaye. Les géographes sont loins d’être d’accord. Plusieurs ont considéré la Puisaye comme une petite province ayant Saint-Amand pour chef-lieu ; d’autres ont voulu exclure du Nivernais tout ce qui dépendait de cette région, d’autres allant plus loi lui ont donné une étendue qu’elle était loin d’avoir…..D’un autre côté Thomas Corneille, auteur d’un dictionnaire géographique publié en 1708, en trois volumes in-folio, donne au Donziais une étendue que cette petite province n’avait pas. D’après Davity il rattache au Donziais Tannay, Dornecy, Champagne en la paroisse de Metz-le-Comte, et Asnan….(alors que) jamais elles n’avaient appartenu au Donziais »
Sa carte permet de repérer les paroisses comprises dans ces circonscriptions comtales, devenues pour la plupart les communes d’aujourd’hui. Les listes de « fiefs et châteaux / par châtellenie / ex : Entrains-sur-Nohain » de notre menu principal sont présentées sur cette base, comme tous nos articles et notices. Nous ne pouvons malheureusement présenter ce document que par le cliché sommaire attaché ci-dessous, car il n’est pas disponible en version numérique :
Des cartes plus anciennes existent auxquelles le site Gallica (BNF) permet d’accéder, avec la possibilité de zoomer pour en voir tous les détails. Ci-dessous des liens vers ces gravures bien connues des XVIIème et XVIIIème siècles.
- « Pays et Duché de Nivernois » (Atlas de Hondius, 1635)
- « Nivernium Ducatus » (in Theatrum orbis terrarum, 1640)
- « L’Evesché de Nevers » (Sanson, 1665)
- « Duché et Gouvernement général de Nivernois » (Delafosse, 1760)
On y trouve de belles représentations du pays, avec des rivières zigzagant entre les collines, des bouquets verts pour figurer les massifs forestiers, et une hiérarchisation imagée des lieux avec un petit clocher pour chaque paroisse.
Mais les indications de découpage féodal, quand il y en a (dans « l’Evêché » de Sanson, et « le Duché » de Delafosse), ne correspondent pas à la structuration féodale réelle. Le Donziais y est présenté comme une bande est-ouest relativement étroite, les châtellenies du nord en étant exclues, alors qu’elles ne relevaient ni du comté d’Auxerre, ni de l’ensemble Toucy-St-Fargeau ; Chateauneuf-Val-de-Bargis également, que le comte de Nevers prétendait posséder en direct, malgré les arrêts du Parlement qui confirmaient son appartenance donziaise et les droits de l’évêque.
Soultrait quant à lui a soigneusement pris en compte l’étagement féodal, à partir des titres que l’équipe de l’abbé de Marolles avait dépouillés et classés pour son Inventaire. Comment expliquer cette différence de conception ? Avançons que dans les cartes anciennes elle peut résulter de l’approximation du cartographe – qui n’est pas un historien – et de l’effacement progressif des marques de la suzeraineté épiscopale d’Auxerre à la fin de l’Ancien Régime, qui pouvait brouiller la lecture des limites. Alors que le retour aux sources originales que fit Soultrait au travers de la publication du manuscrit de l’abbé, lui suggéra de remettre en évidence cette organisation à partir des données livrées par les résumés des titres.
Voyez aussi les cartes pliantes de Cassini, qui sont particulièrement soignées, situant de nombreux fiefs, domaines, et lieux-dits.
BONNES DECOUVERTES !
Villiers-le-Sec, mouvant de Varzy
(Illustration : Auxerre, cathédrale Saint-Etienne)
Villiers-le-Sec, entre Varzy et Clamecy, est aujourd’hui un petit village où aucune trace castrale n’est là pour rappeler qu’il a été un fief très ancien, relevant de la Tour de Varzy des évêques d’Auxerre. Pour cette raison il ne figure pas dans l’Inventaire des Titres de Nevers.
Château épiscopal de Varzy (vers 1900)
Villiers-le-Sec aurait été donné au chapitre de sa cathédrale, à l’époque de Charlemagne, par Maurin, 33ème évêque d’Auxerre de 771 à 799. « …A l’imitation de son prédécesseur de bonne mémoire (ndlr : Aidulf), il donna de ses biens propres à Saint-Etienne (ndlr : sa cathédrale et son chapitre) pour satisfaire les besoins des pauvres. Ces biens se trouvent dans le pagus de Tonnerre, dans la villa appelée Fontenay. Il y ajouta, pour l’entretien des chanoines, une petite terre dont il était propriétaire, appelée Villiers, non loin de Varzy, qu’il avait reçue d’une matrone appelée Rocla« . (Extrait de sa notice dans les « Gestes des Evêques d’Auxerre » (Tome I, Les Belles Lettres, Paris, 2006)
Ce fief a été détenu, dans des conditions qui restent obscures, soit par inféodation du châpitre d’Auxerre, soit par usurpation aux premiers temps de la féodalité, par les sires de Saint-Verain, à l’instar de Saint-Pierre-du-Mont tout proche , ce qui explique notre intérêt, bien qu’il soit hors de notre périmètre. D’autres familles implantées en Donziais leur ont succédé.
Vendu en 1320 à Pierre Anceau, premier connu d’une lignée bourgeoise de Varzy, Villiers-le-Sec s’est transmis à ses descendants sur 15 générations jusqu’à Jacques Gabriel de La Ferté-Meung, officier général et diplomate, dont nous avons rencontré la famille, éteinte au XIXème siècle, en plusieurs sites – voir sa généalogie dans la page familles -.
Les deniers titulaires de Villiers-le-Sec auraient eu un petit château à Cuncy-les-Varzy, tout proche, dont ils étaient également les seigneurs. Cette terre fut vendue comme « Bien de la Nation ».
Cuncy-les-Varzy, église Saint-Martin
Voyez ci-dessous une notice décrivant la dévolution de ce fief épiscopal.
Villiers-le-Sec. (V1 du 6 nov 2023)
Le domaine du Crot-Ravard, à Châteauneuf
(Illustration : verre filé de Nevers, XVIIème)
Le Crot-Ravard (ou Ravart) est un domaine ancien situé dans la vallée de la Nièvre, à Châteauneuf-Val-de-Bargis, aux confins des terres de l’abbaye cistercienne de Bourras , à laquelle il a sans doute appartenu avant d’être cédé.
On le trouve vers 1650 aux mains d’Edmé Picquet, d’une famille originaire de Troyes – son grand-père, Claude Picquet, mathématicien, astronome, graveur en taille douce -, établie en Nivernais par des fonctions administratives dans les Manufactures royales de verrerie de Nevers, qui les mirent en rapport avec des familles de gentilshommes verriers : Castellan, Borniol…etc.
Le Crot-Ravard passe ensuite par alliance à une branche cadette des Charry, de Giverdy, puis aux Caffard, bourgeois de Nevers et de Saint-Bonnot.
Il reste à trouver des traces de l’histoire plus ancienne de ce domaine, mais la documentation sur l’Abbaye de Bourras est très fragmentaire…
Merci aux Cahiers du Val-de-Bargis qui fournissent une inépuisable documentation sur cette petite région !
Une autre baronne de Perreuse célèbre
(Illustration : Renée d’Anjou-Mézières, comtesse de Saint-Fargeau, baronne de Perreuse)
Nous avons déjà parlé de la petite baronnie de Perreuse, au sud de la Puisaye (aujourd’hui commune fusionnée de Treigny-Perreuse-Sainte-Colombe, Yonne), qui appartenait aux seigneurs de Toucy puis de Saint-Fargeau, avec de nombreux arrière-fiefs, mais se situait en Donziais (châtellenie de Saint-Sauveur). Le dernier baron de Perreuse fut le conventionnel Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, qui vota l’abolition des privilèges et la mort du roi, puis fut assassiné.
Perreuse, maisons anciennes
L’histoire de Perreuse et de Saint-Fargeau réserve d’autres surprises : la Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans, fille de Gaston frère de Louis XIII et de la dernière des Montpensier, fut à ce titre baronne de Perreuse et découvrit la contrée pendant le long exil que le roi lui imposa à la suite de ses initiatives frondeuses (1652 -1657 – voir notice Ratilly -).
Nous allons évoquer ici sa bisaïeule, Renée d’Anjou-Mézières, comtesse de Saint-Fargeau et baronne de Perreuse, née en 1550 au château de Mézières-en-Brenne, et morte sans doute en 1586. Elle était la fille de Nicolas d’Anjou-Mézières (voir notice Saint-Fargeau) – descendant d’une branche bâtarde des rois de Sicile de la maison d’Anjou – et de Gabrielle de Mareuil. Elle avait épousé François de Bourbon, duc de Montpensier (duc de Chatellerault, prince de la Roche-sur-Yon, Dauphin d’Auvergne et comte de Mortain ; 1542-1592) – issu des ducs de Bourbon capétiens, puis des comtes de La Marche et de Vendôme – ; un proche parent du roi Henri IV. Pour eux le vaste fief de Saint-Fargeau avec ses dépendances fut érigé en duché-pairie.
On peut imaginer que Renée séjourna dans cette immense demeure de brique et de pierre qui succédait à une forteresse construite avant l’an Mil par Héribert, évêque d’Auxerre (+ 996 à Toucy), demi-frère d’Hugues Capet. Poussa-t-elle en carrosse jusqu’à Perreuse avec ses gentilshommes pour y rencontrer le capitaine du lieu dont la belle maison de ce temps subsiste sur la place du village, et jusqu’à Treigny, pour se recueillir dans l’église St-Symphorien, la « cathédrale de la Puisaye » ?
Saint-Fargeau
Renée n’était pas seulement la très riche héritière de ces lignées princières, elle était aussi une très belle jeune femme, comme son portrait nous le confirme. Toutefois, elle n’aurait pas laissé plus de traces dans l’histoire que telle ou telle autre grande dame de ce temps si elle n’avait pas été choisie par Madame de Lafayette (1633-1693) comme héroïne de sa nouvelle : « La Princesse de Montpensier », parue en 1662, du vivant même de la Grande Mademoiselle, son arrière-petite-fille.
On ne saura jamais pourquoi l’auteure de ce petit roman historique et psychologique – précurseur de son œuvre majeure « La princesse de Clèves » -, dont l’intrigue se déroule à la fin du règne de Charles IX, l’avait choisi pour héroïne ? Pourquoi l’avait-elle entourée dans cette fiction de personnages ayant eux aussi existé : son mari, François de Bourbon-Montpensier ; Henri de Lorraine, duc de Guise, chef du parti catholique ; François, duc d’Anjou ? Le comte de Chabannes du roman quant à lui est fictif, mais pas son nom, qui n’est pas inconnu en Puisaye (Saint-Fargeau) et en Donziais (Vergers).
C’était une démarche audacieuse en ces temps de censure implacable, même s’il s’agit selon l’Avertissement du livre « d’aventures inventées », à partir de ces noms empruntés à l’Histoire. L’ancrage historique très soigneux du roman était également novateur : il s’agissait d’éclairer les motivations de hauts personnages dont les haines politiques sont décrites comme résultant de rivalités amoureuses, dans le contexte violent des guerres de Religion. « L’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d’en causer beaucoup.» L’ouvrage rencontra un grand succès. Le choix de ces personnages réels ne manqua certes pas de susciter des critiques, d’autant qu’ils avaient des descendants proches de la Cour. Mais peut-être avait-il été fait par la sage Lafayette, demoiselle d’honneur de la Reine, amie de Mme de Sévigné tenant salon à Paris, pour donner à l’œuvre toute sa puissance moralisatrice.
Mme de Montpensier « aurait été sans doute la plus heureuse des princesses si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions » écrit Mme de Lafayette non sans aplomb. Rien ne permet d’écrire que la vraie Renée, dont les détails de la vie sont effacés à nos yeux, connut les mêmes errances que son double littéraire, et ne fut pas vertueuse et prudente. Elle eut de François de Bourbon un fils unique, Henri, qui hérita de tous leurs biens et titres et servit glorieusement le roi. Clouet a donné un portrait de lui à 20 ans. Marie de Bourbon-Montpensier, petite-fille de Renée, l’une des plus riches héritières de son temps, fut la mère de la Grande Mademoiselle.
Le duché de Saint-Fargeau, avec Perreuse, fut vendu par Lauzun, son mari secret devenu veuf, au financier Antoine Crozat, marquis du Chatel, en 1714, qui le revendit un an plus tard à Michel Lepeletier des Forts, le bisaïeul du dernier baron de Perreuse.
La princesse, François, Guise, Anjou, et Chabannes ont été récemment ressuscités au cinéma dans une superbe adaptation de Bertrand Tavernier :