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Les Granges de Cours

(Illustration : église St-Symphorien de Cours, ancien prieuré)

Nous avions évoqué le fief des Granges, près de Cours (Cosne-Cours-sur-Loire), comme une possession annexe des seigneurs de Myennes à partir du XVIIème siècle. En fait il en était une « Grange » et en avait été détaché bien antérieurement.

Des contributions décisives d’A. Boucher-Baudard, qui étudie de façon approfondie l’histoire de la région de Cosne, nous ont permis d’y voir plus clair, c’est pourquoi cet article a été substitué aux précédents.

« Les Granges ou « château des Granges » était une grosse maison autrefois fortifiée, tout autour régnaient de hautes murailles, et un fossé rempli d’eau qu’on traversait sur un pont-levis. Au-dessus de la porte d’entrée, on voit encore des armoiries ; un bel et large escalier conduit au Ier. Dans les murs qui l’entourent on remarque de distance en distance des trous sur le dehors pour place des canons. »

Le nom de « Granges » indique une dépendance par rapport à un château, celui de Myennes en l’occurrence, une terre de l’ancienne baronnie de Saint-Verain , dont cet arrière-fief fut détaché vers 1570.

On trouve ce fief aux mains des « du Houssay », connus comme seigneurs du Pezeau (à Boulleret,18, non loin de Cosne) depuis Pierre, à la fin du XVIème siècle. Ils détiennent également Beauregard, petit fief voisin des Granges. La succession proposée, pour cette famille peu documentée, reste en partie hypothétique.

L’un d’eux : Jean du Houssay » (v. 1550-1600), connu sous le nom de « seigneur de la Borde », a été un conseiller et agent du roi Henri IV ; il a laissé des Mémoires.

Le fief des Granges passe ensuite en 1631, par acquisition, aux Vieilbourg, faisant ainsi retour aux seigneurs de Myennes, et reste ensuite associé à ce grand fief jusqu’à la Révolution.

Voyez ci-dessous une notice complétée sur la succession des seigneurs des Granges :

Les Granges (Cours) (V5 du 13 mars 2024)

 

 

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Les Blanchefort, fidèles entre les fidèles

(Illustration : le pont d’Asnois sur l’Yonne)

Nous évoquons souvent ici les ravages que fit la Guerre de Cent ans, et les exactions des huguenots pendant les Guerres de Religion. Mais l’épisode de la Ligue qui suivit ne fut pas moins dramatique. Une querelle dynastique sur fond d’intolérance religieuse mettait le royaume à feu et à sang : le duc de Guise mobilisait pour contraindre par la force le dernier Valois à « bouter les hérétiques hors du royaume », puis s’opposer à l’accession au trône d’Henri de Navarre.

Notre petite région, dont les élites avaient largement adhéré à la Réforme, ne resta malheureusement pas à l’écart de ce nouvel épisode sanglant.

Née de La Rochelle, dans ses « Mémoires sur le Département de la Nièvre » (Bourges, Paris, 1827, tome III) propose une belle série d’hommes illustres. Parmi eux : Pierre de Blanchefort (v. 1520 – 1591) et son fils Adrien, des seigneurs donziais qui s’illustrèrent par leur fidélité à la Couronne pendant cette période difficile.

Pierre appartenait à une illustre lignée du Limousin, sortie des anciens vicomtes de Comborn et alliée à la plus haute noblesse de la grande Aquitaine, qui portait : « d’or à deux lions passant de gueules », des armes qui fleurent bon le premier moyen-âge.

                                                                                 

Son père : Guy de Blanchefort, fils du seigneur de St-Clément, Bois-Lamy et Nouzerolles en Rouergue où la famille s’était établie au XIVème siècle, s’était marié en Donziais. Françoise de Blanchefort, demi-sœur de Guy, avait épousé Jean de Chabannes, l’aïeul du seigneur futur de Vergers.

Nous avons rencontré les Blanchefort à Château-du-Bois, vieux fief de la châtellenie d’Entrains, que Pierre tenait de sa mère : Perrette du Pont, ainsi que Villenaut – aujourd’hui « les Villenots » à Etais, un fief qui donna son nom au généalogiste nivernais Adolphe de Villenaut – et Fondelin (à Corvol), aux confins de la Nièvre et de l’Yonne. On voit toujours au village de Château-du-Bois les restes imposants d’une maison-forte.

Pierre avait quant à lui épousé en 1551 Léonarde de Clèves, dame d’Asnois-le-Bourg, fille du bâtard Hermann von Kleve, et de Léonarde Perreau. Elle était la nièce « par la main gauche » d’Engilbert de Clèves, comte de Nevers –. Cette alliance apporta à Pierre une partie de la terre d’Asnois, venue des sires de Saint-Verain, dont le site domine la haute vallée de l’Yonne. Son fils réunit les deux fiefs en épousant Henriette de Salazar, dame d’Asnois-le-Château. Ils étaient donc solidement établis et alliés à de grandes familles du pays.

                                                         

Née nous conte leurs exploits. Pierre servit d’abord sous le Maréchal de Bourdillon (1554) – Imbert de La Platière, dont nous avons croisé la famille à Chevroux – et se trouva à la bataille de Saint-Quentin (1557) ; il devint ensuite Enseigne de Cinquante hommes d’armes des Ordonnances du Roi, dans la compagnie du marquis de Nesle (1568). Il fut nommé « maître de camp » par brevet du roi Henri III en 1575.

Il fit détruire le pont d’Asnois (cf. le pont actuel en illustration…) pour empêcher la jonction des troupes de la Ligue. Il démontra sa fidélité et son légitimisme lors des Etats Généraux de Blois (1576), où il siégeait comme député de la noblesse du Nivernais-Donziais, en refusant malgré les pressions l’exclusion des princes de la Maison de Bourbon de la succession au trône de France, que voulaient imposer les princes ligués. Ayant levé une troupe importante il put maintenir le contrôle du roi sur le Nivernais, y compris lors des troubles de 1585, sans hésiter à occuper Nevers, pour préserver la ville des menées des ligueurs.

« Il se donna tant de soins, de peines et de fatigues, pour la défense de ses rois légitimes, qu’il ne put jouir des belles années du roi Henri IV » écrit Née. Il mourut à Asnois en 1591, et y fut inhumé dans la belle église Saint-Loup.

Son fils Adrien de Blanchefort, fait « baron d’Asnois » en 1606, assura brillamment la succession paternelle en servant dès l’âge de 17 ans, en particulier lors de la guerre des Pays-Bas (1582) : en prenant Dendermonde il fournit un abri au duc d’Alençon, dont il fut le chambellan jusqu’à sa mort. Suivant l’exemple de son père, il resta constamment fidèle aux rois Henri III et Henri IV, avec lui aussi le grade de « maître de camp ». Ce roi lui confia le Gouvernement de St-Jean-de-Losne qu’il défendit contre la Ligue. Il reprit aux factieux Avallon et plusieurs places en Bourgogne et en Nivernais où il commanda. Il en fut le député aux Etats-Généraux de 1614, et jusqu’à sa mort en 1625 il fut le chef des troupes royales dans la province.

Dans la descendance de Pierre et Adrien on trouve le fameux Roger de Gaignières (1642-1715), historien, généalogiste et infatigable collectionneur. Il fit réaliser des dessins d’objets anciens – dont des pierres tombales (ci-dessous celle de Jean d’Angerant, évêque de Beauvais, oncle de Bureau de La Rivière) -, qui restent les seules images d’innombrables monuments disparus pendant la Révolution. Il avait fait don de l’ensemble au roi Louis XIV, et sa collection se trouve pour l’essentiel à la BNF.

                                                                      

Les Blanchefort, père et fils, avaient donc mérité la reconnaissance de leur patrie d’adoption. Voyez ci-dessous la notice généalogique consacrée à cette famille :

Famille de Blanchefort

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Presle, détaché de Suilly-Magny

La petite terre de Presle, à Suilly-la-Tour, qui ne conserve qu’une modeste trace castrale dans un domaine agricole, aurait été détachée au XVIIème siècle du fief de Suilly et Magny.

Elle est alors détenue par Henry de Bonnay, issu d’une vieille famille bourbonnaise, mais ruiné, et son épouse Marie Lucquet – peut-être par acquisition du père de cette dernière : Antoine Lucquet, sgr de Grangeboeuf et de Presle (à Cours) -.

Le marquis de Bonnay, dernier seigneur en titre de Presle – mais titulaire de bien d’autres fiefs beaucoup plus importants – fut Président de l’Assemblée Constituante.

Le fief aurait été réuni à celui des Granges peu avant la Révolution par acquisition : le domaine fit partie intégrante de cette grande propriété ensuite.

Cet article remplace une édition précédente qui recelait des erreurs ou imprécisions. Merci de vos commentaires éventuels…

Presles (Suilly) (V8 du 30/1/23)

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Bois-Regnault, dépendant de Longrets

Bois-Regnault – aujourd’hui le domaine de Bois-Renaud au sud de Saint-Andelain où aucune trace castrale n’est visible – était un arrière-fief de Longrets, la grande seigneurie en Donziais du chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers, que nous avons évoquée tout récemment.

Ce fief n’est donc pas mentionné dans l’Inventaire des Titres de Nevers de l’abbé de Marolles.

Il jouxtait à l’ouest le Nozet – fleuron de l’appellation Pouilly-Fumé tout proche – et Pouilly, terre donnée au Prieuré de La Charité dès sa fondation au XIème siècle.

On voit Bois-Regnault inféodé dès 1300, mais on perd longtemps sa trace, avec des indications fragmentaires aux siècles suivants.

On la retrouve au début du XVIIème siècle aux mains de François Riglet, seigneur de Lusson en Berry, peut-être par son alliance avec Françoise Coullaud, d’une famille poitevine. Leurs descendants le conserveront jusqu’à la veille de la Révolution, le fief étant alors racheté, en même temps que le Nozet et Saint-Andelain par les Dodart, médecins du Roi investis dans les eaux minérales (Pougues)

Il y aurait eu une maison-forte à Bois-Regnault, qui défendait ce bien d’Eglise, mais elle était en ruines en 1550. Fut-elle reconstruite ?

Nous sommes intéressés par toute information qui permettrait de compléter la notice qui suit, encore trop succincte.

Bois-Regnault  (V3 du 19 oct 2021)

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Longrets : la « Terre aux Poitevins »

(Illustration : chevet de Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers)

En évoquant l’ancienne abbaye de Saint-Laurent, nous avons rappelé qu’elle avait été fondée sur une terre appartenant à l’église Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers qu’on appelait Longrets : un nom totalement disparu des cartes.

Cette seigneurie, qu’on appelait aussi la « Terre aux Poitevins », appartenait aux chanoines de Saint-Hilaire depuis les temps les plus reculés. Clovis, roi des Francs, en aurait fait don à cette église historique de Poitiers en 524 – excusez du peu ! -. Attribution confirmée en 889, lorsque le roi Eudes officialisa sa transmission aux chanoines, et en 942, par le roi Louis IV d’Outremer.

Le monastère de Saint Laurent fut fondé peu après. Au XIème siècle il fut confié aux Chanoines réguliers de Saint Augustin. Des dispositions furent prises au fil du temps pour assurer la coexistence sur le terrain entre cette abbaye, dotée de biens aux alentours, et Saint-Hilaire qui détenait Longrets dans sa globalité.

Une seigneurie ecclésiastique très vaste puisqu’elle englobait outre Saint-Laurent : la paroisse de Saint-Quentin-sur-Nohain en totalité, et une partie des paroisses de Saint-Andelain, Garchy, Pouilly-sur-Loire, et Saint-Martin-du-Tronsec. Un terrier de 1526 énumère les lieux-dits qui la composaient : La Chaume, Les Prébandes, le Bois Pigné, le Chambeau, le Bois de l’Aulne, Congy, Maubochet, Les Caves, Sommard, Saint-Quentin, Chevroux, Saint-Laurent, La Brosse, Villiers…

Cette énumération implique une superficie considérable : plusieurs milliers d’hectares. Du Nohain aux portes de Pouilly, jouxtant au sud-ouest le domaine du prieuré de La Charité, et au nord-est Mocques, Favray et la baronnie de St-Verain, au nord-ouest la châtellenie de Cosne et au sud celle de Donzy, le grand fief des chanoines structura ce territoire vallonné jusqu’à la Révolution.

L’histoire de Longrets est documentée par des titres conservés aux Archives de la Vienne, dont l’inventaire a été publié (AD 86 – série G, Chapitre de Saint-Hilaire – accessible en ligne).

A Poitiers, l’exceptionnelle église romane Saint-Hilaire-le-Grand, témoigne de l’importance de cette fondation.

Originaire de Poitiers, Hilaire en fut évêque au IVème siècle. Il fut le grand défenseur de la foi chrétienne orthodoxe contre l’arianisme. Il avait fait construire dans un cimetière au sud de la ville une chapelle dédiée aux saints Paul et Jean, martyrs. Il y fut enterré et un complexe funéraire et religieux s’y développa, comprenant une basilique.

Après sa destruction par les invasions une nouvelle basilique fut construite, autour de laquelle la légende de la bataille de Vouillé s’est construite : une lumière provenant de cette église aurait averti Clovis d’aller combattre et vaincre les troupes d’Alaric, roi wisigoth arien. Dans son « Histoire ecclésiastique des Francs« , Grégoire de Tours (538-594) reprend cette vision d’une « boule de feu ». Le roi aurait alors doté l’église Saint-Hilaire de biens de son fisc en témoignage de reconnaissance.

L’ensemble basilical devint une collégiale de chanoines réguliers au VIIIème siècle et fut dévasté à deux reprises par les musulmans en 732 et par les vikings vers 860, entrainant le transfert des reliques du saint au Puy-en-Velay.

En 935, les comtes de Poitou, ducs d’Aquitaine, en devinrent « abbés laïcs », c’est-à-dire protecteurs officiels. Ce titre fut transmis aux rois de France, qui s’y rendirent régulièrement. Henri IV, Louis XIII et Louis XIV notamment, abbés laïcs titulaires, y furent reçus.

L’édifice roman actuel date des XIème et XIIème siècles pour l’essentiel, complété par un portail gothique au XVème. Elle a subi de graves dommages pendant les guerres de religion, mais a été rétablie à l’identique.

Le chapitre de Saint-Hilaire était donc un grand propriétaire foncier.

L’enclave de Longrets en Donziais était, malgré la distance, partie intégrante de son patrimoine. Les chanoines l’administraient soigneusement ; les abbés de Saint-Laurent leur devaient une visite annuelle, dont les rois durent leur rappeler l’obligation, car ils s’en affranchissaient volontiers. Le statut royal du chapitre fut rappelé en diverses occasions : par exemple par des vitraux aux armes de France et du Saint-Siège, installés à l’église de Saint-Laurent au XVIIème siècle, pour que nul n’en ignore. Des conflits pouvaient naître, ils furent arbitrés par les évêques ou même par les Papes.

Indépendamment du domaine de l’abbaye de Saint-Laurent, qui incluait le Moulin de la Rousse sur le Nohain, la seigneurie de Longrets, dont le siège se trouvait en un lieu dit « le Terroir-des-Poitevins » aujourd’hui oublié, était affermée.

Certains domaines furent inféodés à partir du XVIème siècle : Chevroux – que nous avons déjà présenté – ; Bois-Regnault (vieux domaine agricole au sud de St-Andelain) ; la Brosse-de-Chinard et Congie. Leurs seigneurs particuliers faisaient hommage au doyen du chapitre de Saint-Hilaire, suzerain ecclésiastique.

Le chapitre y entretenait l’appareillage habituel de l’administration des grandes seigneuries : baillis, procureurs, sergents, prévôt, notaires…etc. Ainsi Claude Bouchet, avocat à Cosne, que nous avons déjà rencontré comme seigneur du Jarrier (à La Celle) était « Sénéchal de Longrets » vers 1680, un titre qui fleure bon le Moyen-Age…A Saint-Laurent une maison ancienne est connue comme étant celle du « Bailli de Longrets ».

Tout cela prit bien sûr fin en 1789. Les biens de Saint-Hilaire et ceux de Saint-Laurent furent vendus, au plus grand bonheur des notables locaux qui s’en emparèrent.

L’histoire de cette « Terre aux Poitevins » en Donziais illustre l’extrême complexité de l’organisation féodale et l’implication profonde de l’Eglise dans le dispositif territorial. Elle mériterait d’être approfondie.

 

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